Les pistes pour booster votre rémunération
Privilégier le présent ou le futur? C'est la difficile équation que tentent de résoudre les dirigeants d'une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés. Pas de recette miracle: tout est surtout une question d'anticipation et de préférences
Je m'abonneRevenus du travail et du capital, intérêts sur comptes courants d'associé, avantages en nature, revenus fonciers pour les propriétaires de locaux professionnels, revenus générés par un contrat de licence qui permet à celui qui dépose un nom commercial à l'INPI de percevoir une redevance pour son utilisation, épargne salariale... Les dirigeants d'une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés (IS) peuvent jouer sur différents leviers pour optimiser leur package rémunération. En revanche, toute la subtilité réside dans le cocktail gagnant, la proportion des ingrédients s'appréciant au cas par cas. Votre arbitrage doit satisfaire à la fois vos intérêts et ceux de votre société sur les plans fiscal, social et patrimonial. Et ce, en le faisant évoluer au gré des mouvances des législations en vigueur!
La stratégie de rémunération va de pair avec la formule juridique de l'entreprise et le statut choisis. Pendant des années, les statuts de gérant salarié de SARL et de p-dg de SA étaient plébiscités. Dorénavant, les entrepreneurs leur préfèrent la gérance majoritaire d'une SARL qui se prévaut de cotisations sociales moindres, de l'ordre de 30 %. Si les travailleurs non salariés optimisent leur revenu immédiat, étant moins taxés que les autres, ils peuvent en faire de même pour leur rémunération future, en utilisant la possibilité de déduire fiscalement leurs cotisations facultatives de santé, de prévoyance et de retraite (loi Madelin).
Rémunérer le travail ou le capital?
« Ce dispositif issu de la loi Madelin, un des derniers outils de défiscalisation fiscale, est un excellent moyen de se constituer des revenus différés, indique Jean-Claude Armand, expert-comptable et commissaire aux comptes du cabinet éponyme. Contrairement au régime de retraite obligatoire, le cotisant ne doit pas connaître, en principe, une érosion de son épargne. » Néanmoins, mieux vaut se prévaloir d'un état de santé sans faille pour souscrire cette assurance privée, au risque de payer des cotisations majorées ou de voir son dossier refusé. « Sinon, un dirigeant peut transformer sa SARL en SAS et cotiser au régime de prévoyance comme n'importe quel salarié, c'est-à-dire sans subir un examen de discrimination à l'embauche », avance Jean-Claude Armand. Autre inconvénient de ce dispositif issu de la loi Madelin: seule une récupération sous forme de rente est autorisée. Les mandataires sociaux d'une société assujettie à l'IS peuvent percevoir des rémunérations, fixes ou variables, et des dividendes. « Les mécanismes de prélèvements obligatoires ressemblent à des vases communicants: moins de rémunération signifie d'abord plus d'IS, avant plus de dividendes. Il faut prendre en compte la non-équivalence des charges sociales entre elles (les cotisations de retraite constituant, contrairement aux autres, du revenu différé), et les préférences du bénéficiaire (certains dirigeants privilégient le meilleur revenu immédiat, d'autres le meilleur revenu différé), explique Jean-Claude Armand. Une chose est néanmoins certaine: le tout dividende est une absurdité au vu du niveau atteint par la CSG-CRDS, le tout rémunération l'est moins. La rétribution du dirigeant partiellement par des dividendes peut être envisagée si le bénéfice fiscal est inférieur à 38 120 euros, donc taxable à 15 %. Au-delà de ce seuil, le versement de dividendes devient confiscatoire car le bénéfice est imposé au taux de 33,33 %. Le versement d'une rémunération variable en complément de la rémunération fixe peut alors davantage se justifier, d'autant plus que le taux de charges sociales, marginal, peut baisser sensiblement en raison du plafonnement de cotisations retraite de base et maladie. » Reste à déterminer où fixer le curseur. « Si vous vous versez entre 25 ke et 35 ke de dividendes, vous n'êtes pas très loin, dans la plupart des cas, d'une optimisation des prélèvements obligatoires », révèle Jean-Claude Armand. Réaliser dans le courant du dernier trimestre des simulations qui tiennent compte des besoins de financement de votre PME et, plus indirectement, des revenus de votre foyer fiscal est indispensable. « En fonction des revenus du ménage, des évolutions fiscales et d'événements exceptionnels, le dirigeant pourra adapter sa rémunération en vue d'éviter la taxe sur les hauts revenus de 3 % voire de 4 % pour les revenus du couple excédant 1 million d'euros », précise Me Franck Gozlan, avocat fiscaliste chez Gozlan & Parlanti. En faisant le choix du versement de dividendes, sachez que vous pouvez opter, en lieu et place du régime de droit commun, pour un prélèvement forfaitaire libératoire à la source de 21 % (hors prélèvements sociaux). « Cette option n'est intéressante que pour les dirigeants qui se distribuent des dividendes pour un montant très significatif, généralement supérieur à 100 ke, et atteignent un taux marginal d'imposition situé dans les tranches de 30 % et de 41 % », souligne Me Franck Gozlan.
Usez de l'épargne salariale
Etant exonéré de cotisations sociales et ouvrant droit à un crédit d'impôt, l'intéressement est une solution à envisager au sein d'une TPE. Outre le fait qu'il doit être ouvert à l'ensemble des collaborateurs comme l'ensemble des dispositifs d'épargne salariale, il présente un inconvénient: la prime maximale ne peut excéder 17 676 euros. D'autre part, les éléments pris en compte pour le calcul de l'intéressement doivent être objectivement mesurables, qu'ils soient basés sur les résultats ou la performance de l'entreprise. Instaurer en complément un plan d'épargne entreprise (PEE) est avantageux, les primes d'intéressement qui y sont versées n'étant pas imposées. Attention, les sommes sont bloquées pendant cinq ans pour ne pas être assujetties à l'IR sauf dans 11 cas prévus par la loi (mariage, acquisition d'une résidence principale...). Les versements sont libres et la part abondée par l'entreprise est déductible de son bénéfice imposable.
Autre solution possible: ouvrir un plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) qui permet de se constituer une épargne, débloquée à la retraite. L'entreprise peut apporter sa contribution, à condition qu'elle n'excède pas 5 656 euros, ni le triple de la contribution du salarié au plan. Enfin, le dirigeant peut également prêter de l'argent à sa société en le déposant sur un compte courant d'associé et percevoir en contrepartie des intérêts - déductibles si, entre autres conditions, le montant global bloqué ne dépasse pas 46 000 euros. « Cela permet de répondre aux besoins de trésorerie de l'entreprise dans des conditions plus souples qu'un prêt bancaire traditionnel tout en percevant des intérêts, explique Me Franck Gozlan. Le remboursement du compte courant d'associé peut être opéré à tout moment même en l'absence de résultat bénéficiaire de la société, contrairement aux dividendes, et ce en franchise d'IR, à l'exception des intérêts perçus imposables l'année de leur perception qui sont soumis à l'IR selon le barème progressif ou à un prélèvement libératoire forfaitaire au taux de 24 % . »
Jean-Claude Armand, expert-comptable et commissaire aux comptes, cabinet Jean-Claude Armand.
Jean-Claude Armand, expert-comptable et commissaire aux comptes, cabinet Jean-Claude Armand.
«Le tout dividende est une absurdité au vu du niveau atteint par la CSG-CRDS, le tout rémunération l'est moins.
A SAVOIR
Les avantages en nature: l'exemple du véhicule du dirigeant
Exonérés d'impôts et de cotisations sociales, les avantages en nature restent un moyen imparable d'augmenter votre pouvoir d'achat, qu'ils prennent la forme de chèques emplois services universels (Cesu) préfinancés par l'entreprise, d'un logement ou d'une voiture de fonction. Concernant le véhicule du dirigeant, « l'achat par la société est à privilégier si le chef d ' entreprise réalise moins de 10 000 kilomètres par an et qu'il souhaite acquérir un véhicule haut de gamme », recommande Jean-Claude Armand, expert-comptable et commissaire aux comptes du cabinet éponyme. Au-delà de ce seuil kilométrique, opter pour le remboursement des indemnités kilométriques est plus avantageux, surtout si le véhicule n'est pas de première jeunesse. Les kilomètres réalisés à titre professionnel ne doivent toutefois pas excéder 85 % du kilométrage total, au risque de devoir régler la taxe sur les véhicules de société, comprise entre 750 et 4 500 euros.