Les grandes surfaces, un marché ultra-concurrentiel
De la supérette au supermarché, il y a un véritable gouffre. Pourtant, les pratiques et les stratégies sont très proches. Dans un secteur très concurrentiel, où les marges sont souvent tendues, chacun des deux modèles trouve sa place.
Je m'abonneCe n'est pas une décision anodine. L'implantation ou la reprise d'un supermarché, voire d'une supérette, peut représenter le projet de toute une vie. Mais la tendance semble plutôt favorable à ce genre d'entreprise. De fait, les grandes surfaces représentent les deux tiers des achats des ménages (hors dépenses des consommateurs en restauration commerciale et collective). De plus, les derniers chiffres publiés par l'Insee, quant à eux, montrent que les ménages achètent les deux tiers de leurs produits alimentaires dans les supermarchés (plus de 400 m² et moins de 2 500 m²) et les hypermarchés (plus de 2 500 m²). Au total, en 2010, les achats alimentaires des consommateurs dans les magasins représentent 170 milliards d'euros, dont 113 milliards d'euros pour les seules grandes surfaces (hors dépenses des consommateurs en restauration commerciale et collective).
Un secteur structuré
Si l'on devait prendre comme exemple un secteur d'activité particulièrement structuré, normé, ce serait sans conteste celui des supermarchés. La distribution en France est organisée principalement autour de deux modèles. Le premier est coopératif, tandis que le second, est succursaliste. Le groupement coopératif, dont les plus grands noms sont les groupes E.Leclerc, Intermarché et Système U, fonctionne sur la base d'une association d'entrepreneurs juridiquement et financièrement indépendants les uns des autres (voir l'article «Quelle forme d'organisation pour travailler en réseau?» en p. 6).
Cette dimension commerce associé permet de créer des synergies qui portent leurs fruits. L'objet du groupement est de mettre en commun des moyens (centrale d'achat, enseignes, politiques commerciales, moyens financiers) pour développer des outils et actions destinés à assurer la compétitivité des points de vente.
Dans les groupes intégrés (Carrefour, Casino, Auchan), en revanche, le magasin est détenu et géré par le groupe de distribution qui décide de la politique commerciale du point de vente. Pour certains petits formats, une plus grande indépendance est parfois accordée au gérant du magasin, via la franchise, pour accroître la performance au vu de la concurrence locale. La stratégie d'implantation de supérettes de ce second modèle n'est pas sans soulever quelques interrogations, notamment sur les conditions de rétribution et de sortie d'activité du franchisé.
3 QUESTIONS A
Gilles Piquet-Pellorce, dg de Biocoop SA
Comment jugez-vous l'activité du réseau Biocoop sur l'année 2012?
Je ne voudrais pas paraître présomptueux, mais globalement, nous avons vécu une année plutôt sympathique. L'ensemble de la SA COOP enregistre des résultats très positifs. Pour Biocoop, les résultats ont été récemment publiés et, avec un chiffre d'affaires légèrement supérieur à 535 millions d'euros, ainsi qu'un taux de croissance de 7 %, nous ne pouvons être que satisfaits.
Comment expliquez-vous ces résultats?
Tout d'abord, je pense que notre formule est bonne et adaptée aux attentes de nos clients. Le marché du bio est en croissance, les écarts de prix par rapport aux produits non bio tendent à se réduire. Le récent rapport sur les OGM incite les consommateurs à avoir un esprit véritablement critique. Et, lorsque l'on suit l'actualité relative à la présence de viande de cheval dans ce qui devrait être du boeuf, je pense que la tendance ne va pas s'inverser!
Vous êtes donc confiant pour l'année 2013?
Nous ne sommes pas inquiets, mais nous ne sommes pas pour autant confiants. 2013 sera pour nous une année charnière, car nous voulons avant tout consolider les bons résultats enregistrés sur 2012. Nous avons investi dans un nouveau système d'information et redéployons notre infrastructure logistique. Toutes ces évolutions exigent de la prudence. Nous ne cédons pas au triomphalisme et, si nous réalisons une croissance nulle sur 2013, nous serons déjà satisfaits.
Des enseignes rentables?
Reste que les hypermarchés sont en perte de vitesse depuis environ deux ans. Ces surfaces de vente de plus de 2 500 m² affichaient, fin 2011, un chiffre d'affaires en baisse de 3,1 %, avec un recul de 0,2 % pour l'alimentaire et un plongeon de 5,9 % pour le non alimentaire. Heureusement, dans le même temps, les supérettes et les supermarchés attirent à eux une clientèle toujours plus large et, surtout, toujours plus fidèle. Le chiffre d'affaires des petits hyper était ainsi en hausse de 4,8 % (+ 7,2 % en alimentaire et - 2,7 % en non alimentaire) à la fin 2011. Dans les supermarchés, le chiffre d'affaires progresse de 2 % avec, là encore, un meilleur score pour les petites surfaces (+ 5,6 % sur le format 400 à 1 200 m²) que pour les grandes (+ 0,6 % pour les 1 200 m² à 2 500 m²).
Cependant, toutes les enseignes n'affichent pas des performances au beau fixe. Mais celles qui se sont positionnées en faveur du pouvoir d'achat, à l'instar du réseau Leclerc, ont enregistré en 2012 des résultats très positifs. Ainsi, l'année dernière, en France, le chiffre d'affaires des Centres E.Leclerc a atteint 32,3 milliards d'euros hors carburant (+ 7 %). Ces résultats confirment le succès de la politique offensive de prix bas mise en avant par E.Leclerc. Avec une part de marché de 18,6 % en 2012, et un chiffre d'affaires en progression continue sur les dix dernières années (+ 52 % hors carburant), l'enseigne anticipe une année 2013 sous les meilleurs auspices. « En 2013, le pouvoir d'achat des Français va régresser d'environ 1 %, avec pour conséquence une stagnation de la consommation. Les consommateurs seront de plus en plus sensibles aux prix et privilégieront les enseignes les moins chères. J'anticipe une croissance de notre chiffre d'affaires entre 4 et 6 % sur l'année », a déclaré Michel-Edouard Leclerc en janvier dernier.
Pour le groupe Casino et ses multiples enseignes (Franprix, Leader Price, supermarché Casino, etc.), les résultats enregistrés sur 2012 sont très positifs même si, en France, la consommation globale des ménages a été peu dynamique au quatrième trimestre 2012. D'un point de vue stratégique, plusieurs enseignes du groupe (hypermarchés et supermarchés Casino et Franprix) ont baissé significativement leurs prix en marques propres et premiers prix, lesquels représentent plus de 40 % des ventes en volume.
Par ailleurs, il est a noté que les formats de proximité ont affiché une évolution globalement satisfaisante de leurs ventes: + 1 % pour Monoprix, + 0,3 % pour Franprix - Leader Price, tandis que les supérettes enregistrent une baisse de 0,5 % et les supermarchés Casino de 1,2 %. Un repli qualifié de «modéré» par le groupe. En revanche, confirmant la tendance générale, les ventes comparables de Géant reculent de 9,9 %! Chez Biocoop (le réseau de distribution de produits bio de COOP SA), la tendance est à la croissance, avec une hausse du chiffre d'affaires sur 2012 de plus de 7 %, pour atteindre 535 millions d'euros sur l'ensemble du réseau. Une progression qui devrait se confirmer pour l'ensemble des enseignes bio, dans le contexte mouvementé lié à la fois aux OGM et au récent scandale de la viande de cheval.
ZOOM
Le «drive», une tendance forte
Né en 2000 à l'initiative d'Auchan avec Auchan Drive et Chrono Drive, le concept a fait des émules. « Le consommateur se place de plus en plus dans une logique multicanal. C'est sans doute ce qui explique le véritable plébiscite des concepts drive », décrypte Nicolas Slim, responsable administratif et financier du Sefag (Syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale). A titre d'exemple, le réseau Leclerc, fer de lance de ce concept, revendique 291 Leclerc Drive sur le territoire français, dont 127 ont vu le jour au cours de l'année 2012! Le chiffre d'affaires des Leclerc Drive a progressé de 123 %, avec 931 millions d'euros, et contribue pour 28 % à la croissance du chiffre d'affaires total de l'enseigne. Le «drive» est un atout indispensable à la grande distribution. Ce service, qui s'appuie sur l'interconnexion entre un point de vente physique et un site internet, offre au consommateur l'avantage de la souplesse d'utilisation. Mais le succès du «drive», c'est aussi la notion de service. Les consommateurs apprécient que leurs achats soient chargés dans le coffre du véhicule. Gain de temps, sensation de consommation maîtrisée et raisonnée (évitant les achats d'impulsion), absence d'attente en caisse, le «drive» semble pour l'heure n'avoir que des qualités.
Le hard-discount tire la langue
Dans un contexte économique incitant les consommateurs à la quête du prix le plus bas, on aurait pu supposer que le phénomène hard-discount se développe considérablement. Et pourtant. Selon le panéliste Kantar Worldpanel, le circuit des Aldi, Lidl, Leader Price et autres a vu leur part de marché global tomber à 12,9 % en octobre 2012, contre 14 % en 2009. Le réseau Dia a d'ailleurs officiellement annoncé, à la fin 2012, une baisse des ventes globales sur l'année de 7 %.
L'enseigne Lidl a également annoncé au dernier trimestre 2012 l'abandon du concept du hard-discount. Une nouvelle difficile à digérer pour les quelque 1 600 responsables de magasins auxquels l'annonce a été faite! Après avoir fait du mal à la grande distribution avec son concept agressif, le hard-discount a subi un retour de flammes initié par les enseignes «généralistes» ou «classiques» au cours de l'année 2010. En réaction à la croissance fulgurante enregistrée par le hard-discount jusqu'en 2009, les réseaux ont globalement baissé leurs prix et repensé leurs offres. Pour autant, ce format de supérette n'est pas à jeter aux oubliettes. Le hard-discount représente encore en France près de 4 700 points de vente, tous réseaux confondus, et 20 % de parts de marché.
A SAVOIR
Les principaux acteurs du secteur:
Aldi, Auchan, Biocoop, Carrefour, Casino, Dia, E.Leclerc, Intermarché, Franprix, Leader Price, Monoprix, Simply Market, Spar...