Les bons coups de LaFourchette.com
En moins de dix ans, LaFourchette.com est devenu une référence, tant pour les internautes que les restaurateurs. Aux manettes, Patrick Dalsace et Bertrand Jelensperger mitonnent leur croissance au quotidien, en peaufinant leur business model et en le dupliquant à l'étranger. Extraits de leur recette.
Je m'abonneLa technologie s'invite désormais à votre table. Avant, pour réserver un restaurant, il fallait trouver le numéro de l'établissement, l'appeler et espérer qu'il reste de la place. Mais ça, c'était avant. Aujourd'hui, après quelques clics depuis son ordinateur ou son smartphone, les meilleures tables encore libres s'affichent en un clin d'oeil. L'internaute trouve une adresse en fonction de critères spécifiques (thème, ambiance ou encore type de cuisines) et réserve en ligne, en ayant accès en temps réel aux disponibilités des restaurants. Ce service astucieux de réservations est proposé par le site LaFourchette.com. Créée en 2007, l'entreprise enregistre aujourd'hui des résultats alléchants: un chiffre d'affaires de 9 millions d'euros, une croissance de 95 % par rapport au dernier exercice, 2 millions de visites uniques par mois, 9 millions de couverts réservés en six ans. Une croissance exponentielle, puisqu'il y a trois mois, le site comptabilisait déjà 8 millions de réservations...
Et les réjouissances se poursuivent au regard des diverses récompenses attribuées à la start-up. Pour son logiciel, tout d'abord: baptisé My Fourchette, il est la première pierre de l'édifice de la success story de Patrick Dalsace et Bertrand Jelensperger, les fondateurs de l'entreprise. A peine quelques mois après sa mise en ligne, en 2007, le logiciel reçoit le Grand Prix de l'Innovation au premier Sirha, le salon mondial de l'hôtellerie et de la restauration. « Cela nous a donné de l'épaisseur pour démarcher des partenaires. Même si cela ne suffit pas pour faire des affaires, ce prix rassure nos interlocuteurs », affirme Patrick Dalsace. Créé de toutes pièces par les dirigeants, My Fourchette est la face cachée de la start-up, le logiciel sans lequel rien n'aurait été possible. Distribué aux restaurants partenaires, il leur permet de gérer leurs réservations et de se constituer des fichiers clients. My Fourchette est disponible dans deux versions: l'une très complète, pour 78 euros HT par mois. La seconde est gratuite, mais beaucoup plus basique. Comment les deux entrepreneurs ont-ils pris conscience qu'un tel business était possible? « Un logiciel similaire existait déjà aux Etats-Unis, mais pas en France, explique Patrick Dalsace. Nous avons donc conçu le nôtre pour offrir un service encore inédit aussi bien aux professionnels qu'aux internautes. » En effet, côté visible de l'iceberg, le logiciel interfacé au site web LaFourchette.com permet de répondre aux demandes des internautes, qu'il s'agisse de réserver dans une brasserie de quartier ou dans un restaurant haut de gamme.
La Fourchette
- Activité
Services informatiques
- Ville
Paris (IIe arr.)
- Forme juridique
SAS
- Dirigeants
Patrick Dalsace (à g.), 37 ans, et Bertrand Jelensperger, 37 ans
- Année de création
2007
- Effectif
160 salariés
- CA 2012
9 MEuros
Un carnet de 6 500 adresses
Mais pour que la sauce prenne, il est indispensable de trouver des restaurants partenaires, prêts à faire confiance à LaFourchette.com et à lui ouvrir leur carnet de réservations. Anciens associés chez Gitech, une entreprise spécialisée dans l'hôtellerie, Patrick Dalsace et Bertrand Jelensperger possèdent de nombreux contacts parmi les restaurateurs. Quand l'idée de LaFourchette.com germe dans leur tête, ils sollicitent leurs connaissances pour leur faire part de leur projet. Ils décrochent un partenariat, puis deux, puis trois... Aujourd'hui, une équipe de commerciaux a pris le relais et contribue à agrandir la communauté de professionnels qui font confiance à la start-up. Parmi les 6 500 restaurateurs référencés sur le site, un quart a acheté la version payante du logiciel, les autres se contentant de la version gratuite. Mais tous doivent s'acquitter d'une «taxe» qui permet à la startup de se rémunérer sur chaque transaction. Pour tout couvert réservé et honoré (c'est-à-dire que l'internaute s'est bel et bien rendu au restaurant), l'établissement reverse deux euros. LaFourchette.com collabore aussi bien avec des restaurateurs indépendants, des grands chefs comme Hélène Darroze ou Joël Robuchon, que des grands groupes tels Lenôtre ou Ducasse. « En 2011, LaFourchette.com a permis de générer 100 millions d'euros de chiffre d'affaires à nos partenaires restaurateurs», assure, non sans fierté, Patrick Dalsace. Ces partenaires se répartissent entre neuf grandes villes de France, dont Paris, Lyon, Toulouse, Marseille et Bordeaux. « Nous ne souhaitons pas nous développer dans d'autres villes françaises, annonce Patrick Dalsace. L'essence même de notre activité, c'est d'être présent dans les agglomérations suffisamment porteuses de trafic pour nos restaurateurs partenaires. »
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Un logiciel B to B vendu jusqu'en Chine...
My Fourchette est un logiciel en mode SaaS, qui se présente comme un cahier de réservations intelligent. Concrètement, il permet à un restaurateur de gérer l'ensemble de ses réservations, d'améliorer le remplissage de la salle, de se constituer une base de données clients et d'optimiser son chiffre d'affaires en mettant en place des promotions. Le service est vendu à travers le monde, même si La Fourchette n'a pas de site web dans le pays ciblé. Parmi les clients-phares de La Fourchette? Les restaurateurs chinois.
... Et une application 5 étoiles
Comment transposer sur mobile les fonctionnalités d'un site à la base de données riche de 12 000 établissements? En allant au plus simple. La promesse de La Fourchette sur ses applications iPhone et Android: trouver un restaurant rapidement (un bouton «maintenant» permet de répondre aux demandes des plus pressés) et le plus près possible, grâce à la géolocalisation et à l'onglet «autour de moi». Cette offre de service instantané a séduit près d'un million de détenteurs de smartphone et a reçu, en 201 2, le prix de la meilleure application décerné par le site Lemobile.fr.
De l'Espagne à la Suisse
Pourtant, l'appétit de La Fourchette est loin d'être rassasié et la start-up ne cache pas ses ambitions à l'international. Elle peut se prévaloir d'avoir dupliqué son modèle en Espagne. Pourquoi ce pays? Car en 2008, Patrick Dalsace et Bertrand Jelensperger font la connaissance de Marcos Alves, futur associé de l'entreprise, d'origine madrilène. Il n'en fallait pas moins pour saisir l'opportunité et créer ElTenedor. es (la fourchette, en espagnol). La filiale El Tenedor emploie aujourd'hui 60 salariés et collabore avec 5 500 restaurants. Toutefois, sur fonds de crise économique, la donne n'est pas la même. « L'activité est plus difficile en Espagne, du fait du contexte économique. De plus, les habitudes ne sont pas les mêmes qu'en France: entre les bars à tapas qui ne prennent pas de réservation et les gens qui préfèrent recevoir chez eux... », développe Patrick Dalsace. Le rêve des fondateurs de La Fourchette? S'implanter au Royaume-Uni: « Mais la concurrence y est trop rude. » Pour accélérer sa croissance à l'international, La Fourchette a levé, en mai 2012, 8 millions d'euros, auprès des fonds d'investissement Serena Capital et Partech International. La première étape de cette expansion internationale: ouvrir une version suisse du site avec, pour commencer, un répertoire de 1 200 restaurants partenaires. Mis en ligne à la rentrée 2012, LaFourchette.ch est un avant-goût de la refonte du site français, dont la nouvelle version sera disponible en janvier 2013. « L'oeil se lasse vite, observe Patrick Dalsace. Il faut constamment se renouveler. » Enfin, l'univers de La Fourchette ne serait pas complet sans une version mobile de ses services, qu'il s'agisse de l'application iPhone (elle représente un quart de l'activité de La Fourchette) ou Android. « Nous croyons beaucoup au mobile, affirme Patrick Dalsace. Il est de plus en plus fréquent de se géolocaliser pour voir ce qui est près de soi... » La touche du chef? Indiquer à l'utilisateur du smartphone les restaurants qui affichent des tarifs réduits. La Fourchette propose en effet régulièrement des promotions pouvant aller jusqu'à 50 %, une offre alléchante pour les adeptes de ses services. « Mais aujourd'hui, nous tendons à nous éloigner de ce modèle, indique Patrick Dalsace. Centrale de réservation, bon plan resto ou guide: il faut que nous affirmions davantage notre positionnement. » Pour l'heure, le dirigeant n'ambitionne pas de créer une véritable communauté La Fourchette, il préfère soigner les liens que le site entretient déjà avec ses internautes. Chaque semaine, une newsletter personnalisée est envoyée. Pour affiner ses propositions, lors de la visite d'un internaute, La Fourchette observe les algorithmes qui vont lui permettre de retrouver les préférences de ses utilisateurs. De quoi mettre les petits plats dans les grands.
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Levées de fonds pour croissance accélérée
La Fourchette a bouclé, en mai 2012, un tour de table de 8 millions d'euros auprès des fonds d'investissement Serena Capital et de Partech International, qui ont apporté chacun 4 millions d'euros dans la société. La prise de participation totale serait d'un peu plus de 20 %, valorisant la société à plus de 40 millions d'euros. Cette augmentation de capital permettra à la société qui vient tout juste d'ouvrir son site suisse de poursuivre son expansion européenne. En décembre 2008, La Fourchette avait déjà levé 1 million d'euros auprès de l'investisseur spécialiste des activités de loisir Smart&Co Ventures, avant de renouveler l'opération en juin 2011 pour un montant de 3,3 millions d'euros.