Le secteur de la maison, porteur mais sous tension
Depuis des années, le secteur de la maison connaît une croissance constante. Considéré comme un eldorado, et malgré l'affection incontestable des Français pour l'aménagement de leur logis, qu'il s'agisse du bricolage, de la décoration ou encore de la cuisine aménagée, l'impact de la crise n'est pas (plus!) négligeable.
Je m'abonneLe secteur de l'aménagement d'intérieur est la victime collatérale de la chute de l'immobilier en France. De fait, les résultats à fin novembre 2012 font état d'une baisse de plus de 16 % des mises en chantier et celles-ci n'ont pas encore eu un impact direct sur le secteur! Les banques ont enregistré un recul historique des crédits immobiliers ces derniers mois (près de 26 % de crédits immobiliers en moins sur 2012, alors que 2011 avait déjà marqué un recul de 4 %). Si l'on s'en réfère à ces chiffres publiés par la FNAEM (Fédération française du négoce de l'ameublement et de l'équipement de la maison), concernant l'année 2012, « la conjoncture incite à la prudence et à repenser nos pratiques pour franchir ce cap qui, sans être véritablement préoccupant, doit nous alerter », indique Jean-Charles Vogley, secrétaire général de la FNAEM.
L'analyse sur la situation est assez claire. « Nous subissons en fait deux phénomènes. D'un côté, nous payons depuis quelques mois les conséquences du retournement du marché immobilier, de l'autre les incertitudes sur l'avenir et la pression fiscale sur les Français ne les incitent pas à franchir les portes des magasins », décrypte Jean-Charles Vogley. Il rappelle également que le panier moyen d'un locataire est deux fois inférieur à celui d'un propriétaire. « Nous avons enregistré une baisse de fréquentation des enseignes associées à l'aménagement de la maison. En outre, notamment en ce qui concerne l'ameublement, il est particulièrement difficile de transformer les visites en achat », déplore-t-il.
Si les premiers mois de 2012 se sont avérés plutôt positifs pour le marché du meuble, avec une croissance cumulée de 1,4 % à fin avril, la fin du mois de mai aura, en revanche, marqué une rupture certaine sur le marché.
Ainsi, l'année 2012 s'est ter minée sur un solde négatif pour le secteur de l'ameublement qui a vécu un deuxième semestre 2012 au ralenti. Au global, le marché a reculé de 3 %, après deux années de croissance consécutives, et revient à un niveau de performances proche de celui de 2009 (voir tableau ci-contre). Faut-il pour autant céder à la panique? Sans doute pas. Les professionnels rappellent que la baisse reste mesurée. Selon l'Ipea (Institut de promotion et d'études de l'ameublement), qui est l'organisme d'études des professionnels de la filière ameublement, le chiffre d'affaires réalisé par ce secteur a représenté 9,54 milliards d'euros en 2012 contre 9,83 milliards d'euros en 2011. « Ce n'est évidemment pas un effondrement, indique Jean-Charles Vogley. Mais c'est un signal fort qui doit inciter les acteurs du secteur à la vigilance. Ils doivent repenser leurs stratégies, peut-être différer certains projets de développement. »
L'équipement du foyer sauve les meubles
Les circuits de distribution spécialisés (Conforama, But, etc.) dans la vente de meubles ont conforté leurs positions, avec 87,5 % de part de marché en valeur, mais seuls les spécialistes «cuisine» (+ 0,9 %) et l'équipement du foyer (+ 0,3 %) ont progressé. Après dix années de croissance ininterrompue, les ventes de cuisines ont bien du mal à résister aux résultats en retrait de l'immobilier. Malgré cela, le marché de la cuisine devient, en 2012, le deuxième marché du meuble devant les canapés et fauteuils, et derrière les meubles meublants.
Pièce à vivre très tendance pour les Français, la cuisine s'équipe de plus en plus en intégrant les meubles, mais aussi en s'ouvrant aux tables, chaises, bars et buffets. Reste que Georges Abbou, fondateur du réseau Aviva, confirme avoir ressenti un coup d'arrêt au milieu de l'été: « Nous étions très vigilants depuis le début de l'année 2012. Et si le premier semestre a été globalement positif, nous avons constaté à la fin du mois de juillet un coup d'arrêt brutal, dévoile-t-il. Les trois derniers mois de l'année ont été tendus mais nous avons réussi à atteindre les objectifs que nous nous étions fixés en 2012, en volume et en valeur.»
Le secteur du bricolage ne perce plus
Dans un autre registre, le ralentissement de l'activité n'épargne pas le secteur du bricolage qui, pourtant, tenait depuis plusieurs années une forme insolente. Ce marché, largement détenu par les grandes surfaces de bricolage (GSB), représentant 76 % du marché global en 2011, connaît à son tour ses premiers revers. De fait, d'après la FNAEM, les GSB ont terminé l'année 2012 en recul, à - 1,1 %. Le groupe Adeo, qui peut se targuer du plus vaste réseau en France avec ses enseignes Leroy-Merlin, AKI, BricoCenter, Weldom, BricoMan ou KBANE (spécialisé dans l'habitat durable et les nouvelles énergies), tient le haut du pavé en France. A la 4e place mondiale et à la 2e place au niveau européen, les entreprises du groupe Adeo ont réalisé, en 2011, un chiffre d'affaires de 14,1 milliards d'euros TTC. Les enseignes emploient plus de 66000 collaborateurs et affichent une croissance annuelle de l'ordre de 11 %. Reste une question: cette tendance va-t-elle s'inscrire sur la durée? La situation est paradoxale car, en période de crise, le repli sur le foyer, son amélioration et son aménagement constituent souvent des refuges pour le consommateur. Mais le contexte économique et les incertitudes sont tels que les consommateurs sont à la fois plus prudents, plus exigeants et plus attentistes.
Une concentration du marché
«La chose que la filière doit admettre, c'est qu'en matière d'ameublement, les cycles d'évolution sont très lents. Mais nous sommes inscrits dans une phase de concentration du marché. L'activité évolue, les besoins des consommateurs également et il faut repenser la façon d'exercer. Je pense que le paysage de la distribution va se simplifier en 2013 », conclut Jean-Charles Vogley (FNAEM). Pour ce représentant de toute une filière, les modifications sont véritablement d'ordre structurel et les mutations vont sans doute s'accentuer, notamment sous l'effet des dispositions environnementales qui entrent en vigueur en 2013.
- LE TEMOIGNAGE DE Laurent Perry-Spencer, directeur du développement de YellowKorner: « Nous axons notre développement vers des villes de 100 000 à 150 000 habitants »
Directeur du développement de YellowKorner, Laurent Perry-Spencer se montre particulièrement satisfait de la croissance du réseau en France et dans le monde. « Nous sommes passés de 10 à 20 galeries en France et, au global, de 20 à 45 dans le monde. 2012 a été une année très positive », affirme-t-il. Dans ce contexte, rien d'étonnant à ce que les ambitions pour 2013 soient fortes! « Nous axons désormais notre développement vers des villes de 100 000 à 150 000 habitants. Nous avons ouvert récemment à Metz et Rouen et souhaitons nous déployer sur Dijon, Clermont-Ferrand, Brest, Caen ou Angers. Au même titre, nous voulons nous implanter à Chicago ou San Francisco », confie le responsable. Fort d'un concept aisément adaptable à l'international, le réseau compte décliner son offre de par le monde. « Si notre concept fonctionne, c'est d'abord pour son originalité. Nous «resacralisons» la photo, souvent malmenée par le numérique, nous démocratisons l'accès à l'art en proposant des galeries accessibles et des prix abordables. » La recette du succès selon YellowKorner.
Georges Abbou, fondateur réseau Aviva
«Même si nous avons réussi à atteindre nos objectifs en 2012, les trois derniers mois de l'année ont été très tendus. »
- 3 QUESTIONS A Bruno Gutierrez, directeur commercial et marketing de Cuisinella (groupe SALM)
L'année 2012 a été marquée par une grande tension sur l'ensemble des secteurs d'activité, comment s'en tire Cuisinella?
Le marché général du meuble s'inscrit à la baisse (environ 3 % sur 2012). Pourtant, nous avons finalement vécu une assez bonne année, car le chiffre d'affaires de notre réseau a enregistré une progression de 12 % par rapport à 2011. Nous expliquons ce succès par l'adéquation de notre offre aux attentes des clients. Le panier moyen chez Cuisinella est de 4000 à 5000 euros.
Qu'en est-il du réseau Cuisinella à ce jour?
Notre réseau totalise aujourd'hui 218 magasins et nous prévoyons, sur l'année 2013, une quinzaine d'ouvertures. Nous recevons beaucoup de candidatures. Au-delà de l'attrait de notre marque, le contexte économique incite de nombreuses personnes à vouloir changer de vie, à se lancer dans des projets professionnels. Cela nous oblige à être particulièrement sélectifs, d'abord pour protéger notre réseau, mais aussi pour protéger des personnes qui ne seraient pas armées pour se lancer dans ce genre d'aventure.
Quel est le profil idéal à vos yeux et souhaitez-vous vous développer plus particulièrement vers des régions spécifiques?
Il n'y a pas de profil idéal, mais être un manager dans l'âme est indispensable. Nous ne recherchons pas des investisseurs, nous voulons des acteurs de terrain qui s'impliquent, ont le sens du client et du service. Quant à nos priorités de développement, nous sommes en retard sur Paris et la région parisienne, où nous pensons cependant que notre offre est très pertinente. Nous comptons donc étoffer notre réseau sur cette zone stratégique.