Le packaging sera minimaliste ou ne sera pas
Après l'exubérance des années quatre-vingt-dix, les marques sont en passe d'adopter des packagings plus simples, pratiques et respectueux de l'environnement. Pour reconquérir leurs clients, elles devront miser sur leurs valeurs et l'innovation.
Je m'abonneRévolue l'époque du suremballage des produits. Exit les couleurs d'appel criardes et tapageuses. Finis les slogans trompeurs et les labels tarabiscotés. Après le martelage visuel et la surenchère marketing des années quatre-vingt-dix, le packaging doit désormais se recentrer sur l'essentiel: emballer et incarner l'identité visuelle et les valeurs de la marque. « L'heure est à la réassurance », décrit Laurence Bethines, directrice du département Tendances et innovations de marques au sein de l'agence de design Team Créatif. Dans une société où le consommateur est devenu un consom'acteur, « nous assistons, dans l'univers du packaging, à l'avènement de l'ère du «nomensonge», selon Jean-Jacques Urvoy, directeur de l'agence de design La simple agence. Les gens sont désormais très vigilants sur ce qu'ils achètent, et réclament des informations pertinentes sur les emballages. » Laurent Collangettes, directeur général associé de l'agence de design Lonsdale, analyse ce recadrage par la nécessité pour les marques de recréer un lien avec leurs clients. Une relation qui s'est d'autant plus délitée ces dernières années avec la déshumanisation des grandes surfaces et la crise économique. Face à des clients plus infidèles et exigeants, le packaging suit désormais trois tendances de fond: authenticité, sobriété et audace. « Les consommateurs recherchent plus de vérité et de sens », constate Laurent Collangettes. Le packaging, seule interface physique entre la marque et son client, va détenir un rôle central dans cette reconquête. Avant de valoriser le produit, de le rendre beau et désirable, il aura d'abord pour rôle de raconter une histoire, de porter l'univers et les valeurs de la marque. Place à un design épuré, faisant la part belle au logo, avec quelques slogans très ciblés. Le savoir-faire ou les engagements des entreprises devraient être de plus en plus en valorisés dans les années à venir. Plusieurs marques capitalisent déjà sur le fait maison (Marie, Bonne Maman, Blédina), sur leurs actions en faveur du commerce équitable ou sur leur ancienneté (Bourgeois et son «depuis 1865»). « Ces messages ne vont pas déclencher l'achat, mais jouent indéniablement sur la préférence du consommateur pour une marque plutôt qu'une autre », analyse Laurence Bethines (Team Créatif). Si les marques historiques auront tout intérêt à miser sur ces quelques fondamentaux, les jeunes pousses, quant à elles, pourront au contraire se réinventer un univers et jouer la carte de la légèreté et de la créativité. « La marque de gâteaux Michel et Augustin a compris ce nouvel impératif. Elle se démarque avec des emballages très bavards, racontant son histoire. C'est une autre manière de créer du lien simplement, et ça fonctionne! », souligne Laurent Collangettes (Lonsdale).
L'avenir est au vert
Plus de simplicité aussi du côté des systèmes de conditionnement. Le packaging du XXIe siècle sera vert assurément. Réduction des emballages, conditionnements d'origine végétale, éco-recharges, packagings réutilisables, éco-conception, vente en vrac. Ces actions, déjà initiées pour quelques produits, sont en passe de se généraliser. Une démarche éco-responsable, mais pas seulement. « Nous devons prendre en compte la réalité économique des marques. Réduire les emballages permet aussi d'économiser de l'argent », ajoute Laurence Bethines (Team Créatif). Graphisme épuré, message simplifié, indications légales obligatoires (comme les valeurs nutritionnelles)... La vague de l'antimarketing ne risque-t-elle pas de conduire vers une uniformisation des packagings à terme? Pour se démarquer, certains misent, dès aujourd'hui, sur l'originalité, tant au niveau des slogans, des visuels que du design. Tel est le pari des emballages Monoprix avec leurs slogans humoristiques. La gamme de soupes So organic, marque distributeur du Britannique Sainsbury's, joue également sur le décalage en mettant en scène des fruits et légumes à l'état naturel, avec leurs racines. Le packaging de demain se réinventera peut-être aussi autour du mapping design, selon Laurent Collangettes (Lonsdale). Cette nouvelle technique consiste à repousser les limites du facing (la «face» du produit) en optimisant visuellement les autres côtés du produit. Badoit a déjà testé ce nouveau procédé sur l'une de ses gammes en prolongeant ses étiquettes autour de la bouteille. Aux Etats-Unis, le message et les illustrations de certaines briques de jus de fruits Tropicana s'étendent sur trois faces afin d'en maximiser l'impact selon l'angle de vue où l'on se trouve. « Pour que le packaging reste le trait d'union entre la marque et son client, il nous faudra repenser les différentes étapes de connivence de l'acte d'achat à l'acte de consommation. Nous réfléchissons à son esthétisme, sa maniabilité, aux informations mises en avant mais aussi à son design sonore. Bref, on va surinvestir dans la relation sur tous les plans », souligne Laurence Bethines (Team Créatif).
Et dans le renforcement de cette relation client, l'avenir est dans l'emballage digital, selon Jean-Jacques Urvoy (La simple agence). Flashcodes liés à des vidéos explicatives, renvois vers le site internet de la marque, recours à la réalité augmentée (comme la 3D)... « Le packaging va revenir selon moi à sa fonction première: emballer. Toute la question est de savoir comment nous allons raconter la marque et le produit ailleurs que sur l'emballage. Des initiatives voient le jour. En la matière, ce sont les petites entreprises innovantes qui font figure de proue. »
Jean-Jacques Urvoy, directeur, La simple agence
Jean-Jacques Urvoy, directeur, La simple agence
«Nous assistons, dans l'univers du packaging, à l'avènement de du «no-mensonge.»»
ZOOM
Des emballages à croquer
Un packaging 100 % comestible? C'est désormais presque une réalité! Ce nouveau concept d'emballage naturel est intégralement biodégradable. Baptisé Wikicell, il est composé de molécules naturelles d'ions calcium, d'alginates (issus des algues) ou encore de chitosane (notamment produit par les crustacés). L'emballage se présente sous la forme d'une peau souple, transparente et gélatineuse. Ces coques d'un nouveau genre peuvent enrober aussi bien des boules de fromage, de glace, de yaourt que de jus d'orange. Le procédé a été mis au point par David Edwards, professeur de l'université américaine de Harvard. Après avoir terminé la phase d'expérimentation, le chercheur espère convaincre le secteur de l'agroalimentaire de commercialiser ce conditionnement innovant. Dès cet automne, vous pourrez le tester au Laboratoire, lieu d'exposition et de recherche scientifique et artistique situé dans le premier arrondissement de Paris.