L'austérité sans innovation est une voie sans issue
En tant que dirigeant de PME et président du Comité Richelieu, association porte-parole des PME innovantes, je tiens à rappeler quelques vérités simples qui doivent structurer le débat de politique économique.
Je m'abonneComment sauver la croissance à l'heure où la rigueur s'impose à notre pays? Les études montrent que seules les PME créent de l'emploi et, parmi elles, les nouvelles entreprises sont celles qui génèrent le plus de postes. Il aura fallu plus de 30 ans de crise économique et de chômage structurel significatif pour que les élites dirigeantes françaises prennent conscience de cette réalité. Une réalité mise en évidence à la fin des années soixante-dix par David Birch, chercheur américain du MIT (Massachusetts Institute of Technology), et qui a joué un rôle déterminant dans la politique économique américaine des années quatre-vingt.
« Les Etats-Unis, note ainsi l'économiste Alain Villemeur, se distinguent par l'importance des investissements d'amorçage dans le secteur des hautes technologies. Leur capital amorçage inégalé est l'une des bases de leur suprématie technologique et de leur dynamique entrepreneuriale. » En 1982, l'Amérique a lancé le plus grand programme public d'amorçage technologique au monde, le Small Business Innovation Research (SBIR), doté de plus de 2 milliards de dollars annuels. L'autre pilier de cette politique en faveur de l'innovation et des start-up est la puissance du capital-risque de proximité (business angels), très encouragé fiscalement. La Grande-Bretagne, pour sa part, vient d'instaurer un programme d'austérité qui devrait réduire la dépense publique de plus de 90 milliards d'euros en moins de cinq ans. Elle a décidé dans le même temps de devenir le pays «le plus ouvert aux start-up technologiques, afin que les futurs Google ou Facebook soient créés en Grande-Bretagne». Le gouvernement s'est également engagé à ce que 25 % des contrats publics reviennent à des PME, soit presque le double du niveau actuel. Les Allemands, quant à eux, soucieux de défendre leur suprématie industrielle, ont amplifié leur politique de soutien à l'innovation, coordonnée depuis 2006 la stratégie «Hautes Technologies pour l'Allemagne». Celle-ci a pour vocation de favoriser la création d'entreprises, de promouvoir les transferts de technologie et de soutenir les PME.
Enfin, on ne peut terminer cette chronique sans évoquer le cas de la Suède, aujourd'hui reconnue comme le pays le plus innovant. Elle a investi près de 12 milliards d'euros pour la période 2009-2012 dans la recherche et l'innovation. Le budget annuel de la R & D dépasse les 4 % du PIB et 80 % de la recherche prennent place dans l'enseignement supérieur.
Les principaux partis politiques français ont intégré dans leur programme présidentiel le rôle décisif de l'innovation et la part primordiale des PME dans ce processus. Une bonne nouvelle pour nos PME innovantes. Mais, échaudé par les mesures budgétaires du début d'année qui ont pénalisé ces PME (coups de rabot sur l'ISF-PME, le CIR et le statut JEI), je m'autorise également à tirer une sonnette d'alarme: l'indispensable rigueur budgétaire ne doit pas sacrifier les besoins des entreprises innovantes. Les exemples étrangers montrent qu'au contraire, la rigueur n'a de sens durable que si elle s'accompagne d'un pari sur l'innovation qui ouvre sur l'avenir.
Philippe Berna p-dg de Kayentis et président du Comité Richelieu
BIO EXPRESS
Philippe Berna, 50 ans, est le président du Comité Richelieu, de Pacte PME et membre du directoire du pôle de compétitivité System@TIC. Il dirige actuellement Kayentis, une PME francilienne spécialiste de la dématérialisation de l'écriture manuscrite fondée en 2003.