L'alimentaire a toujours de l'appétit
Alimentation générale, vin, chocolat, boulangerie... le secteur alimentaire résiste globalement bien à la crise. En ces périodes de morosité économique, les plaisirs du ventre ont toujours la cote. Pour autant, le choix de la franchise et de l'emplacement reste stratégique.
Je m'abonneLe marché de la distribution alimentaire, tous secteurs confondus, résiste globalement bien à la crise. Selon les chiffres publiés à l'été 2012 par l'Insee, l'activité des commerçants de détail poursuit son redressement. Ainsi, ils ont vu leurs ventes grimper de 1,3 % en volume et de 3,1 % en valeur, à 479 milliards d'euros. Par ailleurs, selon Kantar Worldpanel, dans cette période délicate, l'alimentaire progresse également en valeur et en volume. Il faut dire que les foyers français consacrent 16,7 % de leur budget total à l'alimentation. Un chiffre d'autant plus positif que l'habillement, l'électroménager, le cinéma, la restauration commerciale ou les produits d'hygiène et de beauté sont tous en recul.
Épicerie, attention aux marges
Commerçant de proximité par excellence, l'épicier de quartier est l'un des acteurs économiques favoris des Français. Pendant longtemps, les épiceries de proximité ont subi la concurrence des supermarchés et supérettes, mais la donne change. Entre la notion d'ultraproximité jusqu'à celle d'épicerie fine (Hédiard, Fauchon), l'épicerie a considérablement évolué. Avec un chiffre d'affaires en hausse de 5,1 %, le secteur affiche 1,5 point de croissance de plus que les produits de grande consommation (PGC) et les rayons frais. La raison de cette croissance? Les prix des produits vendus en épicerie ont connu une hausse de 3,7 % en moyenne (source: Kantar Worldpanel), du fait de la hausse du prix des matières premières. Cela a permis d'augmenter le chiffre d'affaires... mais pas nécessairement les marges! Par ailleurs, ce secteur, très concurrentiel, suscite les convoitises de la grande distribution qui y voit un bon moyen de s'implanter très localement, tout en minorant leurs charges fixes, bien plus faibles que celles des grandes surfaces. Responsable administratif et financier du Syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale (Sefag), Nicolas Slim le confirme: « Les hypermarchés perdent du terrain, c'est un fait désormais indubitable. La proximité est en vogue et parfaitement en phase avec les attentes du consommateur qui est de plus en plus multicanal (super, hyper, Internet, drive, etc.), mais qui reste animé, avant tout, par sa quête de qualité de service. »
Dans ce contexte, les enseignes de la grande distribution tentent de déployer un réseau: Dia, Casino, Carrefour, tous les grands noms possèdent leur propre formule d'épicerie de quartier, au format inférieur, en superficie, de celui de la supérette. Mais, pour Nicolas Slim, « il faut être très vigilant avant de se lancer. Certains modèles de franchise sont vraiment avantageux... pour les réseaux! Car, pour les exploitants, la donne peut parfois être différente », affirme-t-il. Le conseil de ce spécialiste: s'interroger sur les clauses de sortie en cas d'échec ou de succès.
Malgré de bons résultats, le vin s'essouffle
Toujours dans l'alimentaire, le vin tire son épingle du jeu. De fait, 34,6 % des cavistes estiment que leurs ventes en juillet 2012 sont supérieures à celles de juillet 2011. C'est ce qu'indique le dernier baromètre de l'institut d'études Equonoxe. Toujours selon cet organisme, 4,6 % des cavistes trouvent même que leurs ventes sont «en forte progression». Des chiffres rassurants, qui s'inscrivent dans une tendance porteuse depuis deux ans sur le plan commercial. A noter que, selon les chiffres de France Agrimer, le marché du vin est dominé à 8 % par la grande distribution. Quant aux magasins spécialisés, franchisés ou non, ils représentent 7 % du marché. La France est le premier consommateur de vin, devant l'Italie, le Portugal et l'Espagne, et consomme environ 14 % du vin produit dans le monde. Sachant que neuf bouteilles consommées sur dix en France sont produites dans l'Hexagone, on peut considérer, à l'heure où le Made in France est en vogue, que le marché s'articule sur des bases solides.
Mais, si le vin a la cote sur le marché Français, les franchises spécialisées semblent accuser un ralentissement. Faut-il y voir un lien de cause à effet mais depuis 2010, Nicolas ne cherche plus à étendre son réseau. Pour Emmanuel de Bodard, fondateur du réseau Les domaines qui montent, « vouloir segmenter son activité et ne vendre que du vin n'est pas un modèle économique pérenne. Il est important, pour survivre, de savoir articuler son offre autour du vin, des produits de bouche associés à cet univers, sans pour autant s'y enfermer! ».
Besoin de douceurs?
En France, le chocolat est l'un des secteurs alimentaires qui marche le mieux. De fait, l'Hexagone est le septième pays consommateur de la fève de cacao en Europe (avec 6,7 kg par an et par habitant). Selon le Syndicat du chocolat, 97 % des Français consomment du chocolat au moins une fois par semaine. Face à un tel plébiscite, rien d'étonnant à ce que les Français aient consommé 403 000 tonnes de chocolat en 2010. La force de la vente de chocolat, c'est le calendrier annuel de l'activité. « Il n'existe pas vraiment de temps morts, explique Sylvie Marchiset, franchisée De Neuville à Saint-Germain-en-Laye. Les fêtes de fin d'année sont évidemment le temps fort, mais nous enchaînons ensuite avec la Saint-Valentin, puis Pâques et, pour l'été, nous commercialisons des glaces! L'activité est soutenue et régulière toute l'année. » D'après l'analyse du marché réalisée par l'institut Xerfi, les chaînes organisées, telles que Léonidas ou Jeff de Bruges, disposent d'un parc de plus d'une centaine de points de vente répartis sur l'ensemble du territoire. Elles s'appuient également sur leurs propres sites internet, tandis que les artisans chocolatiers ne comptent pas plus d'un seul point de vente, pour la plupart. Un marché concurrentiel, donc, sur lequel les implantations doivent être particulièrement réfléchies! « L'emplacement est la clé de la réussite d'un projet. Si la concurrence est souvent bénéfique, elle ne doit pas étrangler le commerçant », explique Antoine Warein, p-dg de Coffea, réseau spécialisé dans la vente de thés, cafés et chocolats. Lorsqu'un candidat souhaite rejoindre ce réseau, qui compte 45 succursales et 28 franchisés, le premier critère, c'est l'implantation géographique. « Nous recherchons des emplacements en centre-ville et centres commerciaux avant tout, confie-t-il. Notre format comprend une partie «table d'hôte», qui fonctionne un peu comme un salon de thé, il faut donc que le local corresponde à nos critères. » Partageant l'analyse d'Emmanuel de Bodard (Les domaines qui montent), Antoine Warein dévoile: « Actuellement, si notre concept fonctionne, c'est grâce à son positionnement multiproduits. C'est ce qui nous distingue de réseaux comme Jeff de Bruges ou De Neuville ».
La boulangerie: entre qualité et tradition
Avec environ 35 000 entreprises (soit une pour 1 800 habitants), la boulangerie-pâtisserie se classe au premier rang des entreprises du commerce de détail alimentaire. Chaque année, ce sont plus de 10 milliards de baguettes qui sortent des fournils! Mais une boulangerie est désormais bien plus qu'un simple point de vente de pain. On y retrouve des sandwichs et des boissons, ainsi que des produits salés (quiches, pizzas et produits traiteurs). « Notre carte propose aussi bien des salades que des sandwiches froids ou chauds, des tartes salées et sucrées, des desserts ou encore des biscuits apéritifs à base de pâte feuilletée », explique Franck-Eric Poulain, directeur du développement de La Mie Câline (200 restaurants). Les réseaux sont déjà très structurés et certains, comme Brioche Dorée (groupe Le Duff) qui comptent 354 unités de vente sur l'Hexagone, ont fait le choix de fermer leurs plus petits points de vente pour se recentrer sur des points de plus grande taille. Le réseau mise désormais surtout sur son développement à l'international. Les Boulan geries Paul ou encore La Mie Câline poursuivent, quant à elles, leur développement de manière plus sélective et appuient leurs formats sur la notion de lieux de sociabilité, intégrant par exemple le wi-fi gratuit. Une évolution qui séduit un large public.
3 QUESTIONS À David Giraudeau, directeur général de La Mie Câline
Quel bilan tirez-vous de l'année 2012 chez La Mie Câline? Notre chiffre d'affaires est stable. Nous avons procédé à assez peu d'ouverture en 2012, car nous étions occupés à finaliser notre nouveau concept d'agencement de service. 2012 a été pour nous une année charnière.
Qu'en est-il de ce nouveau format? Premièrement, nous misons sur la transparence. Les sandwiches, par exemple, sont fabriqués à la vue du client. Par ailleurs, nous souhaitons que nos magasins deviennent des lieux de sociabilité, où l'on reste déjeuner, et où l'on peut travailler. Nous proposons notamment des connexions wi-fi gratuites. La tendance est vraiment à l'offre de services complémentaires. Le produit en lui-même ne suffit plus.
Quelles sont les perspectives pour 2013? Nous prévoyons une dizaine d'ouvertures sur l'année et certaines proposeront un service de «drive». De plus, nous allons également nous implanter sur les autoroutes grâce à notre partenariat avec Agip. Nous disposerons ainsi d'environ 2 515 points de vente sur toute la France.
- LE TEMOIGNAGE DE Emmanuel de Bodard, fondateur du réseau Les Domaines qui montent: « L'amour du client et du produit est essentiel »
Dans le cadre du développement des Domaines qui montent, l'enseigne souhaite, avant tout, créer une rencontre. « Nous n'avons pas d'objectifs définis en termes d'ouverture. Nous sommes finalement assez restrictifs, car nous voulons garantir le succès de nos franchisés. Si nous ne sommes pas certains de leur motivation, de leur implication en règle générale, nous ne donnons pas suite », explique Emmanuel de Bodard, fondateur du réseau qui compte désormais une trentaine de points de vente. Pour ce vigneron, qui a édifié en près de 25 ans un réseau multiproduits axé principalement sur le vin, la clé de la réussite, « c'est d'anticiper les attentes du consommateur et proposer des produits au juste prix ». Pour ce faire, l'enseigne propose désormais un service de restauration. « Nous proposons aux clients de goûter nos produits dans nos restaurants. Ils peuvent ensuite les acheter pour chez eux s'ils le souhaitent. » La vraie difficulté, c'est qu'il faut être à la fois vendeur spécialisé, serveur en restauration, gestionnaire, commerçant et avoir la notion de service « chevillée au corps ». « C'est pour cette raison que nous sommes si exigeants dans le casting de nos franchisés! », conclut-il.
Les boulangeries ne sont plus uniquement des points de vente de pain. A l'instar de La Mie Câline, les réseaux diversifient leurs produits et vendent aussi des sandwichs, des produits salés...
- À SAVOIR
Les principaux acteurs du secteur: Coccimarket, Spar, Carrefour City, Dia, Cavavin, Les Domaines qui montent, Intercaves, La Mie Câline, Le Fournil des provinces, De Neuville, Chocolats Roland Beauté, Chocodic, Coffea, Brioche Dorée, Paul...