L'ENTRETIEN D'EVALUATION, UN MOMENT PRIVILEGIE
L'entretien individuel d'évaluation permet aux managers et aux salariés de faire un bilan de l'année écoulée, tout en fixant les objectifs pour les mois à venir. Préparation et écoute assureront la réussite de cet incontournable rendez-vous de la fin ou du début de l'année...
Je m'abonneC'est l'un des moments-clés pour les managers, mais aussi pour les collaborateurs. Pour Caroline Young, présidente d'Experconnect, une société de conseil de six salariés proposant aux entreprises les compétences d'experts retraités, « l'entretien d'évaluation est un événement annuel indispensable ». De fait, il permet d'effectuer un point sur l'année écoulée et de donner de nouveaux objectifs aux salariés. C'est aussi à ce moment-là que les collaborateurs peuvent évoquer leurs envies d'évolution au sein de la société, ainsi que les formations qu'ils souhaitent effectuer (par exemple, dans le cadre d'un Dif). Bref, un tête-à-tête important qui mérite d'être bien préparé. C'est d'ailleurs ce que conseille Véronique Cadiou, executive manager chez Michael Page, cabinet de conseil en recrutement: « Il est très important de formaliser l'entretien et d'expliquer, en amont, le but de cette réunion », souligne-t-elle.
Pensez aussi à donner quelques semaines à vos salariés pour qu'ils se préparent au mieux. Pour leur faciliter le travail, vous pouvez créer une feuille de route, récapitulant le déroulement de l'entrevue, sur laquelle le collaborateur et son manager direct pourront résumer, en quelques phrases, les points-clés évoqués lors de la réunion.
Rester objectif. La préparation doit retracer tous les événements de l'année écoulée, aussi bien les objectifs atteints que les échecs. Pour ne rien oublier, prenez des notes sur le travail de vos équipes. « Certains managers et salariés ont tendance à se focaliser sur les trois derniers mois de l'année. Au moment de l'évaluation, il faut avoir une vision globale », prévient Bertrand Déroulède, manager et consultant chez Cegos, organisme de formation professionnelle.
Enfin, lors de l'entretien, d'une heure environ, vous devez impérativement rester neutre et vous appuyer sur des faits. Evitez les formulations du type «Il me semble que». Evitez le «tu» qui tue. Excluez les phrases directes et les attaques personnelles, telles que: «Tu n'as pas atteint tes objectifs, car tu mets de la mauvaise volonté» ou «Tu as été mauvais cette année». Privilégiez des formulations plus souples, comme: «Les objectifs étaient de X, tu as fait Y, comment expliques-tu cet écart?».
Un moment d'écoute. L'entretien d'évaluation est aussi un instant privilégié où le manager doit être à l'écoute de son équipe. D'ailleurs, Bertrand Déroulède (Cegos) estime que « le temps de parole du salarié représente généralement 80 % contre seulement 20 % pour le manager ». L'idée est, avant tout, de permettre au collaborateur de s'exprimer, de donner son ressenti. Comme le rappelle Véronique Cadiou (Michael Page), « l'entretien d'évaluation n'est pas le lieu des règlements de compte ». Pour l'experte, ce tête-à-tête n'a qu'un but: faire un bilan de l'année pour repartir sur de nouvelles bases. Si jamais des tensions apparaissent, « c'est que le manager n'a pas fait son travail tout au long de l'année. Il aurait dû faire plusieurs points avec son équipe, pour mettre à plat les problèmes éventuels », souligne Véronique Cadiou.
Reste que des désaccords peuvent voir le jour. Les plus courants? Une vision divergente entre le manager et le collaborateur sur les raisons expliquant un échec. Des tensions peuvent aussi apparaître lors de la définition des nouveaux objectifs, le collaborateur estimant, à tort ou à raison, qu'ils ne sont pas réalisables. Assurez-vous donc que vos objectifs soient «smart», c'est-à-dire spécifiques (clairs, précis, sans ambiguïté), mesurables (développer un portefeuille clients n'est pas mesurable, transformer X prospects en nouveaux clients l'est), ambitieux (supérieurs à l'objectif antérieur), réalistes (pour ne pas démotiver) et temporels (limités dans le temps). De cette façon, ils seront mieux acceptés et plus motivants pour le salarié.
En cas de désaccord, « il vaut mieux avancer sur d'autres points, quitte à revenir sur les divergences un peu plus tard », conseille Bertrand Déroulède (Cegos). Il rappelle également que le contexte doit toujours être pris en compte lors de l'évaluation d'un salarié: « Une crise sectorielle, un déménagement, un changement de poste sont autant d'éléments qui peuvent expliquer une contre-performance ».
Si, malgré tout, le manager et le salarié campent sur leurs positions, qu'ils n'hésitent pas à faire intervenir un tiers, comme le directeur des ressources humaines, voire vous-même. Une personne neutre pourra trancher dans un sens ou dans l'autre. Une fois les divergences aplanies, demandez au salarié et au manager de remplir un document retraçant l'ensemble de l'entretien d'évaluation. Cette fiche récapitulative devra être signée par les deux parties. La raison? Garder une trace écrite des échanges et surtout des objectifs fixés.
Tenir ses engagements. Si l'entretien d'évaluation est un bon outil de management, il peut aussi se transformer en source de démotivation. Le risque principal est de « ne pas tenir ses promesses », prévient Véronique Cadiou. Les propositions d'évolution ou de formation ne doivent pas être faites à la légère, sinon le collaborateur risquerait de se sentir trahi. En conséquence, il se désengagerait et n'essaierait pas, non plus, de tenir ses propres engagements. Enfin, évitez de parler de la rémunération afin de rester concentré sur le bilan de l'année écoulée et les attentes pour celle qui débute. Quitte à faire une nouvelle réunion, quelques semaines après par exemple, pour parler des augmentations éventuelles.
BERTRAND DEROULEDE, manager et consultant chez Cegos
Le temps de parole du salarié représente généralement 80 % contre seulement 20 % pour le manager.