Import-export: sécurisez vos transactions grâce aux Incoterms
Vous exportez? Vous importez? Pourquoi ne pas introduire des Incoterms dans vos contrats? Encore peu prisés par les PME, ces usages contractuels ont pourtant l'avantage de prévoir clairement les responsabilités de chaque partie dans le transfert des marchandises. Focus.
Je m'abonneBien des désagréments peuvent ponctuer l'acheminement de marchandises d'un point A à un point B, surtout s'ils sont géographiquement très éloignés. « C'est une problématique de taille face à laquelle nombre de PME sont démunies », analyse Philippe Guibert, président du groupe d'experts en réglementations douanières à la CNCCEF (Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France). Et pour cause: « Nombre d'entre elles continuent d'exporter et d'importer des produits de manière empirique, en se formant sur le tas. Si parfois ça passe, d'autres fois, ça casse... », renchérit Isabelle Sakowicz, chef du service réglementaire chez Ubifrance. De plus, l'experte rappelle qu'une bonne connaissance des réglementations douanières (droits de douane à l'importation, contraintes à l'exportation, etc.) reste la condition sine qua non à toute démarche d'import-export réussie.
Mais cette parfaite connaissance ne vous prémunit pas pour autant des risques multiples pouvant altérer le bon déroulement de votre supply chain. « Un retard de bateau peut générer une perte de plusieurs milliers d'euros », prend en exemple Philippe Guibert. « A l'international, tout peut arriver: problèmes d'approvisionnement, défaillance du distributeur, etc., prévient la chef du service réglementaire chez Ubifrance. Il est donc capital de prévoir, en cas de litige, un partage des risques et des responsabilités entre les parties, histoire de s'éviter une procédure longue et coûteuse avec un avocat d'affaires étranger. »
Des risques partagés
Une fonction remplie justement par les Incoterms (contraction des mots anglais International commercial terms), usages du droit international codifiés par la Chambre de commerce internationale (CCI) depuis 1936 qui permettent de définir les droits et les devoirs des acheteurs et des vendeurs au niveau international, voire national. Ces dispositions contractuelles écrites, non obligatoires, tirent leur caractère coercitif du contrat de vente auxquelles elles sont assorties. « Aucune mesure d'ordre public ne vient interférer dans le choix d'un Incoterm, qui relève entièrement de la liberté contractuelle », précise Jean-Marie Salva, avocat spécialisé en droit douanier et président de la Commission douane de la CCI. Il rappelle, en outre, que les Incoterms sont appliqués presque partout dans le monde. D'ailleurs, c'est souvent, avec le prix et les modalités de paiement, un point essentiel de la négociation commerciale entre le vendeur et l'acheteur. « En dégageant clairement un partage des responsabilités entre les deux parties en cas de pépin logistique, les Incoterms déterminent également dans quelle proportion acheteur et vendeur assument les coûts induits par la gestion de tels risques », développe l'avocat Aussi, pour faire pencher la balance en votre faveur, encore faut- il négocier le bon Incoterm! Or, c'est là toute la gageure, tant ces derniers se conjuguent au pluriel.
Choisir le bon Incoterm
« Renouvelés tous les dix ans, les Incoterms sont au nombre de 11 dans la dernière version, datant de 2010 », souligne Me Jean-Marie Salva.
Classés en deux catégories (pour tout type de modes de transport ou pour le transport maritime et fluvial uniquement), ils prennent la forme d'acronymes anglais jargonneux: EXW, FOB, DDP, DAP, etc. (lire l'encadré ci-contre). « Face à une telle jungle sémantique, difficile parfois de s'y retrouver, concède l'avocat, même si tous les Incoterms s'inscrivent dans une logique bien précise, se déclinant à chaque étape du transfert logistique de marchandises: chargement du camion, préacheminement, etc. » S'il s'avère utile de les connaître, seuls trois d'entre eux sont les plus prisés par les entreprises: l'EXW (Ex-Works), le DDP (Delivery duty paid) et le FOB (Free on board).
« Le FOB est le seul Incoterm garantissant un partage des risques et des frais à 50/50 entre le vendeur et l'acheteur lors du transport des marchandises, détaille Me Jean-Marie Salva. Ainsi, il est largement recommandé dans le cadre d'une toute première collaboration entre deux partenaires ou lorsque le niveau de confiance entre eux reste limité. » L'EXW est, quant à lui, le plus favorable au vendeur, puisque le lieu de transfert de la marchandise est prévu dans son usine. Est alors à la charge de l'acheteur l'ensemble des frais et risques liés au rapatriement du produit. « A l'opposé, le DDP est largement favorable à l'acheteur, puisque le vendeur assume l'entière charge du transport des produits », précise l'avocat. Un Incoterm d'autant plus significatif à l'import, puisque les frais de douane, généralement à la charge de l'acheteur, sont, dans ce cas, exceptionnellement supportés par le vendeur.
Une assistance hot line pour s'informer
Gare toutefois à manier ces Incoterms avec précaution, leur impact variant largement d'un droit douanier à un autre. Exemple probant avec le DDP: « Celui-ci permet une livraison 100 % dédouanée de la marchandise à l'acheteur. Cela étant, dans l'Union européenne, le législateur retient toujours la responsabilité de ce dernier en cas de litige, et ce même lors d'un DDP. Une donnée essentielle qui bouleverse alors toute la donne », avertit l'avocat.
Face à un tel imbroglio juridique, il est nécessaire « d'appréhender les Incoterms à l'aune des réglementations douanières existantes, l'un et l'autre volet étant indissociables », note Isabelle Sakowicz (Ubifrance). Et c'est justement pour aider les entreprises à y voir plus clair en la matière qu'Ubifrance a étendu, en début d'année, son service d'assistance hot line aux Incoterms. « Cette nouvelle offre est fondamentale, car trop de PME méconnaissent aujourd'hui ces usages contractuels, indique Isabelle Sakowicz. Or, face à un climat incertain et sécuritaire régnant sur les échanges commerciaux internationaux, elles se doivent de ne plus faire l'impasse sur de tels sujets. » En témoignent les licences d'importation exigées subitement par l'Argentine, début 2012, sur tous les produits entrant sur son territoire. Résultat: des milliers de marchandises bloquées en douane et in fine surcotées. Un pépin qui fut certainement plus dommageable encore pour les PME n'ayant pas sécurisé, en amont, leur transaction...
A SAVOIR
Les principaux Incoterms 2010
- EXW (Ex-Works): pour tout type de transports, adapté aux flux nationaux. Le vendeur doit mettre la marchandise à la disposition de l'acheteur en un lieu convenu, sans la dédouaner, ni la charger.
- FCA (Free carrier): pour tout type de transports. Les marchandises sont dédouanées et chargées chez le vendeur ou chez le transporteur de l'acheteur qui choisit le mode de transport, son prestataire et paie la prestation.
- CPT (Carriage paid to): pour tout type de transports. Le vendeur choisit le transporteur, paie le fret pour le transport de la marchandise jusqu'à la destination convenue, les frais de chargement, éventuellement de déchargement et de dédouanement export.
- DAT (Delivered at terminal): pour tout type de transports. Le vendeur assume les risques liés à l'acheminement des marchandises et au déchargement au terminal maritime, fluvial, aérien, routier ou ferroviaire désigné. Les formalités export sont à sa charge, le dédouanement import et le postacheminement sont payés par l'acheteur.
- DDP (Delivered duty paid): pour tout type de transports. Toutes les obligations, en dehors du déchargement, incombent au vendeur.
- FOB (Delivered duty paid): uniquement pour les transports fluviaux et maritimes. Le vendeur est responsable de la marchandise jusqu'à ce qu'elle soit sur le navire. Les responsabilités des deux parties sont relativement équitables.
CE QU'IL FAUT RETENIR
- Usages du droit international, les Incoterms garantissent en cas de pépin logistique, un partage des risques et des frais entre vous et votre partenaire commercial.
- Appliqués partout dans le monde, les Incoterms tirent leur caractère coercitif du contrat de vente auquel ils sont assortis.
- Au nombre de 11, les Incoterms, sont, selon les cas, plus ou moins favorables à l'acheteur ou au vendeur.