Il dit adieu à la Chine et rapatrie sa production en France
En 2003, TEB délocalise la moitié de sa fabrication de produits de vidéoprotection en Chine. Aujourd'hui, la société fait marche arrière. Une parenthèse nécessaire à la croissance de l'entreprise qui s'est fermée en douceur et ouvre la voie à de nouveaux projets dans notre pays.
Je m'abonneStéphane Bidault n'a pas attendu que le patriotisme industriel soit à la mode pour produire 100 % français. Le président de TEB, PME spécialisée dans la conception, la fabrication et l'intégration de produits et solutions de vidéoprotection, décide en 2009 de ramener en France une ligne de production représentant la moitié de son volume de ventes, le reste étant déjà sous-traité dans l'Hexagone. Mais c'est seulement fin 2011 que les caméras Alpha Dôme sortent d'une usine bourguignonne. Le temps que les contrats avec les sous-traitants chinois arrivent à leur terme, mais aussi que TEB peaufine la nouvelle version du produit. En effet, cette référence-phare de l'entreprise commençait à dater au niveau technologique. Or, cet aspect est au coeur de la communication de l'entreprise. « Une évolution s'avérait indispensable pour apporter un nouveau souffle à notre offre et conserver une dynamique innovante », indique le quadragénaire. Le cahier des charges des prototypes, conçus en France, repose sur deux orientations majeures: obtenir une qualité (netteté d'image) largement supérieure et réduire au maximum la main-d'oeuvre dans le processus de fabrication. « Nous avons repensé la caméra de façon à gagner du temps dans le montage des pièces et dans l'intégration sur site sans rogner sur la qualité », souligne Stéphane Bidault.
@ © ARNAUD DAUPHIN (DIJON)
TEB
> Activité
Conception, fabrication et intégration de produits et solutions de vidéoprotection
> Ville
Corpeau (Côte-d'Or)
> Forme juridique
SAS
> Dirigeant
Stéphane Bidault, 41 ans
> Année de reprise
2006
> Effectif
90 salariés
> CA 2011
14,5 MEuros
La fin de l'eldorado chinois
Or, l'analyse du coût de fabrication est sans appel: l'écart entre une production en France et en Chine est très faible. Et les raisons sont multiples. Les salaires chinois sont en hausse. En outre, la livraison alourdit la facture. Et les composants électroniques (sur la qualité desquels l'entreprise est intransigeante) sont désormais disponibles au même prix dans l'Hexagone qu'en Asie. « L'empire du Milieu a soudain perdu de son charme », plaisante le président. D'autres motifs sont entrés en ligne de compte. Stéphane Bidault y voit l'occasion de mieux maîtriser la valeur ajoutée de ses produits. « Les relations que nous entretenons avec les fournisseurs locaux français sont plus fortes et enrichissantes, argumente- t-il. Ils sont sources de conseils et d'idées. » Et qui dit proximité géographique dit délais de livraison raccourcis et gestion des stocks optimisée. Des atouts qui ne sont pas pour déplaire aux clients de la PME (grande distribution, banques et collectivités). Fini aussi la suspicion de contrefaçon. « C'est fou comme les Chinois peuvent vous fournir plusieurs centaines de pièces supplémentaires en si peu de temps en cas d'accroissement de commande inopiné. Comme s'ils en avaient fabriqué en plus... Mais pour qui? », ironise le dirigeant. L'aspect éthique a-t-il pesé dans la balance? « Je crois à la responsabilité sociale d'une entreprise pour son pays, mais le business ne peut se résumer à cela », rétorque-t-il. Car si, en 2003, son prédécesseur opte pour une délocalisation de la production, c'est avant tout pour des raisons financières. Le différentiel de prix de revient entre la France et la Chine est alors d'un à trois. Le choix est donc fait d'y élaborer les produits génériques à faible valeur ajoutée. « Cette action a eu un impact décisif sur la rentabilité de cette gamme», se félicite Stéphane Bidault. Sans cette mesure, l'entreprise aurait sûrement dû arrêter la fabrication pour se consacrer à la commercialisation et à l'installation. « Ce bol d'air nous a permis de nous recentrer et d'investir dans l'innovation et le développement commercial », pointe-t-il.
Résultat: TEB multiplie les ouvertures d'agences (six à ce jour) et embauche 40 collaborateurs en quatre ans! « La présentation des prototypes ainsi que la mise en place, par la suite, d'une équipe projet ont facilité l'adhésion du personnel », se souvient le président. Aussi, faibles sont les réticences quand le dirigeant, à la suite d'une remise à plat des process achats et production, réalloue les tâches et les fonctions au sein de ces services. Un ajustement qui lui permet de ne pas augmenter sa masse salariale. Stéphane Bidault l'assure: « Nos collaborateurs sont fiers de travailler pour une entreprise qui crée de la richesse en France. » Et les occasions pour eux de se vanter ne manquent pas depuis fin 2011. La télévision et les journaux locaux, puis la presse économique nationale se font l'écho de ce retour au pays des caméras Alpha Dôme. La dizaine de reportages et articles vaut aussi au dirigeant l'intérêt des élus locaux et les félicitations de ses clients. Le made in France constitue un argument de vente pour les 12 ingénieurs-commerciaux de l'entreprise. « Au même titre que le conseil et la qualité », tient-il à préciser. Car, hormis un court passage sur le site web consacré à la qualité française, le lieu de fabrication n'est pas particulièrement mis en avant. « Les étrangers (un quart de notre chiffre d'affaires) n'en ont cure et si nos compatriotes apprécient la démarche, ce n'est pas l'atout décisif qui fera peser la balance de notre côté », estime le président. La relocalisation de la moitié de la production de TEB ne relève donc pas de l'argument trompeur, mais bien d'une réelle démarche de refonte d'un produit basée sur les atouts et les limites de l'entrepreneuriat en France.
ZOOM
Cap sur l'innovation...
8 % du chiffre d'affaires sont investis dans le service de R & D dont TEB s'est doté dès sa création, en 1983. Les salariés qui le composent sont chargés de deux missions: assurer une veille sur les technologies et améliorer les produits existants. Actuellement, ils travaillent sur l'image 3D et l'analyse intelligente de l'image en temps réel. D'ailleurs, l'an prochain, la PME célébrera ses 35 ans d'existence en fanfare avec « un feu d'artifices de lancements », dixit le dirigeant.
Et sur le partage des connaissances
Stéphane Bidault lance, au printemps dernier, son propre centre de formation à destination des utilisateurs, naturellement, mais aussi de ses équipes et des demandeurs d'emploi. Il a déjà convaincu quelques grands comptes chez qui il va dépêcher des formateurs internes. Par ailleurs, des conventions sont signées avec des organismes de formation agréés pour enseigner les métiers de la vidéoprotection dans ses locaux. Les cours sont dispensés par ses équipes.
ETUDE
Les entreprises vont-elles déserter la Chine?
L'empire du Milieu a du souci à se faire! Selon une enquête menée par la Chambre de commerce européenne en Chine rendue publique fin mai, une entreprise de l'Union européenne sur cinq envisagerait de quitter le pays pour investir dans... d'autres pays émergents. Pourquoi? Il semble que la hausse des salaires locaux qui fait grimper les coûts soit la cause principale de ce désengagement. S'ajoutent aussi la concurrence accrue des entreprises chinoises et un cadre juridique discriminatoire qui freine le développement et fait manquer des opportunités de business aux entreprises européennes. Autre enseignement de cette étude: les dirigeants qui choisissent tout de même de rester en Chine prévoiraient (à 52 %) de déplacer leurs affaires dans des régions plus rurales, dans les provinces du Centre et de l'Ouest, où la main-d'oeuvre demeure bon marché et où des avantages leur sont proposés par les autorités.