Recherche
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

ILS JOUENT LEUR CHIFFRE D'AFFAIRES ANNUEL EN QUELQUES MOIS

Publié par le

Les PME saisonnières peuvent réaliser 70 à 80 % de leur CA lors des fêtes de fin d'année ou aux beaux jours. Trésorerie, production et RH sont donc impactées. Comment éviter la surchauffe? Quels profits tirer des creux d'activité? Conseils d'experts et retours d'expérience.

Je m'abonne
  • Imprimer

@ MIKE KIEV / FOTOLIA

Entre le 1er avril et le 30 septembre, près de 20 000 litres de glaces sortent de l'atelier de Philippe Faur, soit plus de 70 % de sa production annuelle. Direction les grandes surfaces de la région Midi-Pyrénées, une nuée de restaurants partout en France et ses quatre boutiques situées dans le Sud-Ouest. Dans ses cuves, entreposées dans un espace de 500 m² attenant aux bureaux de son entreprise, jamais plus de trois semaines de stock. Et pour savoir lesquels de ses 130 parfums vont se vendre le plus, le quadragénaire se fie aux ventes de l'année précédente. « Ces chiffres constituent un support pertinent pour la rédaction de notre plan de fabrication établi le vendredi pour la semaine suivante », précise-t-il. Apprécier au plus juste les quantités à produire et les stocks à constituer, voilà l'une des contraintes majeures pour un dirigeant dont l'activité est saisonnière. Des pronostics erronés et c'est la rupture de stock ou le sur stock. Avec l'impossibilité de se rattraper sur une autre période de l'année.

Aussi mieux vaut ne pas s'arrêter aux seules estimations basées sur les statistiques des années précédentes. Jacques Arlotto, professeur de stratégie au sein de l'école de management nantaise Audencia, conseille de « mener un travail de veille qui permettra d'ajuster les chiffres ». Tendances du marché, évolution des modes d'achat ou nouveaux profils d'acheteur sont autant de paramètres amenés à peser sur votre business à court ou à moyen terme.

ISTVAN D'ELIASSY, président d'Epanat

ISTVAN D'ELIASSY, président d'Epanat

TEMOIGNAGE
Nous multiplions les événements pour vendre en dehors de Noël et de Pâques

La Saint-Valentin, la fête des Mères, mais aussi la rentrée des classes, l'arrivée de l'automne, les départs en vacances: toutes les raisons sont bonnes pour déguster du chocolat! Telle est la stratégie d'Istvan d'Eliassy, président d'Epanat, une PME parisienne plus connue sous son nom commercial «Jadis et Gourmande». « Dix fois par an, en plus des collections de Noël et de Pâques -qui assurent la moitié de notre chiffre d'affaires annuel -, nous misons sur la créativité pour faire venir le chaland », indique le dirigeant. Lequel se donne les moyens pour lisser ses ventes sur l'année. Ses cinq boutiques sont ainsi entièrement décorées aux couleurs de la thématique en cours (Saint-Valentin, rentrée des classes, etc.). Et, sur la douzaine de produits en vitrine, un tiers est spécialement créé pour l'occasion. Le sexagénaire s'attaque également à un marché moins cyclique qui lui assure déjà 10 % de ses ventes: celui des entreprises. Il leur vend des lettres en chocolat qui, assemblées dans un coffret-cadeau, retranscrivent un message («Merci d'être venu nous voir sur le salon» ; «Nous vous souhaitons une bonne année»). Ces petits mots peuvent être accompagnés d'une plaque reproduisant un logo ou un visuel. « La personnalisation, la différenciation et le taux de lecture (personne ne met à la corbeille du chocolat!) sont des arguments qui font mouche auprès des professionnels », assure Istvan d'Eliassy.

EPANAT - Repères

- ACTIVITE: Fabrication de chocolat
- VILLE: Paris (V e arr.)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Istvan d'Eliassy, 64 ans
- ANNEE DE CREATION: 1976
- EFFECTIF: 30 salariés (50 à Noël et à Pâques)
- CA 2009: 4,1 MEuros

Gestion de l'approvisionnement.

Naturellement, l'informatique peut être d'un grand secours au moment de planifier la production. Bernard Gochgarian, président de Bluewood, une TPE qui fabrique des piscines en bois, sur mesure, a «bricolé» un logiciel à partir de fichiers Excel qui enregistre les entrées et les sorties de matières premières dans ses 1 700 m² d'entrepôts. Objectif: savoir en temps réel s'il est en capacité de répondre aux demandes de ses cinquante revendeurs. Si tel n'est pas le cas, deux mois sont nécessaires pour recevoir les quantités supplémentaires de bois. Une éternité pour une petite affaire qui vend 200 de ses 290 bassins annuels entre mars et juillet. Toute mauvaise prévision peut donc lui faire rater sa saison, et donc son année! Un souci d'approvisionnement, et c'est le même scénario catastrophe. Le choix des fournisseurs ne doit pas se faire à la légère. Moins ils sont, plus le dirigeant en est dépendant et prend des risques: retard de livraison, mauvaise qualité, dépôt de bilan,etc. « C'est une affaire d'arbitrage entre l'obtention de conditions commerciales maximales et les risques pris pour la constitution des stocks de matières premières », analyse Jean-Bernard Girault, partner d'Eurogroup Consulting, cabinet conseil en stratégie et management. Ce dernier recommande vivement de recourir à plusieurs partenaires pour ce qui est, en tout cas, des pièces stratégiques.

Soigner le plan de trésorerie.

Autre erreur qui peut s'avérer fatale pour une PME saisonnière bien plus que pour une entreprise dont l'activité est lissée sur l'année: négliger sa trésorerie. Il s'agit donc d'établir un plan de trésorerie détaillé qui comprend les charges fixes, constantes tout au long de l'année (salaires, impôts, loyer, etc.), mais aussi le montant et la périodicité des achats pour la saison et les conditions de paiement de l'ensemble des partenaires. Ces éléments permettent au dirigeant de prendre des décisions financières (investissement dans de nouvelles machines, recrutement, etc.) avec une vision claire et précise de ses capacités. « Minutie et transparence démontrent votre fiabilité à votre banquier et instaure un climat de confiance fort utile au moment de demander des crédits ou des taux d'agios intéressants », remarque Jean-Bernard Girault (Eurogroup Consulting). Bernard Gochgarian, le patron de Bluewood, a ainsi négocié un découvert pour les trois mois d'hiver quand ses rentrées d'argent sont les plus basses. Une démarche indispensable, car, en phase de développement, son chiffre d'affaires du reste de l'année ne suffit pas pour éviter un découvert ponctuel. « Ancien directeur administratif et financier, j'ai veillé à insister sur les projections des chiffres d'affaires à trois ans et sur les potentialités réelles du marché des piscines en bois, chiffres à l'appui », précise-t-il. Philippe Faur, le glacier, s'entretient tous les ans au printemps avec son banquier, histoire de déterminer s'il faudra ou non ouvrir des lignes entre avril et en juin, à l'approche de la saison. « Aujourd'hui que mon entreprise a prouvé sa vitalité, les relations sont cordiales, mais les cinq années qui ont suivi sa création, à la fin des années quatre-vingt-dix, j'ai essuyé de nombreux refus de découverts », se rappelle l'intéressé. Jean-Bernard Girault suggère de présenter différents scénarios de développement annuel à son conseiller financier. Chacun est à rédiger en collaboration avec son expert-comptable et ses chefs de service. Une façon de le rassurer sur vos capacités d'action en fonction de la situation.

PHILIPPE FAUR, glacier

«Les ventes de l'année précédente constituent un support pertinent pour la rédaction de notre plan de fabrication.

A SAVOIR
SOLUTIONS RH POUR ABSORBER LES PICS D'ACTIVITE

- Les CDD saisonniers.
Type de contrat réservé aux entreprises devant faire face, tous les ans, à date fixe, à un surcroît d'activité. Il peut prévoir une clause de reconduction d'une saison à l'autre. Aucune indemnité de fin de contrat n'est due.


- Les CDD classiques.
Un accroissement temporaire d'activité permet de recourir à un CDD. Il peut être renouvelé une fois et pour une durée n'excédant pas 18 mois. Il dispense d'une prime de précarité.


- Les intérimaires.
L'agence vous les facture environ deux fois leur salaire, ce qui inclut marge et cotisations sociales. Le contrat peut être renouvelé une fois pour une durée inférieure à 18 mois. A la fin du contrat, il faut verser une prime de précarité de 10 % du salaire brut.


- Les forces de vente supplétives.
Le prestataire dispose de profils spécialisés pour un coût par personne et par jour allant de 170 à 230 euros HT.


- L'annualisation du temps de travail.
Une entreprise à l'activité saisonnière peut moduler son temps de travail sans que les heures, au-delà des 35 heures hebdomadaires, ne soient considérées comme supplémentaires. L'année, et non la semaine, est alors prise comme référence pour calculer la durée du travail. Au maximum, un salarié peut s'affairer 48 heures hebdomadaires.

Des ressources humaines flexibles et fidélisées.

Une PME saisonnière doit donc être pilotée avec une rigueur extrême. L'activité fluctuante nécessite également réactivité et flexibilité ; des aptitudes indispensables à tous les étages de l'entreprise. Chez Bluewood, par exemple, les agents de production ont effectué des heures supplémentaires en septembre dernier quand l'été indien, dans le Sud, a fait exploser les ventes de 40 % par rapport à 2009. La météo, élément incontrôlable, vient parfois modifier les plans des dirigeants! A l'inverse, les hommes de Bernard Gochgarian vont donner un coup de main à leurs collègues sur les chantiers de pose quand l'activité de construction se réduit. Les commerciaux eux non plus ne doivent pas rester les bras croisés en période creuse. « Le chef d'entreprise a tout intérêt à leur confier des missions de prospection et de renforcement de la relation client », estime David Newlands, professeur de gestion industrielle et d'opérations management à l'Iéseg de Lille. Autre recommandation de Jacques Arlotto (Audencia): fidéliser à la fois les permanents et les extras. Une société se doit de conserver son coeur de compétence pour gagner en compétitivité. Or, si l'équipe permanente consacre son temps et son énergie à former tous les ans des petits nouveaux, elle se démotive et n'est pas employée de manière optimale. « Il faut donner envie aux saisonniers de revenir », martèle l'expert. Comment? Jean-Louis Corsiglia a sa solution: il est membre d'un groupement informel d'employeurs, ce qui lui permet de proposer à ses extras de travailler le reste de l'année chez un fabricant de chips voisin qui connaît, lui, un pic d'activité durant l'été. Cette formule atténue les effets négatifs de la saisonnalité pour les ressources humaines. Mais ce n'est pas la seule (lire notre encadré p. 29).

Désaisonnaliser.

Prévisions de vente, approvisionnement, trésorerie, personnel, les PME saisonnières subissent des contraintes particulières qu'elles peuvent en partie lever en adoptant certaines stratégies. La plus évidente est la diversification. « L'idée est de faire tourner les machines toute l'année en ayant recours aux mêmes compétences, aux mêmes partenaires et à des matières premières proches », souligne David Newlands (Iéseg). Ainsi, Bluewood s'apprête à lancer des abris de piscine en bois à poser en hiver. Philippe Faur propose désormais des glaces salées, avec des parfums originaux comme le foie gras, le caviar, le wasabi ou encore la truffe. Corsiglia s'ouvre à un nouveau marché: celui des agrumes confits. L'entreprise les vend en dehors des fêtes de fin d'année en France. Elle mise également sur l'export où elle écoule 20 % de sa production dans des pays comme le Japon, dans lequel les marrons sont moins associés symboliquement à l'hiver, ou encore dans ceux qui sont en hiver alors que nous sommes en été. D'autres entreprises ouvrent des sites marchands ou se mettent au tourisme industriel. Autant d'exemples qui prouvent qu'il est possible de dépasser les contraintes inhérentes à la saisonnalité.

TEMOIGNAGE
Spécialistes du matériel de déneigement, nous nous développons avec le désensablement

DIDIER DELOISON, président de Sicométal
Comment se diversifier quand son entreprise est spécialisée dans la fabrication de matériel de déneigement? Réponse audacieuse de la direction de Sicométal: miser sur le désensablement. Il fallait y penser! L'ancien patron a lancé le pari d'adapter les compétences et le savoir-faire de ses équipes à une nouvelle ligne de production. Pari tenu par l'actuel dirigeant, Didier Deloison. Un an de recherche et développement, et 300 000 euros d'investissement plus tard, arrive en effet sur le marché un engin à destination des pays du Maghreb, confrontés à l'avancée du désert. La machine livrée en 2009 aux autorités algériennes fait office de référence sur cette zone où la société est déjà connue: le Maroc utilise déjà des machines de la marque Sicométal sur les cols de l'Atlas. « Notre crédibilité en matière de déneigement nous a permis de poser plus facilement les jalons pour le marché du désensablement », analyse le quinquagénaire. Sa connaissance des interlocuteurs et des us et coutumes du commerce local a constitué, par ailleurs, un atout non négligeable. Fin 2011, ce nouveau marché devrait générer 15 % du chiffre d'affaires.

SICOMETAL - Repères

- ACTIVITE: Fabrication de matériel de déneigement et de désensablement
- VILLE: Saint-Claude (Jura)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Didier Deloison, 58 ans
- ANNEE DE REPRISE: 2009
- EFFECTIF: 38 salariés
- CA 2010: 4,1 MEuros

JACQUES ARLOTTO, professeur de stratégie au sein d'Audencia

Il faut donner envie aux saisonniers de revenir.

 
Je m'abonne

Gaelle Jouanne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Chef d'Entreprise Newsletter

Artisans Newsletter

Commerce Newsletter

Event

Event

Event

Les Podcasts de Chef d'Entreprise

Lifestyle Chef d'Entreprise

Artisans Offres Commerciales

Chef d'Entreprise Offres Commerciales

Commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

Retour haut de page