Horloges Huchez: le temps, c'est leur business
A 180 ans, difficile de survivre aux changements d'époque ? Une PMI familiale réussit pourtant avec brio à traverser les décennies. Les Horloges Huchez se sont adaptées à l'air du temps. De fabricant d'horloges, Huchez est devenu spécialiste des pointeuses et des systèmes de gestion pour les PME.
Je m'abonneEn gare de Cergy-Saint-Christophe, les passants accélèrent le pas. Un coup d'oeil à l'horloge de l'entrée les rassure: le train partira dans dix minutes. Cette horloge est signée par une PME qui officie depuis 180 ans dans le monde de l'horlogerie: Horloges Huchez. La réalisation de Cergy-Saint-Christophe est justement l'un de ses plus beaux fleurons: deux horloges, avec trotteuse, de dix mètres de diamètre chacune. Ce sont les plus grandes d'Europe. Un record détenu depuis 27 ans. « C'est certes un record de construction, mais c'est aussi pour nous la plus grande horloge que l'entreprise ait jamais réalisée », souligne non sans fierté François Huchez, l'actuel dirigeant de la PME. Il représente la quatrième génération à la tête de cette PME familiale, née avec la révolution industrielle.
Le tandem Vérité-Renard
Tout commence en 1832, lorsque Auguste-Lucien Vérité, amoureux d'horlogerie, franchit le pas et décide de vivre de sa passion. A cette époque, tout n'est que ressorts, pignons et mécanique de précision. Auguste-Lucien Vérité s'associe à M. Renard, horloger-mécanicien, pour apprendre tous les rouages du métier. Ils font leurs premières gammes dans l'horlogerie campanaire (pour équiper des clochers). La toute première commande est passée par la cathédrale Saint-Pierre-de-Beauvais. Onze années leur seront nécessaires pour cette réalisation, qui comptera 90 000 pièces mécaniques en acier et en laiton, 52 cadrans en émail et 68 automates. Peu de temps après, la cathédrale de Besançon en commande une équivalente. L'aventure Huchez est lancée. En 1898, les deux associés vendent l'entreprise aux frères Marie et Louis Joly. Louis Joly décide de marier sa fille Laure à Eugène Huchez, qui prend la direction de l'entreprise en 1930. Les cadrans sont alors signés «Huchez-Joly», puis simplement «Huchez». Jean-Paul Huchez, fils d'Eugène, prend la tête de l'entreprise en 1975, avant de la confier aux mains de son fils aîné, François. Ce dernier, entré dans l'entreprise en tant que responsable informatique, reprend le flambeau familial en 2008.
Se mettre à l'heure du progrès
Les Horloges Huchez ont ainsi traversé avec brio les décennies. Leur secret? S'adapter à l'air du temps. « Les technologies évoluent vite et souvent. Pour suivre, il a fallu que nous ajoutions à chaque nouvelle époque une couche de modernité à notre savoir-faire, explique François Huchez. Issus de la mécanique, nous avons évolué avec l'électrification, puis avec l'électronique et enfin, l'informatique. » Aux 17 salariés alors de jongler entre les différentes technologies pour concevoir et entretenir les produits. La PME maîtrise toutes les phases de fabrication d'une horloge, de la conception technique à la finition des cadrans ou des aiguilles. Elle supervise la réalisation complète de ses installations: montage de cadrans en toutes situations, avec minuterie et récepteur, électrification des éléments plus anciens, comme ceux de la première partie du XXe siècle, par exemple. Pour remplacer les pièces d'origine trop usées, elle a conservé des machines ancestrales dans son usine, ce qui lui permet de reproduire à l'identique certains éléments. Enfin, la PME assure aussi, si besoin, le raccordement avec des cloches. Elle utilise toutes sortes de matériaux, de technologies, de décorations et de traitements de surfaces.
Les années passent et l'entreprise diversifie sa clientèle: les hôtels de ville, les gares, les écoles font appel à ses services. Aujourd'hui encore, le campanaire fait recette et constitue un tiers de ses commandes (soit 2 000 clochers équipés à ce jour). Alors, comment les horloges Huchez parviennent-elles à se hisser à l'entrée des bâtiments les plus emblématiques d'une ville? En restant à l'affût des appels d'offres, mais aussi grâce à sa notoriété. Il n'existe plus que trois acteurs d'horlogerie monumentale campanaire en France. L'atout des Horloges Huchez? Leur savoir-faire unique et la personnalisation. « Les produits utilisés sont fabriqués dans l'entreprise pour garantir une certaine qualité et fiabilité de nos horloges, précise François Huchez. Par ailleurs, nous proposons des modèles standard pour toutes les parties non visibles, comme la minuterie. Pour la face visible, nous nous adaptons à toutes les demandes. » Même les plus extravagantes... Les cadrans peuvent bien sûr être personnalisés: des aiguilles or et style «Renard» pour l'église de Louviers (Eure), des chiffres romains pour la mairie de Fontaines-Fourche (Seine-et-Marne), un circline (un tube circulaire qui éclaire le cadran de jour comme de nuit) pour la mairie de Cuvilly (Oise)...
Pour répondre aux demandes les plus originales, Horloges Huchez développe une activité d'horlogerie architecturale, une niche qui représente 5 % du chiffre d'affaires. Ainsi, au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), une horloge de trois mètres de diamètre de couleur bleue et aux aiguilles recouvertes de feuilles d'or permet à l'hôtel qu'elle orne d'être repéré de tous. « L'architecte en charge de la construction de l'hôtel voulait faire «vivre» la façade. C'est réussi: elle est immanquable! », se félicite François Huchez. De même, l'hôtel de ville du Havre a demandé un modèle agrémenté de plots lumineux, tandis que l'immeuble du groupe financier CCF, situé sur les Champs-Elysées, a choisi une oeuvre gravée de bas-reliefs. Les horloges de rues de Paris? Signées Huchez également. L'entreprise collabore aussi avec les architectes des Bâtiments de France et intervient sur les monuments historiques, notamment pour en assurer l'entretien, ce qui représente 10 à 15 chantiers par an. Mais la véritable prouesse de cette PME plus que centenaire est de savoir s'adapter, notamment en investissant le créneau du B to B. « Une diversification nécessaire pour étendre notre activité », selon François Huchez.
C'est l'heure du B to B
En effet, dès les années soixante, Huchez se met à fabriquer des horloges d'entreprise à aiguilles ou à chiffres, des pointeuses, des horodateurs et des programmateurs. Dans les années quatre-vingt-dix, elle conçoit des systèmes informatiques de gestion du temps. En 2004, elle développe un logiciel baptisé Themis, un système de gestion du temps de présence/absence pour des entreprises de moins de 500 personnes. Tous ses produits de gestion du temps sont en vente depuis 2011 sur une boutique en ligne, Pointeuses.com. « La loi sur la réduction du temps de travail a été une vraie aubaine pour nous, convient le dirigeant. 120 000 personnes pointent chaque jour sur nos systèmes. » Depuis, l'entreprise multiplie les innovations en développant des systèmes complexes de synchronisation des équipements (par l'horloge atomique ou le GPS), mais aussi de gestion informatisée du temps. Son prochain challenge? Rester sur l'industrie du contrôle et, pourquoi pas, devenir un spécialiste de la biométrie. « Notre objectif: perdurer, confirme François Huchez. Il faut se développer sur les métiers historiques que l'on maîtrise mais aussi se diversifier vers les contrôles d'accès. » Pour arriver à ses fins, Huchez ne compte plus ses heures.
@ HORLOGES HUCHEZ
Horloges Huchez
- Activité Fabrication d'horloges
- Ville Ferrières (Oise)
- Forme juridique SAS
- Dirigeant François Huchez, 40 ans
- Année de création 1832
- Année de reprise 2008
- Effectif 17 salariés
- CA 2012 2 MEuros
ZOOM
De l'Oise...
Basée à Ferrières, une petite ville de l'Oise, la PME équipe près des deux tiers des villes et villages de son département. En France, ses clients sont, pour l'essentiel, installés en région parisienne ou en Picardie. Mais l'année 1985 et la réalisation des horloges de Cergy-Saint-Christophe vont changer la donne: cette oeuvre sans équivalent en Europe sera la plus belle carte de visite de la PME et lui ouvrira les portes de l'international.
... A Haïti
L'export représente 5 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. Parmi les villes où est présente la PME: Londres (le Sofitel y a commandé une pièce de 120 kg en verre ciselé) et Casablanca.
Dans l'île d'Haïti, la cathédrale de Jacmel, près de Port-au-Prince, se dote d'une horloge made in France durant l'entre-deux-guerres. Mais le séisme qui a touché l'île en 2010 aura raison de cet ouvrage: depuis, les aiguilles se sont définitivement bloquées. Faute de moyens, elles ne peuvent être réparées.
DATES-CLES
- 1832 Auguste-Lucien Vérité crée une petite affaire d'horlogerie à Ferrières, dans l'Oise.
- 1898 La fabrique est reprise par les frères Joly
- 1930 Eugène et Laure Huchez reprennent l'entreprise
- 1960 Diversification de l'activité (B to B)
- 1975 Jean-Paul Huchez prend la tête de la PME
- 1985 Création des horloges de Cergy-Saint-Christophe et développement à l'export
- 2004 Huchez crée le logiciel Themis, à destination des PME
- 2008 François Huchez devient dirigeant de l'entreprise
- 2011 Ouverture de la boutique en ligne Pointeuses.com
- 2012 Les Horloges Huchez fêtent leurs 180 ans
ZOOM
180 ans, ça se fête...
En 2012, l'entreprise souffle ses 180 bougies. Pour François Huchez, « cet événement est avant tout l'occasion de rendre hommage à nos prédécesseurs »
L'anniversaire est célébré avec la création d'un logo spécial et la mise en place d'un jeu-concours. Ce dernier est réservé aux collectivités locales, puisqu'elles constituent à 99 % la clientèle de l'activité campanaire de la PME. Après tirage au sort, les gagnantes recevront soit un élément d'horlogerie, soit un contrat d'entretien. Pour promouvoir ce concours, l'entreprise mise sur un mailing envoyé tout au long de l'année, avant la cérémonie de remise de prix prévue pour le début 2013.
Avec sa petite soeur?
Les Huchez ont l'entrepreneuriat dans le sang. Quatre générations se succèdent à la tête de l'entreprise et transmettent le virus entrepreneurial à la famille... Antoine Huchez, cousin de François Huchez, est à la tête de Huchez Treuils, une PME de 83 salariés créée il y a une soixantaine d'années. Son credo? Les engins de levage manuels, électriques, pneumatiques, électroniques ou hydrauliques. L'entreprise est leader du marché français et exporte dans le monde des engins de 6 kg à 6 tonnes. Les deux établissements n'ont aucun lien juridique, mais rapprochement familial oblige, ils entretiennent des liens étroits. Pour preuve, les locaux des deux entreprises ne sont séparés que de quelques mètres.