Fiscalité: de gauche à droite, un même élan pour les «petits» patrons
Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal cherchent à séduire les chefs d'entreprise. Or, quoi de plus efficace pour les séduire qu'une promesse d'allégement de la fiscalité? Pourtant, experts et dirigeants de PME ne sont pas encore convaincus.
Je m'abonneLes politiques se mettraient- ils à chouchouter les patrons de PME? A quelques semaines des élections présidentielles, la fiscalité qui pèse sur les entreprises est au coeur du débat. Déduction de l'impôt sur la fortune des fonds investis dans des PME, modulation de l'impôt sur les sociétés, exonération des droits de succession... Avec un arsenal de mesures visant à alléger la fiscalité, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal cherchent à se mettre les dirigeants dans la poche. Et pour cause: 41% des patrons de TPE jugent que les questions fiscales doivent être la priorité des candidats, révélait, en janvier dernier, une enquête de Fiducial. Pour 85% d'entre eux, il est urgent d'alléger la fiscalité des entreprises. Pour autant, les mesures proposées vont-elles dans le bon sens? Pas sûr. «D'une manière générale, les mesures fiscales ne vont pas assez loin», juge, circonspect, maître Jean-Claude Laborde, avocat fiscaliste au cabinet Laborde. Les chefs d'entreprise semblent plus indulgents. Toujours d'après l'enquête de Fiducial, 47% des dirigeants de TPE pensent que les promesses fiscales des candidats sont réalistes. Alors, qu'en est-il vraiment?
@ (c) PHILIPPE GRANGEAUD
Ségolène Royal propose un IS à deux vitesses, alourdi pour les entreprises qui distribuent des dividendes aux actionnaires sans créer d'emplois.
Au coeur des promesses électorales, l'impôt sur les sociétés. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal se rejoignent sur l'impact désastreux, en matière d'emploi, de cet impôt qui encourage les délocalisations. Mais bien entendu, ils s'affrontent sur les solutions. Le candidat de l'UMP veut ramener le taux d'imposition à 26% (au lieu des 33% actuels) et, surtout, le moduler suivant la redistribution que fera l'entreprise de ses bénéfices. Celle-ci pourrait bénéficier d'un allégement fiscal si elle décidait de le réinvestir ou de créer des emplois. De son côté, Ségolène Royal souhaite alléger, elle aussi, la fiscalité des PME qui réinvestissent leurs bénéfices et, a contrario, taxer davantage les sociétés qui les redistribuent aux actionnaires. Ces deux propositions réjouissent les patrons, qui jugent l'IS pénalisant pour la croissance. A la tête d'une entreprise de 35 salariés, Cyril Marlaud en sait quelque chose. «L'impôt sur les sociétés paralyse nos projets d'investissement», déplore le président de cette PME francilienne, qui vend des systèmes de visio-conférence. En 2006, son entreprise a engrangé 500000 euros de résultat opérationnel. Un pactole dont le dirigeant doit déduire 165 000 euros pour le Trésor public. «Cette somme correspond au salaire brut annuel de quatre techniciens», indique le chef d'entreprise, qui aurait bien besoin d'embaucher pour étoffer son activité de recherche et développement. De leur côté, les experts sont circonspects sur les propositions des deux candidats. Janin Audas, expert-comptable et membre du réseau patronal Ethic, s'insurge contre la proposition de la candidate socialiste. «En pénalisant les entreprises qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires, Ségolène Royal va inévitablement freiner le développement des PME, qui peineront alors à attirer des investisseurs extérieurs pour financer leur croissance.» Au lieu de freiner la distribution des profits, certains spécialistes préconisent d'alléger la fiscalité des PME en élargissant l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Actuellement, seules les PME dont le résultat est inférieur ou égal à 38 120 euros bénéficient d'un taux d'imposition «allégé», de 15%. Les autres sont soumis au taux «standard», soit 33%. «C'est insuffisant», tranche Jean-Claude Laborde, avocat fiscaliste, qui plaide en faveur d'une hausse de ce seuil. Le réseau Croissance Plus préconise, en outre, d'instaurer un IS variable en fonction de la taille de l'entreprise, de façon à favoriser les PME.
L'impôt sur la fortune est l'autre grand sujet qui rallie les chefs d'entreprise. En cause? L'exode fiscal d'ex-patrons qui fuient l'Hexagone ou de particuliers fortunés qui auraient les moyens d'investir dans des PME. Un gâchis pour nombre d'experts. «Pour se développer, les petites entreprises ont besoin de capitaux extérieurs qui peuvent être apportés par des investisseurs privés», avance Amaury Eloi, de Croissance Plus. Quoi de mieux, alors, que d'inciter ces particuliers fortunés à miser sur déjeunes sociétés hexagonales? Sur ce point, Nicolas Sarkozy prend position. Pour «créer une nouvelle génération de capitalistes familiaux», le candidat à l'élection présidentielle s'engage à «donner aux contribuables qui paient l'ISF la possibilité de déduire un maximum de 50000 euros à condition de l'investir dans une PME». Comme une majorité d'experts, Croissance Plus applaudit. En 2001, dans un Livre Blanc, ce réseau d'entreprises à forte croissance avait d'ailleurs suggéré de mettre l'ISF au service de la croissance, en offrant aux personnes physiques qui investissent en fonds propres dans les sociétés noncotées de moins de dix ans une réduction de 50% de l'ISF. Membre de Croissance Plus et patron d'une PME de 70 salariés, New Works, Amaury Eloi approuve cette orientation. «J'ai créé mon entreprise grâce au soutien de 32 business angels, confie-t-il. Une majorité d'entre eux sont d'anciens entrepreneurs français ayant élu résidence en Grande-Bretagne ou en Belgique.» De même, pour l'Institut de l'Entreprise, une association de dirigeants d'entreprises présidée par Michel Pebereau, cette déduction fiscale serait une incitation forte à investir ses capitaux dans une PME. «Ces investisseurs auraient le choix entre faire un chèque au Trésor public et aider les entreprises», commente Jean-Damien Pô, directeur des études de l'organisation patronale.
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Nicolas Sarkozy s'engage à alléger l'impôt sur les grandes fortunes des contribuables acceptant d'investir dans les PME.
Les droits de succession. Les candidats aux élections présidentielles s'intéressent aussi aux droits de succession. Qui sont l'un des thèmes phares de la campagne. Alors que la candidate socialiste ne prend pas position sur ce point, le président de l'UMP entend «exonérer de droits de succession 95% des Français». «Quand on a travaillé toute sa vie et qu'on a créé un patrimoine, on doit pouvoir le laisser en franchise d'impôt à ses enfants», déclarait-il en janvier dernier, lors d'une interview au quotidien Le Monde. Une mesure qui pourrait favoriser la transmission d'entreprises familiales. «Trop de sociétés sont vendues à des tiers car les héritiers ne peuvent pas payer les droits de succession», note Jean-Damien Pô, de l'Institut de l'Entreprise. Certes, mais faut-il pour autant supprimer cette taxe? Là, les fiscalistes agitent le chiffon rouge. «Bien sûr, les droits de succession ne doivent pas être une cause de vente d'entreprises familiales, mais il n'est pas nécessaire, pour autant, de supprimer cette taxe», estime Janin Audas, d'Ethic. Le mouvement patronal préconise plutôt «d'échelonner leur paiement sur plusieurs mois». Ce qui donnerait aux héritiers d'entreprises familiales du temps pour se retourner.
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ZOOM
François Bayrou opte pour la simplicité
Comme Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, le président de l'UDF a investi le terrain fiscal. Durant la campagne présidentielle, François Bayrou a répété vouloir simplifier la fiscalité, trop encombrée de niches et d'exonérations en tous genres. Dans cette perspective, il propose d'harmoniser l'impôt sur les sociétés à l'échelle européenne. En outre, le candidat de l'UDF souhaite réformer l'impôt sur la fortune, précisant que «l'ISF, tel qu'il est conçu, fait beaucoup de dégâts». Ce qu'il souhaite? Elargir l'assiette de l'ISF, sans aucune niche de défiscalisation, mais en allégeant le taux. Il préconise également de créer un nouvel impôt «carbone» afin de pénaliser les entreprises les plus polluantes. Son idée: transférer une partie des charges sociales sur cet impôt qui taxerait les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon...).
BLOC-NOTES
> CE QUE PROPOSENT LES AUTRES CANDIDATS...
A l'extrême gauche, on ne dit mot de la fiscalité des entreprises. Chez les Verts, Dominique Voynet propose une exonération fiscale pour les entreprises qui investissent dans les énergies renouvelables. Du côté de l'extrême droite, le candidat Jean-Marie Le Pen prend position sur le terrain des entreprises. Il souhaite alléger la fiscalité des petites entreprises en proposant trois seuils dis, à 10, 15 et 20%.