FEMMES, MERES... ET CHEFS D'ENTREPRISE
A peine plus de 30 % des dirigeants de TPE-PME françaises sont des femmes, un chiffre qui a peu évolué depuis trente ans. Etre une femme dirigeante relève encore de l'atypisme, parfois même du parcours du combattant. La faute à la persistance des préjugés.
Je m'abonneElever trois enfants, s'occuper de ses parents âgés, suivre les dépenses du foyer, se lever tous les jours la première... et manager quotidiennement plusieurs dizaines de personnes. Le rôle d'une femme chef d'entreprise relève de l'hyperactivité! S'il est devenu assez courant de voir, en couverture des magazines, des portraits de dirigeantes parvenues à se hisser avec brio jusqu'au sommet de grands groupes, il convient de ne pas occulter une tout autre réalité économique: selon les chiffres publiés en 2007 par l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) sur?«l'entrepreneuriat féminin», seules 31 % des TPE-PME françaises sont dirigées par des femmes. Ces chiffres cachent une autre disparité: une majorité de ces structures est constituée d'entreprises unipersonnelles ou de TPE. Environ 15 % des dirigeantes sont à la tête d'entreprises de 25 à 200 salariés, alors qu'elles sont 34 % à gérer des sociétés dont l'effectif est compris entre une et cinq personnes. Par ailleurs, ces micro-entreprises se concentrent dans des secteurs d'activité dits «féminins» (aide à la personne, tourisme, communication...). Pourquoi? A cause du poids des stéréotypes! Diriger se révèle encore plus périlleux quand il s'agit de reprendre des activités dans des secteurs typiquement masculins (industrie, technologies, bâtiment... ) . Là plus qu'ailleurs, il n'est pas facile pour ces femmes de s'affirmer en tant que dirigeantes. Leurs compétences sont souvent remises en cause par le personnel, voire par les clients et les fournisseurs. Alors comment asseoir leur crédibilité? Si le diplôme constitue leur meilleur atout, elles doivent avant tout se battre, faire leurs preuves au quotidien et ne rien laisser transparaître de leur sensibilité.
Des clichés bien ancrés. Selon l'enquête de l'APCE sur «l'entrepreneuriat féminin», 70 % des femmes chefs d'entreprise interrogées avouent qu'il leur est particulièrement difficile de concilier vie professionnelle et vie personnelle. Pourtant, s'épanouir à la fois dans son rôle de dirigeante et celui de mère reste possible. Aliette Trocheris est fondatrice de Coach and co, une société d'accompagnement professionnel. Elle dirige huit personnes et est à la tête d'un réseau de cinq franchises. Mais elle est aussi la maman de cinq enfants. « Pour moi, il n'était pas question de négliger ma vie de famille, assure-t-elle. J'ai donc construit ma vie d'entrepreneure en fonction des impératifs de mes proches. Ne travailler que de 9 h à 16 h 30 pour être présente à la sortie de l'école est un choix personnel. » Evidemment, Aliette Trocheris reconnaît que la croissance de son entreprise a été moins rapide que ce qu'elle aurait pu être. Entre la création de Coach and co et l'ouverture de la première franchise, huit années se sont écoulées. Mais la dirigeante sait aussi qu'elle a bénéficié de l'aide précieuse d'une alliée de choix: son assistante, qui connaît toutes les ficelles du métier et peut la suppléer lors des vacances scolaires ou en cas de maladie des enfants. Car, dans ce domaine, les entrepreneures ont des contraintes semblables à celles des autres femmes. Autrement dit, elles sont peu avantagées par la répartition traditionnelle des rôles homme/ femme au sein du foyer. Une étude publiée en 2009 par la Caisse nationale d'allocations familiales confirme que les pères consacrent trois fois moins de temps que les mères à leurs enfants (30 minutes par jour pour les premiers contre 1 h 30 pour les secondes).
ALIETTE TROCHERIS, fondatrice de coach and co
«Maman de cinq enfants, j'ai construit ma vie d'entrepreneure en fonction des impératifs de mes proches.»
MAISON GIRAUDET: repères
- ACTIVITE: Fabrication de plats préparés
- VILLE: Bourg-en-Bresse (Ain)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANTE: Marie-Laure Reynaud, 47 ans
- ANNE DE CREATION: 1910
- EFFECTIF: 55 salariés
- CA 2009: 11 MEuros
Mais les femmes ne seraient-elles pas aussi victimes de barrières mentales dont elles ne sont pas toujours conscientes? Peur de pénaliser leur vie de famille, crainte de l'échec ou recherche de perfection du projet, manque d'ambition... Annie Batlle est coauteur du Bal des dirigeantes (éditions Eyrolles). Selon elle, « les poncifs sont bien ancrés dans la tête des hommes, des banques, des partenaires... mais aussi des femmes ». La faute au conditionnement des filles dès la petite l'enfance.
sensibiliser à l'entrepreneuriat.
Tout dépendrait-il donc de l'éducation? En 2008, le cinquième rapport de la Commission européenne sur l'égalité entre les femmes et les hommes souligne que «les stéréotypes contribuent à la persistance des inégalités, en influant sur les choix des filières d'éducation, de formation ou d'emploi, sur la participation aux tâches domestiques et familiales et sur la représentation aux postes décisionnels». L'instance insiste sur la nécessité de lutter, dès le plus jeune âge, contre les représentations stéréotypées. Annie Batlle approuve cette idée: « Dans notre société informatisée et grâce aux nouvelles technologies, le culte de l'avantage physique a fait long feu. Les jeunes filles se battent dès le lycée pour être à égalité avec leurs camarades masculins. » Elles font même mieux. Aujourd'hui, 68 % des filles ont leur bac, contre 54 % des garçons. Pour lutter contre les préjugés, il convient donc d'agir en amont et de veiller à une diversification suffisante des choix d'orientation dans l'enseignement supérieur. Les savoirs restent en effet très sexués: la science aux garçons, les lettres aux filles. Compte tenu du fort taux de féminisation des filières universitaires (56 % des étudiants sont des filles), le développement d'actions de sensibilisation et de formation à l'entrepreneuriat au sein des universités est susceptible de stimuler l'envie d'entreprendre des jeunes femmes. Un exemple? En 2004, Claudie Haigneré, alors ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles technologies, propose la création, sur les campus, de «maisons de l'entrepreneuriat». Localisées au sein des universités et fonctionnant en partenariat entre les différents établissements supérieurs d'une même région, elles ont pour objectif de rapprocher étudiants, enseignants, chercheurs et chefs d'entreprise. La ministre avait en effet constaté que 10 % seulement des PME étaient en contact avec une université en France, contre 35 % en Europe et 55 % aux Etats-Unis. Aujourd'hui, sept maisons de l'entrepreneuriat ont vu le jour. Mais pour Marie-Christine Oghly, présidente de l'association Femmes Chefs d'entreprise et du Medef Ile-de-France, il faut aller encore plus loin en valorisant concrètement l'image de la femme entrepreneure. « Les stéréotypes peuvent être abolis grâce au lobbying », explique-t-elle. Comment? En favorisant la diffusion, à travers la presse, de témoignages de parcours diversifiés de femmes chefs d'entreprise. « Il faut montrer aux femmes qu'il est possible d'évoluer dans les plus hautes fonctions et leur donner l'envie de se battre pour ces postes », ajoute Marie-Christine Oghly. En effet, l'isolement, le manque de modèles, le déficit d'information, de formation, d'accompagnement et de soutien sont autant de freins au développement de l'entrepreneuriat féminin.
EN CHIFFRES
soutenir et accompagner. Pour Aliette Trocheris (Coach and co), « la solitude des femmes chefs d'entreprise est une réalité. La famille, les amis ne sont pas en mesure de répondre aux questions que nous nous posons quant à nos choix, nos décisions d'entrepreneur ». Les femmes qui ont envie de créer leur entreprise se heurtent souvent au phénomène de dispersion des informations. Où effectuer ses démarches administratives? Comment? Quelles sont les aides financières possibles? D'où le rôle essentiel des réseaux. Même si la participation des femmes à ce type de structures reste très inférieure à celle des hommes, une évolution se dessine. En témoigne la création au cours de ces dernières années d'un grand nombre de réseaux féminins: France Pionnières, Réseau Entrepreneurielles, Mompreneurs, Fame, Dirigeantes, Action'elles, Force Femmes, Femmes Chefs d'entreprise... En se regroupant, les dirigeantes peuvent échanger, s'épauler et ainsi s'imposer plus facilement dans un univers masculin, grâce à un capital confiance renforcé.
Souvent perçues comme de grandes «frileuses», les femmes sont, en effet, moins enclines au risque. Agnès Fourcade dirige le réseau Femmes Business Angels. Chaque jour, elle côtoie des femmes à la fois dirigeantes et investisseuses. Et elle affirme que leur rapport à l'argent est différent de celui de leurs homologues masculins. « Le jeu spéculatif attire moins les femmes. Pourtant, créer ou diriger une entreprise suppose de savoir prendre des risques. » Les femmes vont donc préférer la prudence, quitte à être moins ambitieuses. Réserve vis-à-vis de l'endettement, souci de préserver la sécurité de la famille, manque de maîtrise des outils financiers et d'aisance dans la négociation avec les banquiers: les femmes chefs d'entreprise se restreignent elles-mêmes dans leur recours à l'emprunt. Sur ce sujet, la France n'abonde pas en initiatives. Au Canada, par exemple, deux grandes banques proposent des financements spécifiques pour l'entrepreneuriat féminin. L'une d'entre elles a même créé une section entièrement dédiée aux femmes, offrant informations, aide au montage des dossiers et suivi de l'entreprise. En France, les femmes chefs d'entreprise peuvent toutefois bénéficier d'une caution bancaire spécifique grâce au Fonds de garantie à l'initiative des femmes (FGIF). Lancé en 1989 par le secrétariat d'Etat chargé des Droits de la femme, ce dispositif permet à toutes les femmes juridiquement responsables de leur entreprise de ne pas engager leur patrimoine personnel. Il représente également un gage de sécurité pour les banquiers. D'une part, ces derniers peuvent récupérer leurs fonds en cas d'échec, d'autre part, ils se trouvent rassurés face à leur interlocutrice, trop souvent victime de discrimination dans les procédures de financement.
ANNICK BERRIER, fondatrice et directrice générale de soflacobat
SOFLACOBAT: repères
- ACTIVITE: Bâtiment
- VILLE: Caëstre (Nord)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANTE: Annick Berrier, 59 ans
- ANNEE DE CRÉATION: 1981
- EFFECTIF: 52 salariés
- CA 2009: 10 MEuros
Là encore, au vu des expériences partagées dans les réseaux féminins, les créatrices ne peuvent que constater combien les a priori freinent l'accès aux financements: les femmes ne veulent pas diriger des entreprises à forte croissance, elles créent des entreprises uniquement pour transformer un hobby en métier, elles visent les secteurs d'activité peu rémunérateurs, elles n'ont pas les épaules assez larges pour manager plusieurs dizaines de salariés, elles manquent de compétences ou d'expérience... Autant de lieux communs qui ne facilitent pas leur démarche et expliquent sans doute leur place dans l'économie: la plupart des entrepreneures restent dans des structures de petite taille et à la portée financière restreinte. Ainsi, le capital de démarrage des entreprises dirigées par des femmes est souvent inférieur à celui de leurs homologues masculins... L'APCE affirme en effet que 43 % des créatrices démarrent leur activité avec moins de 4 000 euros, contre 35 % des créateurs. Les qualités qui sont associées au management d'une entreprise (audace, goût du risque, aptitude à conduire une équipe, innovation) sont, aujourd'hui encore, assorties d'une connotation masculine. Pourtant, les femmes sont tout aussi aptes à diriger des entreprises.
Pour Annie Batlle, « les femmes dirigeantes disposent d'un avantage compétitif culturel dont elles auraient tort de se priver ». L'auteur met en avant la pensée collective qui a forgé la personnalité des femmes: l'habitude du compromis, celle de multiplier les tâches, la nécessité de se battre pour s'imposer et l'intérêt qu'elles portent au bien-être de leur entourage. Autant de dispositions naturelles qui les incitent à être proches de leurs équipes, à leur donner de l'autonomie, à faciliter le droit à la contradiction, à faire circuler l'information, à être claires sur ce qu'on attend d'elles et sur les difficultés éventuelles. Pour des raisons de temps, elles délèguent aussi plus facilement. « Il y a un vrai pragmatisme chez les femmes, assure Aliette Trocheris (Coach and Co), un réel sens du concret, une capacité à faire plusieurs choses en même temps, qui leur permet d'agir à la fois sur le plan commercial, sur celui de la gestion, de la communication... et de conduire leur vie personnelle. » L'entrepreneuriat féminin se développe et, avec lui, se brise le moule du dirigeant classique. Les femmes dirigeantes ne sont ni meilleures ni moins performantes que leurs homologues masculins. Elles sont simplement différentes.
MARIE-LAURE REYNAUD, p-dg de la Maison Giraudet
TEMOIGNAGE: D'un handicap, j'ai fait une force!
Etre une femme dirigeante? Pour Marie-Laure Reynaud, à la tête de l'entreprise de quenelles Giraudet, il s'agit d'un profil atypique qu'il faut savoir mettre en avant. «Je bénéficie parfois d'une plus grande écoute de mes clients, car ils savent que j'ai dû faire preuve d'opiniâtreté pour arriver là où je suis aujourd'hui. »
Quand elle rachète l'entreprise en 1997 au groupe Teisseire, son but est double: «Remettre sur pied la locomotive qui avait déraillé et revaloriser le savoir-faire de cette entreprise.» Celle-ci traverse en effet une grave crise financière. Marie-Laure Reynaud revoit alors la gamme de produits et développe des activités annexes, comme les restaurants de quenelles à Paris et à Lyon. Elle insuffle un coup de jeune à l'entreprise. «Ma féminité? J'en ai fait une force!», affirme-t-elle. De même, s'il lui arrive d'être moins présente dans l'entreprise pour s'occuper de ses trois enfants, elle cherche à en tirer un bénéfice. «J'essaie d'amener des idées inédites pour mon entreprise, comme des saveurs nouvelles piochées lors des voyages avec mes proches. »
Née d'une famille d'entrepreneurs, MarieLaure Reynaud n'a pas peur de l'échec. Aventurière dans l'âme, elle a participé plusieurs fois au Rallye des Gazelles, une course d'orientation dans le désert. De même, elle a couru, en début d'année, au Dakar 2010. Ce rallye ne compte qu'une petite dizaine de femmes par édition...
TROIS QUESTIONS A...
« il faut mettre en place, dans le cursus de formation des dirigeants, des modules consacrés à l'égalité des sexes »
Geneviève Bel, vice-présidente de la CGPME, fondatrice au sein de la CGPME du club Entrepreneuriat au féminin, membre du Conseil économique social et environnemental (rapporteur de la communication «L'entrepreneuriat au féminin» en octobre 2009)
- Pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées à la tête des pme?
Les femmes constituent 47 % de la population active mais occupent une place encore marginale dans notre économie: elles représentent 30 % des créateurs d'entreprises et 27 % des dirigeants de PME/ TPE et ce taux ne progresse guère depuis dix ans. il existe des freins au développement de l'entrepreneuriat au féminin. Les uns proviennent de l'environnement socioculturel (poids des préjugés générateurs d'autocensure, filières de formation initiale, déficit de modèles, sempiternelle question de l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale). D'autres proviennent de l'environnement économique (frilosité du secteur bancaire comportement parfois trop prudent des créatrices face à l'emprunt et réserve à l'égard d'une stratégie de croissance).
Quels sont les outils susceptibles de promouvoir l'esprit d'entreprise des femmes?
Il faut mettre en place dans le cursus de formation des enseignants des modules consacrés à l'égalité des sexes. il faut aussi exiger l'élimination des représentations sexuées stigmatisantes au fur et à mesure de l'édition des manuels scolaires. Les subventions allouées par les collectivités territoriales pour le financement de ces ouvrages devraient être conditionnées à cette éradication. il faut également favoriser la diversification des cursus. Plusieurs mesures doivent être conjuguées pour encourager les jeunes filles à s'orienter dans des filières industrielles, scientifiques et techniques porteuses d'emplois dont elles se détournent encore largement, alors que leur réussite scolaire autorise tous les choix. Des initiatives développées dans les établissements scolaires par les associations telles que «100000 entrepreneurs» ou «Entreprendre pour apprendre» stimulent le goût d'entreprendre des jeunes. La promotion de l'entrepreneuriat passe également par le développement des junior-Entreprises dans les universités.
Comment valoriser l'image de la femme entrepreneure?
Pour faire avancer cette cause, la CGPME a proposé à ses structures départementales de créer d'un groupe de travail «entrepreneuriat au féminin». Les femmes seront accueillies dans un réseau de proximité résolument tourné vers leurs préoccupations et leurs besoins opérationnels (soutien pour la création, la reprise ou le développement, échanges sur les expériences de chacune...). D'ores et déjà, 18 départements ont créé leur club, 38 départements sont en train d'en créer un.
Parmi les clubs déjà mis en place, des actions spécifiques sont à l'étude: favoriser la création d'entreprises par les femmes dans les quartiers en difficulté (Val d'Oise), créer son entreprise (Yvelines), encourager les candidates à la reprise d'entreprise, consolider les entreprises existantes, promouvoir les réseaux et les actions de marrainage (Maine et Loire). Bien d'autres sujets sont en préparation. L'objectif de la CGPME est de soutenir l'entrepreneuriat au féminin pour permettre aux femmes d'exprimer tout leur talent dans la gestion, la création et la reprise d'entreprise. Elles pourront ainsi contribuer au développement économique du pays. Mais attention, il ne s'agit pas d'exclure les hommes ; ce n'est pas le but de ces actions. La dynamique du club est de partager l'esprit d'entreprendre, de favoriser les échanges et de créer un réseau entre ses membres.
TROIS QUESTIONS A...
« Les réseaux permettent aux dirigeantes de mieux s'épauler entre elles »
Marie-Christine Oghly, présidente de l'association Femmes chefs d'entreprise (FCE) et du Medef Ile-de-France
- Quelle est la mission d'un réseau comme FCE?
Son but est de promouvoir les femmes chefs d'entreprise dans la vie économique. Aujourd'hui, il est important de faciliter l'accès des femmes aux postes les plus hauts dans l'entreprise, mais aussi dans les tribunaux de commerce, les chambres de commerce, le Medef, la CGPME... Ces mandats bénéficient d'une bonne visibilité. Les femmes qui y accèdent servent alors de modèles à toutes celles qui veulent diriger.
- Multiplier les contacts est-il encore plus essentiel pour les femmes dirigeantes?
Notre réseau compte désormais 2 000 membres, répartis sur 40 délégations à travers la France. Dans chacune d'entre elles, nous organisons des réunions mensuelles pour informer les adhérentes et, surtout, «faire du réseau». C'est l'occasion pour nos membres de tisser des liens professionnels, voire amicaux. Les associations comme la nôtre permettent aux dirigeantes de mieux s'entraider. Bien sûr, elles peuvent tout à fait rejoindre des réseaux plus «masculins», mais il y est moins facile pour elles de poser des questions. Les barrières tombent plus aisément entre consoeurs. Les femmes dirigeantes ont encore trop peur d'être jugées par les hommes.
- Comment remédier aux stéréotypes?
Grâce au lobbying d'une part, et en communiquant sur les parcours d'entrepreneures qui ont réussi, d'autre part. il faut donner l'envie aux femmes de se battre pour ces postes.
Pour encourager les femmes à créer ou à reprendre des entreprises, nous avons développé en parallèle le «centre de ressources pour l'entrepreneuriat féminin». C'est un accompagnement des futures dirigeantes qui s'étale sur trois ans, avec ouverture de notre carnet d'adresses, étude de leur dossier et suivi particulier si elles doivent présenter leur dossier auprès des banques, par exemple. Plus notre engagement sera reconnu, plus nous serons sollicitées. Davantage de femmes oseront alors franchir le cap de l'entrepreneuriat.
TEMOIGNAGE: Il faut parfois faire abstraction de sa féminité
«Les femmes ne sont pas faites pour commander et avoir des responsabilités.» «Ce genre de phrase, je l'entends encore souvent sur les chantiers.» Annick Berrier est à la tête de Soflacobat, une PME spécialisée dans le bâtiment et le gros oeuvre. un univers, donc, 100 % masculin. Diplômée en génie civil, Annick Berrier a créé cette entreprise en 1981, «pour acquérir pouvoir et autonomie». Près de trente ans plus tard, elle doit toujours faire ses preuves. «Une femme dirigeante ne peut s'affirmer qu'à travers ses compétences. Si j'ai réussi à me faire respecter au sein de mon entreprise, il faut encore que je compte sur les préjugés de mes intervenants, comme par exemple les architectes. » La dirigeante regrette qu'on reproche encore aux femmes d'être moins disponibles ou d'être influencées par leur vie familiale. La solution contre les préjugés selon elle? une formation adéquate, des compétences reconnues et une grande détermination.
Quitte, même, à penser comme un homme. Annick Berrier avoue laisser au placard jupes et talons hauts. «L'apparence compte. Il faut se fondre dans le moule pour ne pas apparaître comme une midinette.» un constat qui en dit long sur le travail à mener pour faire évoluer les mentalités.