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EXIL FISCAL: le jeu en vaut-il la chandelle?

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Fuir son pays pour échapper à l'impôt sur la fortune? La tentation est forte. Si certains dirigeants sautent le pas, cette décision peut être difficile à assumer. S'adapter à un nouveau pays et à d'autres règles pour gagner quelques milliers d'euros, est-ce judicieux? Témoignages.

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Après avoir créé et dirigé Business Objects, aujourd'hui premier éditeur européen de logiciel coté au Nasdaq, Denis Payre a plié bagage pour la Belgique. En effet, quand, en 1997, cet entrepreneur à succès décide de lâcher les rênes de son entreprise pour «prendre du champ et s'occuper un peu plus de sa famille», il est attendu par le fisc. «Comme je quittais mes fonctions opérationnelles, mon capital cessait d'être considéré comme un outil de travail», explique-t-il. Denis Payre doit donc payer l'ISF sur les 12 % de Business Objets qu'il détient. Montant de la facture: 300 000 euros par an, soit trois fois plus que ses revenus. «La situation était aberrante. J'ai dû me résigner à quitter mon pays pour échapper à la fiscalité française», raconte-t-il, encore amer.

Fuir son propre pays pour échapper au fisc: le cas est extrême. C'est pourtant l'option choisie par de nombreux particuliers fortunés, choisissant Bruxelles, Londres ou Dublin pour économiser des centaines de milliers d'euros. D'après les statistiques de la Direction générale des impôts, deux millions de Français vivent à l'étranger et, chaque année, on recense 25 000 nouveaux départs de France. Tous ne partent pas sous des cieux fiscaux plus cléments. Mais l'envie de s'exiler pour des raisons fiscales n'est pas rare. «Cette préoccupation concerne un dirigeant sur trois», reconnaît Stéphane Chenderof, dirigeant du cabinet de gestion de patrimoine Cyrus Conseil. L'expert en sait quelque chose: il est sollicité, chaque mois, par une demi-douzaine de dirigeants en quête de «niches fiscales». Leur profil? Des chefs d'entreprise envisageant de céder leur société. Pour peu que leur patrimoine dépasse 720 000 euros, ils devront, chaque année, au fisc français, de 0,55 % à 1,8 % de leur fortune. Dissuasif, et pas seulement pour les plus riches. «Les dirigeants songent à changer de résidence fiscale dès que leur patrimoine atteint 3 millions d'euros», ajoute Stéphane Chenderof. Mais il n'y a pas que l'ISF qui fasse fuir les dirigeants. Au moment de céder leur entreprise, ils peuvent se faire ponctionner 27% de la plus-value. De quoi grincer des dents.

Attention, le fisc veille au grain. Or, s'échapper à Bruxelles, Londres ou Dublin semble d'une simplicité enfantine. «Il suffit d'anticiper ce départ en établissant sa résidence fiscale à l'étranger, six mois avant de passer la main», explique l'expert de Cyrus Conseil. Autrement dit, de louer ou d'acquérir un bien dans un «paradis fiscal» et d'y ouvrir un compte bancaire. Mais attention: le fisc fait la chasse aux exilés qui outrepasseraient les règles légales. La plus grande vigilance est de mise. Premier critère: résider sur place 183 jours par an. «Faute de quoi vous vous verrez réintégrer l'ensemble de vos revenus sous le régime national», prévient Grégoire Duhamel, auteur du livre Les paradis fiscaux (voir notre encadré page 82). Sachez, en outre, que certains pays d'accueil exigent une présence effective d'au moins six mois par an. C'est le cas de la Suisse, entre autres. Il faut savoir, par ailleurs, que, pendant quatre ans, le fisc peut décider de retransférer la résidence fiscale d'un Français, et ce de manière discrétionnaire. C'est pourquoi il n'est pas question, pour ces «capitalistes exilés», déjouer les business angels en investissant, depuis l'étranger, dans déjeunes sociétés françaises. «Si un ressortissant français investit la majorité de ses liquidités dans l'Hexagone, l'administration fiscale considérera qu'il est encore résident français», prévient Maître Christian Nouel, avocat fiscaliste au cabinet Latham & Watkins. «Pour peu qu'une personne vivant hors de France possède plusieurs biens dans l'Hexagone, le fisc peut décréter que des éléments concordants conduisent à réaffecter l'ensemble de ses revenus au droit fiscal français», souligne Grégoire Duhamel. Bien sûr, vous pouvez, en toute légalité, conserver des biens immobiliers en France, mais vous n'êtes pas censé y habiter plus de six mois par an. Des notes EDF, d'eau ou de téléphone, étalées sur l'année, pourraient constituer autant de preuves pour l'administration fiscale.

En outre, s'évader vers d'autres contrées n'est pas forcément une stratégie gagnante pour qui veut démarrer une nouvelle activité. Ailleurs, en Europe, le niveau de l'impôt sur les sociétés est équivalent, mais il faut, en plus, s'adapter à des systèmes administratifs plus contraignants. Quand Denis Payre débarque à Bruxelles en 1997, l'entrepreneur envisage de créer une nouvelle entreprise. Mais, contrairement à d'autres, l'homme est loin d'être un inconnu. «J'avais fondé Business Objects, qui était un leader mondial dans son domaine, et donc connue aussi en Belgique», sourit-il. Au moment où il crée Kiala, à Bruxelles, au début des années 2000, Denis Payre profite du réseau européen qu'il a su se construire au fil des ans. Tous n'ont pas cette chance. «Il est difficile, pour un entrepreneur, de lancer une activité à l'étranger s'il ne dispose d'aucun réseau sur place», avoue-t-il. Il a pu faire de même avec l'antenne européenne de Croissance Plus (association, créée en 1997, qui fédère des entreprises à forte croissance), qu'il a aussi fondée à Bruxelles. Aujourd'hui, on peut dire que l'entrepreneur français a «fait son trou«. Sa société de services logistiques pour la vente à distance Kiala compte ainsi 80 salariés et réalise une croissance annuelle de son chiffre d'affaires de 145 % par an depuis sa création. Pourtant, Denis Payre ne peut s'empêcher de garder un lien fort avec sa patrie d'origine. «Un tiers de notre clientèle est en France», avoue-t-il, lui qui ne manquerait pour rien au monde ses visites de clientèle à Paris deux fois par mois.

Un sacrifice personnel. Alors, le jeu en vaut-il la chandelle? Aux dires des experts, l'aspect financier n'est jamais la seule motivation des dirigeants qui plient bagage. «La décision de quitter son pays, où l'on a su construire un réseau d'amis et de relations professionnelles, est vécue comme un sacrifice, que beaucoup de dirigeants refusent. Ceux qui franchissent le pas ont aussi envie de tourner la page d'une activité professionnelle, de tout quitter», affirme Maître Christian Nouel. C'est ce «sacrifice» personnel qui a conduit Lotfi Belhassine à attendre plusieurs années avant de s'installer en Belgique. Pourtant, le fondateur et ancien patron d'Air Liberté et d'Aquarius, était lourdement taxé depuis qu'il avait revendu ses entreprises, en 1991. «Mavie était en France, mes enfants y faisaient leurs études, j'y avais la plupart de mes contacts professionnels. J'espérais qu'une réforme de l'ISF verrait le jour», confie-t-il. Lassé de se faire ponctionner l'essentiel de ses revenus, il quitte la France en 1997, en désespoir de cause. «J'ai choisi une ville francophone, proche de la France, pour que ce déplacement ne soit pas traumatisant pour ma famille», raconte l'entrepreneur. Mais il ne le regrette pas: il a lancé une chaîne de télévision, Liberty TV, dans son pays d'accueil, et se sent aujourd'hui Belge de coeur.

A LIRE

- TOUT SAVOIR SUR LES PARADIS FISCAUX
Vous envisagez de vous exiler en Suisse, à Londres ou aux Bahamas? Au fil de ses 650 pages, le livre de Grégoire Duhamel vous prévient des dangers et donne des clés à ceux qui pensent s'évader vers des cieux fiscaux plus cléments. Les paradis fiscaux présentent aussi une fiche détaillée, d'une trentaine de pays, qui ont la réputation de «paradis fiscaux», avec accès, formalités, taxes.
Les paradis fiscaux, de Grégoire Duhamel, Editions Grancher, 2006, 668 pages, 43 euros.

ASTUCES
Quatre manières d'alléger sa note fiscale

Nul besoin de s'expatrier pour réduire le montant de sa feuille d'impôts. Vous pouvez profiter des exonérations fiscales mises en place par les gouvernements successifs.


1
Préparer son départ à la retraite
Profiter d'une réduction de la taxe sur les plus- values. Depuis la loi Breton du 26 juillet 2005, les dirigeants qui partent à la retraite bénéficient d'un impôt sur les plus-values de 11%, et non de 27%, comme auparavant.


2
Bloquer ses liquidités
Il est possible de créer un holding, soumise a l'impôt sur les sociétés, et d'y transférer des liquidités. Celles-ci pourront être déduites du montant soumis à l'ISF.


3
Préparer sa Transmission
Faire des donations a ses héritiers, de son vivant, permet de profiter d'un a battement fiscal de 50 000 euros (par enfant) tous les dix ans.


4
Bénéficier du bouclier fiscal
Depuis janvier2007, les impôts (impôt sur la fortune, sur les revenus, taxe foncière) ne peuvent plus représenter plus de 60% des revenus d'un contribuable. Sinon, l'administration fiscale s'engage à rembourser la différence.

 
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Stéphanie Fontana-Bérard

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