Dirigeants, sachez PROTEGER votre RESIDENCE PRINCIPALE
Etre chef d'entreprise, c'est, parfois, accepter de répondre, sur son patrimoine privé, des dettes de l'entreprise. Pour protéger vos biens, et notamment votre résidence principale, il existe des leviers touchant au choix de votre régime matrimonial ou à la structure juridique de votre affaire.
Je m'abonne1 CHOISISSEZ UN REGIME MATRIMONIAL
Parmi les régimes matrimoniaux existants, certains sont plus conseillés que d'autres aux chefs d'entreprise. La communauté légale, la communauté universelle et la séparation de biens avec société d'acquêts sont à éviter. En effet, les biens communs du couple - c'est-à-dire la totalité des biens (hors biens propres) pour les deux premiers régimes et les biens inclus dans la société d'acquêts pour le troisième - sont susceptibles d'être appréhendés par les créanciers professionnels. La faillite de l'entreprise peut, alors, entraîner la ruine du couple. Il est donc préférable, quand on exerce une profession dite «à risque», d'opter pour le régime de la séparation de biens pure et simple ou pour celui de la participation aux acquêts, qui fonctionne comme une séparation de biens pendant la durée de vie commune. Dans ces deux cas, les biens appartenant au conjoint seront insaisissables par les créanciers professionnels.
2 CONSTITUEZ, SI POSSIBLE, UNE SOCIETE COMMERCIALE
La constitution d'une société commerciale (EURL, SARL, SA ou SAS), si elle peut vous sembler lourde, est une protection en cas de difficultés financières de l'entreprise. De fait, la société constitue une entité juridique autonome dont le patrimoine est distinct de celui de ses associés.
Ainsi, à l'exception de la Société en nom collectif (SNC), dans laquelle chaque associé est solidairement et indéfiniment responsable avec la société, le risque pour l'associé est, en principe, limite a ses apports. Cette responsabilité limitée le protège, ainsi que sa famille, des éventuelles difficultés de la société. A contrario, l'entrepreneur qui exerce son activité à titre individuel, en étant personnellement immatriculé au Registre du commerce et des sociétés (pour les commerçants) ou au Répertoire des métiers (pour les artisans), s'expose à un risque maximum. Sur le plan juridique, en effet, l'entreprise individuelle n'a pas de personne morale. Elle ne possède donc pas de patrimoine distinct de celui de l'entrepreneur: on parle de confusion de patrimoines. Conséquence: l'entrepreneur individuel est indéfiniment responsable des dettes de l'entreprise sur la totalité de son patrimoine personnel.
3 ENTREPRENEURS INDIVIDUELS, SOYEZ VIGILANTS
Malgré ses dangers, vous avez choisi le statut d'entrepreneur individuel? Depuis la loi «pour l'initiative économique», dite loi Dutreil, entrée en vigueur 2003, vous pouvez protéger votre résidence principale en la faisant déclarer insaisissable par les créanciers de votre entreprise. Mais pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, il vous faudra respecter certaines conditions. En premier lieu, la déclaration d'insaisissabilité devra être effectuée, devant notaire, par une personne physique soit immatriculée au Registre du commerce et des sociétés ou au Répertoire des métiers, soit exerçant une activité professionnelle agricole ou libérale. En second lieu, cette déclaration fera l'objet de deux publications: l'une au bureau des hypothèques, l'autre au registre légal sur lequel est immatriculé l'entrepreneur. En l'absence d'immatriculation obligatoire, la déclaration d'insaisissabilité sera publiée dans un journal d'annonces légales. De plus, il faut savoir que la protection de votre résidence principale comporte des limites. En effet, la déclaration d'insaisissabilité ne produit ses effets qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication, et des dettes nées à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant.
Autrement dit, votre résidence principale n'est pas protégée des dettes professionnelles que vous avez contractées avant la déclaration d'insaisissabilité, pas plus qu'elle n'est à l'abri de vos dettes personnelles. Sachez, enfin, que si vous vendez votre résidence principale, sa protection ne prend pas fin: le produit de la vente demeurera insaisissable à condition que vous utilisiez cette somme dans un délai d'un an pour acquérir une nouvelle résidence principale. Les droits sur votre nouvelle demeure deviendront, à leur tour, insaisissables à hauteur des sommes réemployées, à condition que l'acte d'acquisition de votre nouvelle résidence contienne une déclaration expresse de réemploi des fonds. En revanche, l'insaisissabilité de la résidence principale prend fin en cas de décès du déclarant, de révocation de sa déclaration par le déclarant ou de dissolution du régime matrimonial lorsque le bien est attribué au conjoint du déclarant.
Maître Anne Faraut est avocat en droit fiscal, à Paris. Elle est partenaire du cabinet Avens. www.avens.fr
4 CAUTIONS PERSONNELLES, HYPOTHEQUES: DANGER!
Vous venez de solliciter un prêt et la banque exige que vous vous portiez caution à titre personnel ou que vous hypothéquiez votre résidence principale? Prudence! Dans ce cas, l'interposition de l'entreprise entre le dirigeant et les créanciers ne suffit plus à protéger les biens personnels, notamment en cas de dépôt de bilan, de liquidation judiciaire ou même de difficultés économiques passagères. Dans ce cas, la protection qu'offrait la société disparaît purement et simplement.
A SAVOIR
Vous n'êtes plus protégé en cas de fraude
La limitation de la responsabilité de l'associé aux apports se trouve parfois écartée par la loi. Tel est le cas lorsque le dirigeant se rend coupable d'un abus de bien social ou d'une faute grave de gestion portant préjudice aux créanciers lors d'une liquidation judiciaire. Par ailleurs, l'absence de déclaration de TVA ou, plus généralement, toute manoeuvre frauduleuse ou inobservation grave et répétée des obligations fiscales engagera la responsabilité solidaire du dirigeant. Ce genre de cas peut conduire à la saisie de ses biens personnels (y compris de sa résidence principale) si les actifs de l'entreprise ne suffisent pas à dédommager les créanciers.