Deux bouées de sauvetage pour éviter la faillite
Selon une récente étude Altares, les ouvertures de redressements ou de liquidations judiciaires ont crû de 10% en 2008. Or, plusieurs moyens permettent d'éviter le dépôt de bilan. Deux sont à retenir: le mandat ad hoc et la procédure de conciliation.
Je m'abonne1 Le mandat ad hoc, pour les PME qui ne sont pas en cessation des paiements
Le mandat ad hoc a pour objectif d'aider une société à résoudre les difficultés qu'elle rencontre, en confiant un mandat spécial à un tiers. Mais l'entreprise ne doit en aucun cas être en état de cessation des paiements. Elle doit être en mesure de régler ses dettes échues (passif exigible) avec sa trésorerie et ses autres liquidités (actif disponible). La désignation du mandataire ne peut intervenir qu'à la demande du chef d'entreprise ou du représentant de la société (art. L.611-3 du code de commerce). La demande peut être formulée par les commerçants, les artisans, les sociétés commerciales et les sociétés civiles, les membres des professions libérales et les agriculteurs.
Concrètement, le chef d'entreprise (ou son représentant) formule sa demande au moyen d'une requête écrite auprès du président du tribunal (de commerce ou de grande instance) dont l'entreprise dépend. Cette requête précise l'identité de l'entreprise et les raisons qui la motivent. Il s'agit d'exposer, de façon détaillée, les difficultés que traverse l'entreprise.
Il convient ensuite de préciser la mission que l'entreprise souhaite voir confier au mandataire ad hoc: l'assister dans ses négociations afin d'obtenir le rééchelonnement d'une dette, solliciter un nouveau crédit bancaire, obtenir un moratoire pour le paiement d'une somme due aux organismes sociaux, etc. Il peut aussi être sollicité pour rechercher de nouveaux investisseurs ou partenaires.
Il revient alors au président du tribunal de convoquer le chef d'entreprise, ou son représentant, pour recueillir ses observations. En cas de refus de désignation du mandataire ad hoc, l'entreprise peut désormais faire appel de la décision. Lorsque la demande est fondée, le président du tribunal rend une ordonnance qui nomme le mandataire ad hoc et précise sa mission et sa durée (la loi ne fixant pas de limite dans la durée). La personne désignée (souvent un administrateur judiciaire dont le nom peut être proposé par le chef d'entreprise) est nécessairement indépendante de l'entreprise et des personnes avec lesquelles elle doit rechercher un accord. La rémunération du mandataire ad hoc est fixée par le président du tribunal, après accord de l'entreprise, qui en supporte la charge.
Dans la mesure où l'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements, ni dans une situation proche, elle ne bénéficie d'aucune suspension des poursuites: ses créanciers peuvent donc agir contre elle en justice. Toutefois, le mandat ad hoc présente un avantage non négligeable: il est totalement confidentiel. Aucune mesure de publicité n'accompagne la désignation du mandataire ad hoc, pas plus que la conclusion du futur accord. Ni le ministère public, ni les concurrents, clients, ou créanciers non concernés par le mandat ad hoc n'en sont informés.
Par maître François-Xavier Grignon-Derenne, docteur en droit, avocat à la Cour (FXGD Avocats, 40, rue des Mathurins, 75008 Paris)
2 La conciliation, ouverte aux pme en cessation des paiements depuis peu
La conciliation est ouverte non seulement aux entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements, mais encore à celles dont l'état de cessation des paiements est récent (moins de 45 jours). Il s'agit là d'un élément-clé de ce mécanisme, car le dirigeant d'une entreprise en difficulté peut ainsi éviter l'ouverture d'une procédure collective, même si son entreprise est en état de cessation des paiements, à condition que cet état soit récent. La conciliation a pour objet de désigner un conciliateur indépendant dont la mission consiste à rechercher un accord avec les principaux créanciers de l'entreprise en difficulté (art. L.611-4 et suivants du code de commerce). Le choix du conciliateur revient au tribunal (de commerce ou de grande instance). La conciliation, que seul le chef d'entreprise (ou son représentant) peut demander au moyen d'une requête écrite, concerne toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, toute personne morale de droit privé et même toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante.
Le président du tribunal est saisi au moyen d'une requête de l'entreprise, qui expose sa situation économique, sociale et financière, ses besoins de financement et, le cas échéant, les moyens d'y faire face. Tout comme pour le mandat ad hoc, le président du tribunal convoque ensuite le chef d'entreprise ou son représentant afin de recueillir ses observations. Le chef d'entreprise peut également proposer le nom du conciliateur. Ce dernier est très fréquemment un administrateur judiciaire.
A la différence du mandat ad hoc, le ministère public - et lui seul - a la faculté de faire appel de l'ordonnance ouvrant la conciliation. Quant à la durée maximale de la conciliation, elle est, en principe, limitée à quatre mois, avec possibilité de prorogation d'un mois seulement. Par ailleurs, le ministère public est informé de l'ouverture de la conciliation, tout comme le commissaire aux comptes, si l'entreprise est soumise au contrôle de ses comptes.
En outre, pendant le temps de la conciliation, l'entreprise a la possibilité, après avoir recueilli l'avis du conciliateur, de déclencher une procédure spécifique à l'encontre des créanciers qui chercheraient à la poursuivre en vue d'obtenir des mesures avantageuses. En cas de succès, l'entreprise peut ainsi bénéficier de délais de paiement (au maximum deux ans) et même de l'application d'un taux d'intérêts réduit sur les échéances reportées. Dans la mesure où la décision prise par le juge suspend les procédures d'exécution engagées par les créanciers, l'entreprise a donc la possibilité d'obtenir, indirectement, une suspension des poursuites. Depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008, cette possibilité est également offerte aux entreprises ayant reçu une simple mise en demeure.
L'accord de conciliation, une fois conclu entre l'entreprise et ses créanciers, peut être soit constaté, soit homologué en justice. La constatation et l'homologation de l'accord entraînent toute une série de conséquences essentielles.
L'entreprise peut se prévaloir de l'accord constaté ou de l'accord homologué pour obtenir l'exécution d'un engagement pris à son profit. Par exemple, l'entreprise ayant reçu l'assurance d'un financement pourra se fonder sur l'accord constaté pour faire exécuter la promesse conclue. Mais surtout, pendant la durée de l'exécution de l'accord, l'entreprise bénéficie de l'arrêt ou de l'interdiction des actions en justice et des poursuites individuelles des créanciers ayant conclu l'accord en ce qui concerne le paiement des créances. Enfin, l'homologation présente des spécificités qui peuvent justifier un recours plus fréquent à cette option. En effet, bien qu'elle fasse perdre à l'accord toute confidentialité, l'homologation présente deux grands avantages. Elle entraîne, pour l'entreprise, la levée de plein droit de l'interdiction d'émettre des chèques et confère à certains créanciers une priorité de paiement sur les créances nées avant la conciliation.