DEPECHER UN CLIENT MYSTERE DANS SON ENTREPRISE
Evaluer la qualité de l'accueil réservé à vos clients via une campagne de visites ou d'appels mystères permet de repérer les dysfonctionnements. Mais la méthode n'a de sens que si ses résultats sont exploités.
Je m'abonneLe client mystère ne s'avance pas masqué derrière des lunettes noires... Il se comporte en client lambda et visite vos points de vente ou d'accueil pour tester la qualité des services rendus par vos collaborateurs. Parfois, il appelle votre entreprise pour évaluer les performances de votre standard ou de votre service clients. Bref, il se met dans la peau d'un consommateur et évalue la qualité de la prestation en fonction d'une grille mise au point en amont. Comme l'explique Chantai Tryers, présidente de l'Association pour le management de la réclamation client (Amarc), «la visite mystère a pour but de mesurer l'écart entre la qualité promise au client et la qualité réelle du service rendu». Elle vous renseigne aussi sur l'éventuel écart entre la qualité attendue et la qualité perçue. Mais attention, elle n'offre qu'une photographie à un instant «T» et n'a aucune valeur quantitative. Le canal choisi pour l'enquête correspond à celui que les clients de l'entreprise empruntent le plus.
Evaluez votre standard. Rien de tel qu'une vague d'appels pour tester la qualité d'un plateau téléphonique (vente à distance, centre de relation client, service après-vente) ou, tout simplement, de votre standard. Les visites sont déployées pour valider la qualité du service rendu dans un réseau de succursales, de franchises ou de revendeurs, généralement en b to L (vente directe au particulier) . La pratique est très courante dans les secteurs sensibles aux notions d'accueil, d'amabilité, de conseil et de service, comme la distribution, l'hôtellerie, le tourisme...
«Il est plus difficile d'envisager de telles enquêtes en B to B», remarque Damien Desport, directeur général du spécialiste des études TNS Direct. Sur le papier, rien ne s'y oppose. Mais, dans les faits, ce genre d'investigation se heurte à des difficultés techniques, du moins si le faux client va jusqu'au stade ultime de l'acte d'achat: «Dans ce cas, reprend Damien Desport, le client mystère usurpe le numéro de compte d'un vrai client. S'il passe une commande, il faut avoir mis au point des procédures d'annulation infaillibles!» D'une manière générale, il faut que le fichier clients soit suffisamment volumineux pour que la venue du client mystère n'éveille pas de soupçons chez les collaborateurs.
Travaillez en amont. Dans tous les cas, le choix du prestataire est crucial. Celui-ci devra comprendre vos objectifs, s'approprier vos critères d'évaluation et dépêcher sur place un client mystère efficace. Le travail préalable, effectué en commun par le prestataire et l'entreprise, est donc essentiel. En général, les critères d'évaluation émanent d'un tronc commun, établi par secteur d'activité, puis enrichi de quelques éléments caractéristiques de votre approche: votre positionnement «bio», la qualité de vos produits, le rôle de conseil de vos vendeurs... La grille est mise au point avec vous. Ce premier travail d'élaboration du scénario vous coûtera entre 1500 et 3 000 euros HT. Vérifiez, avant de mandater un professionnel, le soin qu'il apporte à la formation de ses intervenants. Sur le marché, deux méthodes cohabitent: certains prestataires préfèrent recruter des vacataires (rémunérés à la mission), d'autres des «clients professionnels».
Les tarifs varient en fonction de la profondeur de l'enquête (nombre de critères à évaluer), du temps passé et du mode de restitution des informations. Par exemple, la visite d'un client mystère dans un établissement de restauration rapide ne prend qu'un quart d'heure, alors qu'il faut une nuit pour auditer une prestation hôtelière. Naturellement, les tarifs sont dégressifs. Ils démarrent autour de 100 euros HT pour une visite et 30 euros HT pour un appel, restitution des informations comprise.
A SAVOIR
- ASSOCIATION
La Mystery Shopping Providers
Association (MSPA) est une association qui garantit l'éthique et la fiabilité de ses adhérents. Sur son site web, vous pouvez entrer en contact avec eux.
www.mysteryshop.org
Un outil de management. Le rythme des campagnes dépend de vos objectifs. «Il est défini au cas par cas et doit être adapté aux besoins de l'entreprise», précise Valérie Husser, directrice de MKG Consulting, cabinet de conseil spécialisé dans le secteur hôtelier. Pour les visites, un rythme semestriel semble suffisant. Pour des campagnes d'appels, Guénaëlle Boch, responsable du développement commercial chez Idefi, spécialiste de la mesure et de l'étude des performances, recommande un rythme trimestriel: «Il faut avoir le temps de mener des actions correctives entre deux vagues. Mais des campagnes trop fréquentes peuvent susciter un climat de méfiance chez les équipes.»
De fait, l'adhésion des collaborateurs ou partenaires est un élément-clé de succès. «La direction doit expliquer la démarche à l'équipe, martèle Pierre Gauthier, gérant de Tourisme et Qualité, conseil en tourisme. La transparence de la démarche et les analyses qui suivent la visite sont de précieux outils de management.» Le risque, si l'on néglige ce travail de pédagogie? Que les salariés craignent de se faire piéger. Pour Pierre Gauthier, «la programmation des visites ne suffit pas. C'est le débriefing qui s'ensuit qui permet de retirer toute la substance de l'enquête.» Demandez à votre prestataire d'organiser le débriefing le plus rapidement possible - certains le programment à chaud, dès le lendemain - et exigez une vraie réunion, pas un simple compte rendu synthétique adressé par e-mail. Car le rôle de votre partenaire est aussi d'exposer ses conclusions et de suggérer des pistes de progrès. C'est ainsi que vous pourrez mettre au point des actions correctives, par exemple un plan de formation. Enfin, veillez à confronter les résultats d'une campagne à l'autre, afin de mesurer les progrès réalisés et, éventuellement, de corriger le tir.
CHANTAL TRYERS, présidente de l'Association pour le management de la réclamation client
La visite mystère mesure l'écart entre la qualité promise au client et la qualité réelle du service rendu.
ISABELLE BOINON, déléguée de l'AFRCAFRC: Association française de la relation client pour la région Aquitaine
AVIS D'EXPERT
Rien ne sert d'enquêter si l'on n'est pas prêt à changer «Pour qu'une enquête mystère soit efficace, il faut bien en définir les objectifs: s'agit-il de corriger les habitudes de la force de vente ou de modifier l'offre commerciale? Le chef d'entreprise doit avoir en tête les zones d'amélioration possibles. L'enquête peut alors confirmer ou infirmer son intuition.» Cette spécialiste de la relation client insiste, en outre, sur l'attitude de la direction, qui doit être prête à modifier en profondeur son organisation si l'enquête en révèle la nécessité: «Cela signifie, précise-t-elle, qu'elle doit être prête à engager des investissements après la campagne de visites ou d'appels mystères, afin de former les salariés ou de réorganiser ses services, par exemple.» Pour Isabelle Boinon, cette crainte des dépassements budgétaires est même l'un des principaux freins des entrepreneurs.
@ (C) BEBOY - KONSTANTINOS KOKKINS - JEROME AUPEIX / FOTOLIA.COM
@ (C) BEBOY - KONSTANTINOS KOKKINS - JEROME AUPEIX / FOTOLIA.COM
@ (C) BEBOY - KONSTANTINOS KOKKINS - JEROME AUPEIX / FOTOLIA.COM
@ (C) BEBOY - KONSTANTINOS KOKKINS - JEROME AUPEIX / FOTOLIA.COM
CONSEILS
Bien exploiter les résultats, le facteur-clé du succès
1 RECUPEREZ LES DONNEES
Le prestataire doit vous délivrer un rapport écrit détaillé qui compile les résultats des grilles remplies par le client mystère. Ce document contient un état des lieux et des prescriptions.
2 COMMUNIQUEZ AVEC VOS EQUIPES
La photographie révélée par l'enquête doit être présentée à vos collaborateurs. Cherchez, avec eux, à expliquer les non-conformités et à consolider les acquis.
3 METTEZ EN PLACE DES ACTIONS
Certains prestataires travaillent en partenariat avec des formateurs qui proposent des actions pédagogiques en fonction du rapport final. Dans d'autres cas, c'est a vous de proposer des sessions, personnalisées, à vos collaborateurs.
4 MESUREZ LES ECARTS
Seule une deuxième enquête permet de valider les progrès ou de confirmer les dysfonctionnements. Une autre solution, moins chère, consiste à organiser une campagne d'autoévaluation des collaborateurs pour identifier les écarts de perception.
DOMINIQUE BAUMIER, directeur général d'Alizés Diffusion
TEMOIGNAGE
La visite annuelle sert de piqûre de rappel
Cela fait quatre ans qu'Alizés Diffusion, franchiseur de l'enseigne Point Soleil, réseau de centres de bronzage, organise des enquêtes clients mystères pour s'assurer que sa promesse commerciale («Accueil, Conseil, Hygiène») est correctement mise en oeuvre par les salariés des succursales et des franchises. Coût de l'opération: 90 euros HT par visite, soit un total d'environ 9 000 euros HT pour les sept succursales et les 96 franchises. Une fois l'enquête achevée, chaque centre reçoit une synthèse des résultats, l'analyse détaillée de la visite de ses propres locaux et un «plan de progrès», qui conseille au dirigeant un certain nombre de mesures correctives. «Notre objectif est d'inciter les franchisés et leurs salariés à venir suivre nos formations «maison». L'analyse des enquêtes nous conduit à leur proposer des sessions sur l'accueil, les techniques de vente et le conseil.» Enfin, des courbes de suivi sont éditées chaque année. Comme le rappelle Dominique Baumier, «la visite mystère est un outil de management pas de flicage».
ALIZES DIFFUSION SA - Repères
- ACTIVITE: Centre de bronzage
- VILLE: Paris, VIe arr.
- FORME JURIDIQUE: SA à conseil d'administration
- DIRIGEANT: Dominique Baumier, 42 ans
- ANNEE DE CREATION: 1992
- EFFECTIF: 40 salariés
- CA 2007: 5 MEuros HT