Cloud computing, la tendance n'est pas à la précipitation
Encore méconnu de nombreux chefs d'entreprise, le cloud computing est pourtant voué à s'étendre encore et toujours. La révolution qu'il induit est en marche. Si, à court terme, le marché restera encore modeste, nul doute que de plus en plus d'entreprises vont succomber à ses charmes, les freins s'évaporant... Quels seront, demain, le visage et les usages du cloud? Eléments de réponse.
Je m'abonnePrès de 82 % des PME ne savent pas ce qu'est le cloud computing, alors que la moitié en fait pourtant un usage quotidien avec l'utilisation d'une messagerie électronique ou instantanée, d'après un sondage Ipsos réalisé pour Microsoft auprès de 300 PME et publié en février 2011. Mettre ses données dans le nuage, l'expression reste vague et poétique pour nombre d'entrepreneurs. Pourtant, cela recouvre une réalité très simple: les utilisateurs peuvent ainsi accéder à différents types de services informatiques via le Web. Avec de nombreux bénéfices à la clé: s'affranchir des contraintes liées à l'entretien du système d'information et à sa mise à niveau permanente, disposer d'infrastructures dont les coûts sont maîtrisés car lissés puisque la facturation est fonction de l'usage fait... Selon une récente étude publiée par l'institut d'études Xerfi, il apparaît que d'ici 2015, le marché français dépassera les 4,8 milliards d'euros (+ 20,5 % de croissance annuelle sur la période 2012-2015), soit près de 8 % des dépenses dans les technologies de l'information et de la communication, contre seulement 3 % en 2007. Mais derrière cette croissance du marché, notable mais pas spectaculaire, bien des freins et interrogations restent en suspens. Les réticences à confier ses données informatiques à un tiers disparaîtront-elles? La localisation des données, et surtout leur délocalisation, continuera-t-elle d'inquiéter les chefs d'entreprise? Autant d'aspects qui vont conditionner l'évolution du cloud à court, moyen et long termes.
Vers plus de transparence
Ainsi, l'opacité de l'offre figure parmi les principaux freins à l'adoption du cloud, selon l'étude Xerfi. Le manque d'informations sur la localisation physique des données avec le risque d'un hébergement à l'étranger avec un environnement juridique différent inquiètent les chefs d'entreprise. Pourtant, « l'offre de cloud computing va muter rapidement et gagner en proximité, assure Christophe Bianco, directeur général EMEA de Qualys, éditeur de solutions de gestion des risques informatiques et de la conformité en mode SaaS. Les chambres de commerce et d'industrie envisagent de créer des clouds régionaux, les revendeurs locaux vont structurer les offres de fournisseurs de grande envergure, pour que les chefs d'entreprise aient de vrais interlocuteurs de terrain, qui vont les rassurer. »
Pour Hervé Uzan, directeur général de VMware, spécialiste des technologies de virtualisation de systèmes informatiques, « l'hébergement de proximité, et plus précisément en France, va sans doute s'imposer comme une garantie de fiabilité ». Pour plus de transparence et de garanties, le cloud computing devrait disposer, d'ici 2014 à 2016, d'une norme ISO internationale, sur laquelle l'Afnor travaille actuellement d'arrache-pied.
Le cloud hybride, pour allier souplesse et sécurité
Autre évolution, le cloud devrait changer de visage. « A l'heure actuelle, 90 % du cloud en France est associé au cloud public [voir lexique], explique Yves Pellemans, directeur technique d'APX, SSII spécialisée notamment dans la sécurisation des infrastructures informatique, et les 10 % restant sont du cloud privé. Pourtant, quatre entreprises sur cinq auraient besoin d'un cloud privé pour garantir la sécurité réelle de leurs données. » Mais déjà, la tendance est au développement d'un cloud hybride, qui distingue les applications plus stratégiques en associant la souplesse du cloud public et la sécurisation du cloud privé. « Les PME sont à la recherche d'un écosystème d'intégration qui leur permettra de migrer les données de manière progressive pour bénéficier sans stress de tous les atouts du cloud computing », souligne Fabrice Coquio, fondateur d'Interxion qui héberge les data centers dans 11 pays européens.
Enfin, les usages vont se diversifier. Aujourd'hui, « les principales utilisations du cloud sont d'abord liées à la messagerie électronique et à quelques applications bureautiques, explique Rémi Vicente, chef de projet pour Xerfi. Mais d'autres secteurs vont être concernés: ressources humaines, comptabilité, marketing... » Cegid, prestataire connu pour ses logiciels de gestion, a d'ailleurs signé un accord avec IBM pour proposer ses applications dans le cloud. Christian Comtat, directeur du cloud computing pour IBM, affirme que « de plus en plus d'applications stratégiques vont prendre place dans le cloud. La clé résidera dans la capacité des écosystèmes informatiques à s'interconnecter aisément ».
L'heure est déjà au développement des réseaux sociaux d'entreprise. « Le cloud est la promesse d'un travail collaboratif, même à distance, explique Eric Haddad, directeur de Google Enterprise France, filiale spécialisée dans les services professionnels. Mais l'évolution naturelle, c'est l'intégration de la dimension sociale, car l'entreprise se vit de plus en plus comme une communauté qui a besoin d'échanger. » Tendance confirmée par Olivier Nguyen Van Tan, responsable marketing produits chez l'éditeur SaaS Salesforce, qui considère que « le réseau social d'entreprise va s'étendre peu à peu. De l'outil interne, il va s'orienter d'abord vers les partenaires et les diffuseurs, puis vers les fournisseurs, jusqu'aux clients... » D'ailleurs, de plus en plus d'entreprises se dotent de cet outil 2.0. A l'image d'Inov-On, société de 250 salariés aux champs d'action variés, et qui possède du personnel disséminé sur l'ensemble du territoire français. Baptisé Nocio (nouvel outil de communication Inov-On), son réseau social permet aux collaborateurs de prendre la parole, d'envoyer des messages personnels, de publier des photos de dépannages qu'ils réalisent sur le terrain. « Nous ne pilotons pas le Nocio, nous le laissons vivre et, étonnamment, cet espace communautaire prend vie et permet de tisser des liens plus profonds entre les collaborateurs », s'enthousiasme Morgan Tilly, directeur de l'innovation. Grâce au cloud, l'entreprise de demain sera 2.0 ou ne sera pas...
Christophe Bianco
Christophe Bianco, directeur général EMEA, Qualys
L'offre de cloud computing va muter rapidement et gagner en proximité. »
Définitions
Cloud public
Parfois appelé cloud externe. Les ressources sont fournies par un prestataire et mutualisées pour un usage partagé par plusieurs clients.
Cloud privé
Parfois appelé cloud interne. L'environnement est utilisé exclusivement par une entreprise mais le champ d'application est aussi large que pour le cloud public.
Cloud hybride
Combinaison de plusieurs clouds, publics et privés. Par exemple les tâches courantes sont effectuées sur un cloud public, tandis que les données sensibles sont stockées sur un cloud privé.
ZOOM
Bande passante: plus que jamais primordiale
Si le cloud s'impose peu à peu et que les applications se développent, plus que jamais, les connexions et la bande passante (la quantité de données échangées par seconde via le Web) deviennent vitaux. Chez Completel, dont l'offre cloud porte également sur la téléphonie, tous les efforts sont concentrés sur le développement de la fibre optique. « Le besoin de débit va littéralement exploser, la bande passante va véritablement devenir cruciale, et c'est pourquoi nous investissons énormément », témoigne Boris Voeltzel, directeur du marché PME pour Completel. L'un des freins à l'adoption du cloud, c'est la peur de l'indisponibilité. Les différents acteurs mettent les bouchées doubles pour anticiper ces futurs besoins...