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Chefs d'entreprise «stars du business»

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Ils font la Une des magazines économiques, passent au journal télévisé... Certains chefs d'entreprise sont omniprésents dans les médias. Comment gèrent-ils leur emploi du temps? Quelles retombées engendre leur célébrité sur leur business? Enquête.

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Il est jeune, beau et célèbre, il parle vrai, passe souvent à la télé... Aziz Senni est ce que les journalistes appellent «un bon client». Jamais avare de commentaires, voire de coups de gueule, le fondateur de l'entreprise de taxis collectifs ATA France, également auteur d'un ouvrage intitulé, L'ascenseur social est en panne... J'ai pris l'escalierParu en 2005 aux Editions de l'Archipel., est un patron médiatique. Comme lui, certains dirigeants de PME sont des habitués des colonnes de la presse économique, voire des magazines people. A tel point que certaines mauvaises langues s'interrogent sur leurs réelles attributions professionnelles. Pourquoi ces dirigeants passent-ils autant de temps avec les journalistes? Quels sont les risques de cette exposition au vu et su de monsieur Tout-le-monde?

Sylvain Breuzard, dirigeant de la SSII Norsys

Si les journalistes ont mon numéro de mobile, je n'accepter de répondre à toutes leurs questions.

Pour Ghyslaine Pierrat, docteur en communication politique et économique, la question n'est pas de savoir pourquoi soigner sa présence médiatique, mais comment le faire: «La communication avec les journalistes est devenue une figure imposée pour tout chef d'entreprise, estime-t-elle. Aujourd'hui, un dirigeant, quel qu'il soit, ne peut plus se permettre de refuser de répondre à la presse.» Chez Price-Minister, c'est Pierre Kosciusko-Morizet, le p-dg en personne, qui s'y colle. «A part pour les sujets très techniques, je délègue assez peu les interventions dans les médias car je pense que c'est le rôle d'un dirigeant que d'incarner son entreprise vis-à- vis de l'extérieur», argumente-t-il.

Avant de reconnaître que son «aisance à l'oral» et son «goût pour l'exercice» le confortent dans cette décision somme toute naturelle. Au total, il estime consacrer une demi-journée par semaine à répondre aux journalistes. Ses sujets de prédilection? Business, social, ressources humaines... Bref, tout ce qui a trait à la vie de son entreprise, mais aussi les questions d'actualité. «Si l'on veut être souvent présent dans les médias, il faut accepter de s'exprimer sur des sujets polémiques», confie-t-il. En communicant patenté, l'homme d'affaires, héritier d'une longue lignée politique et frère de la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Nathalie Kos- ciusko-Morizet, maîtrise les règles élémentaires de la communication: même lorsqu'il s'exprime sur des sujets sensibles, il veille à ne jamais braquer le lecteur, l'auditeur ou le téléspectateur. Quand il est invité à commenter l'actualité sur l'antenne de BFM, il s'exprime en tant que citoyen, jamais comme président de PriceMinister. «Si l'on me demande mon avis sur la politique de Nicolas Sarkozy, je ne réponds pas. En revanche, je m'autorise à donner mon point de vue sur des sujets économiques ou sociaux tels que la fiscalité ou la réforme des heures supplémentaires, par exemple

Communiquer avec les journalistes est devenu une figure imposée pour tout chef d'entreprise.

Un naturel très travaillé. Pour ce faire, le très médiatique chef d'entreprise n'a jamais suivi de «média training», ces stages d'entraînement à la communication avec les médias que dispensent pléthore d'instituts spécialisés. «Je tiens à conserver mon franc- parler», assure-t-il dans un sourire. Dans un même souci de naturel, Sylvain Breuzard, le dirigeant de la SSII Norsys, habitué des journaux télévisés, a lui aussi toujours refusé les entraînements médiatiques, même lorsqu'il présidait le Centre des jeunes dirigeants (CJD). «Toutefois, si je dois intervenir sur un sujet difficile, par exemple sur une question qui n'appelle pas de réponse toute faite, je me prépare en structurant ma pensée. Je liste mes idées-clés, que je m'efforce d'éclairer par des exemples.» Sylvain Breuzard l'a bien compris, les journalistes aiment le concret. Quand, en 2006, il développe sa vision de «performance globale de l'entreprise», il l'illustre par la mise en place du CV anonyme chez Norsys. Et ça marche. Presse écrite, radio, télévision... Tout le monde y va de son reportage dans les locaux de Nor- sys et de son interview du «boss». Lequel joue systématiquement le jeu. «A mes yeux, la cause était essentielle, argumente-t-il. L'idée était de semer les graines de la diversité et de montrer qu'il était possible de dépasser les chartes pétries de bonnes intentions.» Au total, il estime avoir passé, à l'époque, dix jours entiers à répondre aux journalistes. Depuis, il y consacre un jour par mois. Son attachée de presse est, d'ailleurs, autorisée à communiquer son numéro de portable. «Mais si les journalistes ont mon numéro de mobile, je ne vais pour autant accepter de répondre à toutes leurs questions, souligne Sylvain Breuzard. Il y a des sujets sur lesquels je ne m'estime pas légitime. La politique politicienne en fait partie. Dans ce cas, je décline poliment la demande d'interview», explique celui qui dit «faire confiance à l'intelligence des journalistes». Quitte à en assumer les conséquences.

Pierre Kosciusko-Morizet, p-dg de PriceMinister

Si l'on veut être souvent présent dans les médias, il faut accepter de s'exprimer sur des sujets polémiques.

Les risques du métier. Comme ce jour du printemps 2006 où, en pleine crise du CPE (Contrat première embauche), ses salariés lui reprochent d'avoir défendu le projet de Dominique de Villepin. Il faut dire qu'au journal télévisé, un reportage sur le CPE vient de reprendre des images tournées chez Norsys, quelques mois auparavant. L'angle du sujet semble clair: il sous-entend que Sylvain Breuzard est plutôt favorable au futur contrat de travail. «Heureusement, relate le dirigeant, un mois plus tôt, j'avais pris position contre le CPE, par écrit cette fois.» Le soufflé retombe vite, la polémique aussi. Malgré l'énormité de la bévue, le patron de Norsys ne passera pas de coup de fil à la chaîne, ni aux journalistes négligents. «Je considère que si l'on accepte de s'exprimer, il faut aussi accepter les éventuelles incohérences des articles ou des reportages. Cela fait partie des règles du jeu médiatique!» Quant aux éventuelles retombées sur son carnet de commandes, il n'y croit pas. Enfin, pas directement. «Nos clients nous choisissent pour la qualité de nos offres commerciales et pour nos compétences. Ma notoriété n'est qu'une cerise sur le gâteau.» Un point de vue que pondère Pierre Kosciusko-Morizet: «Certes, ce ne sont pas mes passages en radio ou télévision, pas plus que mes chroniques dans la presse, qui font exploser nos ventes. Mais cette présence médiatique nous a aidés à construire notre notoriété, et donc notre succès auprès du grand public.» Enfin, tous s'accordent sur un point: présence médiatique ne veut pas dire exposition de la vie privée. Depuis qu'il est célèbre, Aziz Senni a reçu des demandes de reportages pour visiter son habitation. «L'idée étant, bien sûr, de savoir si j'avais changé de mode de vie», tempête-t-il. Un journaliste d'un grand quotidien national a même souhaité assister à son mariage! «Du grand n'importe quoi», tranche le dirigeant. Aziz Senni va jusqu'à décrocher son téléphone pour en discuter avec le rédacteur en chef, qui finira par renoncer. Les médias ne font pas toujours ce qu'ils veulent...

A Lire

- Le dirigeant à L'épreuve de L'opinion: 10 commandements à L'usage de ceux qui nous dirigent
Par Jean-Pierre Beaudouin, Pearson Edition, 2008, 20 Euros


- savoir communiquer avec La presse
Par Pascal Le Guern et Philippe Lecaplain, Editions Maxima, 2007, 21,80 Euros


- profession pdg: que font nos dirigeants?
Catherine Blondel, Olivier Basso, Village Mondial, 2006, 21 Euros

Témoignage
L'exposition médiatique est une arme à double tranchant

Patrick de Thuy, directeur général de croque gel
Chef d'entreprise, fils de bonne famille, patrick de thuy a passé sans encombre le cap du casting de Koh-Lanta. en février 2007, le directeur général de Croque Gel, une PME nordiste spécialisée dans la distribution de surgelés, part s'exiler sur une île pour participer au jeu de télé-réalité de TF1. Engagé à titre individuel, il est vite rattrapé par son tempérament de leader. «Mon équipe perdait beaucoup. J'ai donc pris en main l'organisation, comme j'en ai l'habitude dans mon entreprise.» mais quelques mois plus tard, lors de la diffusion de l'émission, il est présenté comme un manipulateur, voire comme un profiteur. «A la télévision, mon image devait coller à la représentation que les gens se font des dirigeants.» Patrick de Thuy fait alors la Une de la presse locale. «Même un an après, tous les jours, on me parle de mon passage à Koh Lanta», relate celui qui, aujourd'hui, aimerait tourner définitivement la page. D'autant que dans le landerneau des patrons locaux, son initiative, même si elle est très personnelle, n'a pas toujours été bien perçue. «Pour certains, je ne donnais pas une image suffisamment valorisante de notre milieu.» Quant à ses salariés, ils ont, au contraire, été agréablement surpris de voir leur employeur «passer à la télé». Certains lui ont même demandé des autographes pour leurs enfants!


Croque gel - repères
- Activité: distribution de produits surgelés
- ville: Villeneuve-d'Ascq (Nord)
- Forme juridique: SAS
- dirigeant: Patrick de Thuy, 41 ans
- Année de créAtion: 1978
- effectif: 150 salariés
- CA 2007: 19 m Euros

Avis d'expert tâchez d'être naturel, mais préparez-vous

Jean-Pierre Beaudouin, directeur général du groupe i&e, auteur d'un ouvrage intitulé Le dirigeant à l'épreuve de l'opinion (lire notre encadré ci-dessus)


«Dialoguer avec les médias requiert des compétences qui ne sont pas innées. Il faut donc s'y préparer, tout en s'efforçant de rester naturel.» pour Jean-pierre beaudouin, le pire, quand on communique avec la presse, reste l'improvisation.
«C'est le meilleur moyen de déraper. A chaque étape de fabrication de l'information, le discours sera légèrement transformé et, au final, il sera totalement déformé.»
Pour éviter les erreurs d'interprétation, le message doit être bien construit dès le départ et, surtout, viser les bons médias. «Avides de communication, certains dirigeants ont tendance à donner très facilement leur numéro de téléphone portable. Cela peut être utile, car on donne l'impression d'être accessible et de n'avoir rien à cacher. Mais inversement, le dirigeant risque d'être appelé quand il ne le souhaite pas. Pour s'exprimer sur tout et rien.» mieux vaut s'accorder quelques heures de réflexion avant de répondre aux journalistes. «Cela vous donnera le temps de réfléchir au message que vous souhaitez faire passer et vous évitera de vous laisser embarquer sur d'autres terrains de discussion, plus épineux.»

 
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Sylvie LAIDET

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