Ces anges qui donnent des ailes aux entrepreneurs
Certains patrons se métamorphosent en business angels. Ce qui, au-delà des éventuelles retombées financières, leur permet de partager leur expérience et leur argent avec des homologues qui s'engagent sur la voie de l'entrepreneuriat.
Je m'abonneToujours les mêmes clients, les mêmes collaborateurs, les mêmes partenaires... Alain Sarfati, p-dg de la SSII francilienne MetaFactory (40 salariés) manquait d'air. Sessions de formations et cours de sport ne suffisent pas à lui « aérer l'esprit ». Pour sortir de « ce vase clos » dans lequel il finissait par étouffer, le patron se cherche une nouvelle marotte. Sa résolution pour 2010? Devenir un «ange providentiel», la traduction française de business angel (BA). Il s'agit, rappelons-le, d'une personne physique qui investit une part de son patrimoine dans une petite affaire à potentiel et qui, en plus de son argent, met gratuitement à disposition du jeune dirigeant, ses compétences, son expérience, ses réseaux relationnels et une partie de son temps. Alain Sarfati franchit alors la porte de Paris Business Angels, l'un des 81 réseaux régionaux que fédère l'association France Angels. Son boulot? Pendant un trimestre, tous les quinze jours, il reçoit et écoute le «pitch de présentation» de six à huit entrepreneurs en quête de financement. Les business angels présents se répartissent ensuite les dossiers et les présentent lors des séances plénières mensuelles aux 125 membres du réseau. C'est alors qu'Alain Sarfati investit, à hauteur de 15 000 euros, dans sa première entreprise, Globesailor.fr, un comparateur de locations de bateaux en phase de décollage. Ce qui lui plaît? L'équipe dirigeante, deux jeunes d'une vingtaine d'années conseillés par deux professionnels de la voile également présents au capital. « Je ne crois pas aux bonnes idées mais à la qualité de l'exécution », argumente-t-il. Un an plus tard, malgré un changement de business model, la TPE en est toujours au même point: le business n'a pas encore décollé. Pourtant, Alain Sarfati reste convaincu que l'affaire est viable. Il demeure patient et est prêt à décaler dans le temps sa rémunération potentielle, une plus-value de sortie sur les parts qu'il revendra certainement à un fonds d'investissement. Au bout de huit ou neuf ans, contre une moyenne de cinq à sept ans. « De toute façon, si je ne gagne par d'argent sur Globesailor.fr, j'espère au moins de pas en perdre et voir d'autres investissements aboutir », explique-t-il. L'homme prévoit un budget de 100 000 euros pour cette année.
Un partage des risques et des tâches.
Le patron de la SSII souhaite soutenir des projets de secteurs radicalement différents du sien. Risqué? Non, répond Philippe Glutz, président de l'association France Angels, qui avoue d'ailleurs « ne pas avoir réalisé ses meilleures affaires dans les domaines qu'[il] maîtrise ».
Généralement, afin d'avoir plus de poids dans le partenariat et de limiter les risques d'erreur, les BA se mettent à une dizaine sur un dossier. « Parmi eux, indique-t-il, un ou deux sont dotés d'une forte expertise sur l'activité de l'entreprise quand les autres apportent, au coup par coup, un savoir-faire ou une aide précise: les compétences se trouvent donc multipliées. » Au-delà de l'argent, utilisé pour prolonger la phase de recherche de développement, pour commercialiser le produit fini ou pour embaucher une force de vente, «l'ange» accompagne véritablement les porteurs d'affaires. C'est bien souvent leur motivation première. Qu'il siège au conseil d'administration (souvent deux BA par groupe sont représentés) ou non, chacun est amené à prodiguer des conseils et à partager son savoir-faire. Patrice Magnard, président directeur général de Maxicours.com, site internet de soutien scolaire, a ainsi toujours ouvert son carnet d'adresses aux vingt TPE qu'il suit depuis plus de dix ans. Ces structures, il ne les a pas rencontrées dans un club mais sur son chemin d'entrepreneur. Pour elles, il joue un rôle d'entremetteur avec des partenaires, des fournisseurs ou des clients potentiels. Autre intérêt pour l'entrepreneur en herbe? « Je me base sur mon expérience pour pointer du doigt les pièges à éviter », déclare ce mentor dans l'âme. Il y a un an par exemple, le quadragénaire a vivement conseillé au fondateur de Prestashop, un éditeur de logiciel e-commerce open source, de recruter un directeur général: « Je lui ai fait comprendre qu'à 25 ans, à la tête d'une société en pleine croissance, il lui était impossible d'être parfaitement compétent pour développer les produits, recruter des collaborateurs et planifier l'internationalisation ». Patrice Magnard est écouté mais ce n'est pas toujours le cas. Informés une fois par trimestre par leurs représentants, les investisseurs étudient les reportings et les projets des entreprises. « Le pacte d'actionnaires qui décrit les droits et obligations des fondateurs et actionnaires les uns par rapport aux autres prévoit en outre une liste de décisions pour lesquels les business angels doivent être consultés, rappelle Philippe Glutz (France Angels), mais ils restent minoritaires au moment des votes. » Des anges, pas des dieux...
PATRICE MAGNARD, p-dg de Maxicours.com
«Je me base sur mon expérience pour pointer du doigt les pièges à éviter.
@ GAELLE BRUNET 2006
TEMOIGNAGE
Ma motivation n'est pas financière JEAN-LOUIS BRUNET, président d'H3C-énergies
Jean-Louis Brunet est fier de ses deux casquettes. Celle de président d'H3C-énergies, une société de services et conseils en énergies pour les collectivités, les institutions, les industries et les particuliers. Mais aussi celle de président de Grenoble France Angels, une association qui regroupe 170 investisseurs privés. Son premier investissement? C'était en 2005 dans une petite affaire informatique. Et il ne s'est jamais arrêté... Aujourd'hui, il n'a pas moins de douze participations dans des TPE en phase d'amorçage à son compteur. Dans chacune, l'homme place entre 10 000 et 30 000 euros. De l'une d'entre elles, Jean-Louis Brunet est sorti au bout de quatre ans avec une plus-value de deux fois le montant injecté. Un joli coup qui ne s' est jamais répété jusqu'à présent.
« Je suis conscient que dans la plupart des cas, je ne vais rien gagner, reconnaît l'Isérois. Peu m'importe: financièrement je n'en attends rien. » Ce qui le motive, c'est de partager son expérience d'entrepreneur avec des jeunes de façon à augmenter leurs chances de réussite. « Je me nourris de leur enthousiasme, de leurs idées et ils profitent de mon réseau et de mes compétences », souligne Jean-Louis Brunet. Comme il a « envie de découvrir autre chose », ce dernier sélectionne des structures dont l'activité ne lui est pas familière. « Parmi les huit ou dix business angels impliqués dans un dossier, figure toujours un spécialiste, argumente-t-il. Ma force, c'est plutôt la stratégie d'entreprise et la formulation d'une vision quel que soit le coeur de métier. » La tenue des réunions plénières (deux par mois), l'animation du réseau ainsi que l'instruction de quelques dossiers lui prennent quatre jours par mois environ. « Une durée raisonnable » qui lui laisse le temps au milieu des années 2000 pour coacher les quatre ingénieurs à peine sortis de l'école avec lesquels il s'est associés pour créer H3C-énergies. « C'étaient les prémisses de ma future démarche de business angel, analyse Jean-Louis Brunet Déjà à cette période de ma carrière, j'avais envie d'une forme de management différent. »
H3C-ENERGIES - Repères
ACTIVITE: Services et conseils en énergies
VILLE: Meylan (Isère)
FORME JURIDIQUE: SAS
DIRIGEANT: Jean-Louis Brunet, 59 ans
ANNEE DE CREATION: 2004
EFFECTIF: 85 salariés
CA 2010: 4,3 MEuros