Cédant, jouez la carte de la Scop
Vous souhaitez céder votre activité? Avez-vous pensé à la transmettre à vos salariés? Les Scop (sociétés coopératives) permettent une reprise par des collaborateurs motivés et qui connaissent déjà sur le bout des doigts les produits, les clients et les process.
Je m'abonneTransmettre son entreprise n'est pas toujours chose aisée. Vous courez même le risque de la voir disparaître, faute de repreneur... La Scop (société coopérative) est une solution parmi d'autres, mais qui présente de nombreux avantages. Elle repose sur trois principes-clés: les salariés sont associés majoritaires au capital ; le vote en assemblée générale repose sur le principe «un salarié = une voix» ; et enfin les bénéfices engrangés par l'entreprise sont répartis équitablement entre les différents associés. Malgré les 1 925 Scop existant en France (selon les chiffres fournis par Les Scop, réseau national des sociétés coopératives et participatives), la reprise d'une entreprise par ses salariés reste une démarche encore assez méconnue. Pourtant, la Scop n'a pas à rougir de ses atouts!
En effet, les salariés connaissent parfaitement leur entreprise, ses produits, ses clients et ses rouages. Mais surtout, ils sont les premiers intéressés par le maintien de leur emploi. Cette transmission en douceur permet également de pérenniser l'activité. Le taux de survie de ces entreprises après cinq ans est légèrement supérieur à celui des entreprises classiques, 57 % contre 52 % (chiffre Insee) . La clé? La motivation des salariés. Ils s'impliquent d'autant plus qu'ils deviennent décisionnaires dans l'entreprise. Mais il existe quelques règles à respecter.
Tout d'abord, le cédant doit s'assurer que les salariés sont intéressés et s'y prendre environ six mois à l'avance. Entourez-vous d'experts-comptables et de juristes, informez-vous auprès de votre chambre consulaire pour étudier la faisabilité d'un tel projet.
Sollicitez les membres des réseaux des Scop, qui proposent un accompagnement personnalisé. Il y en a dans toutes les régions et dans de nombreux départements français. Ces antennes locales donnent des conseils et assistent les salariés repreneurs de l'entreprise. Par ailleurs, la viabilité de la transmission repose sur le nombre de salariés prêts à reprendre le flambeau. Pour Patrick Lenancker, président des Scop, « il faut qu'un minimum de salariés soient mobilisés, mais aussi qu'ils occupent des fonctions stratégiques au sein de l'entreprise. » Par exemple, une PME d'une quarantaine de salariés aura du mal à se passer d'un service comptable ou d'un directeur commercial.
Un montage financier soigné.
L'équipe de reprise se dessine? Entendez-vous alors sur le prix de cession. « Ce n'est pas parce qu'il s'agit des salariés que le prix de vente de l'entreprise sera réduit, rassure Patrick Lenancker. Le prix de cession correspondra à la valeur de l'entreprise quel que soit le repreneur. » Les salariés doivent proposer un projet socialement et économiquement viable. Le bémol? Trouver les fonds nécessaires au rachat. En moyenne, les collaborateurs doivent réunir entre 500 000 et 2 millions d'euros. Dénicher de telles sommes n'est pas à la portée de tous les ouvriers. Leur nombre est un atout, et le statut de Scop leur permet d'accéder à une panoplie d'outils financiers dont le réseau des Scop s'est doté. Le Socoden, notamment, octroie des prêts participatifs; Spot, pour sa part, a pour but d'intervenir en capital et en titres participatifs ; enfin l'objectif principal de Sofiscop est de garantir les prêts à moyen terme. Des partenaires financiers, tels que la banque du Crédit coopératif ou les associations de la Pfil (Plateforme d'initiative locale) et de France Active, proposent aussi des solutions de financement. Les salariés peuvent également faire appel à des associés extérieurs, qui sont autorisés à détenir jusqu'à 35 % des droits de vote, voire 49 % si cet associé extérieur est lui-même une société coopérative. Cette dernière disposition vise à élargir les possibilités de partenariat avec d'autres entreprises. Les Scop peuvent en effet faire entrer dans leur capital social des investisseurs et des organismes financiers, dans la limite de 49 % du capital.
En parallèle, les Scop bénéficient d'une fiscalité propre permettant de bénéficier d'avantages comme l'exonération de la taxe professionnelle ou une réduction de l'impôt sur les sociétés (la part des bénéfices nets distribuée aux salariés, via un accord de participation, est déductible de l'assiette imposable). De même, les repreneurs peuvent retrancher de leur salaire imposable les intérêts des emprunts personnels contractés afin d'acquérir des parts sociales, ou déduire de leur impôt sur le revenu 25 % des sommes apportées au capital de la Scop. Autant de mesures alléchantes à promouvoir auprès des salariés pour déclencher des vocations.
Les nouveaux associés doivent également s'entendre sur l'identification d'un nouveau dirigeant, qu'ils désignent par vote. Le cédant peut proposer deux ou trois personnes qui se dégagent, remarquables par leurs fonctions ou leur expérience. «Au moment de la désignation du dirigeant de la Scop, il faut prendre en compte sa connaissance approfondie de l'entreprise dans sa globalité, pas seulement du secteur d'activité», conseille Nathalie Malicet, expert-comptable au sein du cabinet Anexis. Si des investisseurs extérieurs ont pris part au capital de la Scop, ils peuvent aussi exprimer leur vote dans le choix du dirigeant. «En Scop, la principale difficulté réside dans le maintien d'un consensus général, affirme Patrick Lenancker (Les Scop). Cadres, employés, voire investisseurs extérieurs, tous doivent s'entendre pour être efficaces dans leurs décisions. » Climat détendu et bonne entente, des éléments-clés pour la pérennité de la Scop?
TEMOIGNAGE
De salariés, nous sommes devenus associés
ANTHONY MOURAIRE, dirigeant de la Scop Scierie Vinel
Créée en 1986 en Lorraine, la scierie Vinel intervient sur l'exploitation de résineux. Quand son dirigeant décide de partir à la retraite en 2008, faute de repreneurs, il se tourne vers ses salariés pour une éventuelle reprise. La motivation est unanime: sur les 19 collaborateurs de la scierie, seuls deux ne poursuivent pas l'aventure, dont l'un pour cause de départ imminent à la retraite. Pour les chapeauter, ils désignent un nouveau dirigeant: Anthony Mouraire, alors scieur de tête. «J'étais présent dans l'entreprise depuis quatre ans, mais j'étais le plus qualifié dans le domaine de la scierie. Et mes compétences en informatique complétaient cette expérience», se souvient-il. Avec le chef de production, le responsable de la maintenance, celui des bûcherons et celui du parc à grumes (où sont stockées les pièces de bois), ils créent le noyau dur de l'entreprise. Ils démarchent les banques pour réunir les fonds nécessaires à la reprise. Le projet aboutit au bout d'un an et demi, grâce à l'aide d'Oséo qui leur apporte un cautionnement bancaire. Les salariés ajoutent le paiement de leurs heures supplémentaires et leurs primes de Noël. Ils réunissent 550 000 euros, dont 200000 consacrés au rachat du capital. «Aujourd'hui nous sommes 17 associés, souligne Anthony Mouraire. Nous sommes tous plus impliqués: l'entreprise y est forcément gagnante!»
SCIERIE VINEL - Repères
- ACTIVITE: Scierie
- VILLE: Le Syndicat (Vosges)
- FORME JURIDIQUE: SA
- DIRIGEANT: Anthony Mouraire, 28 ans
- ANNEE DE REPRISE 2010
- EFFECTIF: 17 salariés
- CA 2010: 2,6 MEuros
PATRICK LENANCKER, président des Scop
Le fait de vendre à ses salariés n'a pas d'impact sur le prix de cession.