Calomnie 2.0
CARINE GUICHETEAU rédactrice en chef
4 et demi sur 5, telle est la note d'Yves Guillemot, p-dg de l'entreprise de jeux vidéo française Ubisoft. C'est le résultat de 18 votes sur le site anglophone Glassdoor.com. Les deux tiers des salariés qui se sont ainsi exprimés approuvent sa manière de diriger l'entreprise. La société a toutefois moins la cote que son dirigeant (3,5/5). Pour preuve, les commentaires que l'on peut lire sur le site: «n'espérez pas y faire carrière», «une société super innovante », «ne travaillez pas pour eux!», etc. Des sites francophones sont aussi sur ce créneau: Notetonentreprise. com, Cotetaboite.com... De quoi prendre le pouls de sa société et rectifier le tir le cas échéant. Mais c'est voir le verre à moitié plein. Car, sous couvert d'anonymat, les internautes ne sont pas tendres. Ce qui soulève un certain nombre d'interrogations: Quelle est la limite entre la liberté d'expression et la calomnie? Quelle crédibilité accorder à cette notation? Est-ce que ce sont bien les salariés en poste dans l'entreprise qui témoignent? Ne peut-on pas imaginer un concurrent, peu scrupuleux, venir détruire votre e-réputation? D'autant que la modération n'a pas l'air d'être le fort de ces sites... Enfin, quels sont les critères retenus pour évaluer les entreprises où il fait bon travailler? Sur Cotetaboite.com, certains items sont surprenants: look et physique des collègues, WC, flirt au bureau... Des éléments qui ont autant d'importance dans la note finale que le salaire ou l'intérêt du poste! Enfin, parce qu'il est plus facile de se plaindre que d'être constructif, la note ne s'en trouve-t-elle pas biaisée?
Bref, aucune PME, aussi scrupuleuse soit-elle, n'est à l'abri d'être traînée dans la boue, virtuelle, et sacrifiée sur l'autel de la liberté d'expression. D'aucuns diront que c'est un juste retour des choses, les employeurs se basant de plus en plus sur l'e-réputation des candidats pour recruter. Accédant ainsi à des informations personnelles... Si bien que l'Allemagne songe à interdire l'usage de sites tels Facebook et Twitter aux recruteurs.