CONTRATS INTERNATIONAUX: LES CLAUSES A CONNAITRE
Face aux spécificités des droits nationaux et à leur incidence sur la bonne exécution des contrats, il est primordial de bien choisir la loi qui régira le vôtre. Cette démarche vous permettra d'éviter des différends avec vos partenaires étrangers et, surtout, de pérenniser vos relations commerciales.
Je m'abonneLa société française X met fin au contrat qui la lie à un agent commercial allemand. Ce dernier aura droit à une indemnité de fin de contrat qui pourra varier... d'une année au maximum de commissions (calculée sur la moyenne des cinq dernières années) à deux années de commissions, selon que le droit applicable à ce contrat est le droit allemand ou français. Plutôt vague... Voilà pourquoi «la détermination du droit applicable est le premier réflexe à avoir quand on rédige un contrat international», conseille Maître Henri Llacer, avocat associé au sein du cabinet BCF & Associés et arbitre pour la Chambre de commerce de Paris. Choisir le droit français sous prétexte que l'on est une société française? «Ce n'est pas toujours ce qu'il y a déplus intéressant», prévient Isabelle Leroux, consultante au sein du cabinet de conseil en développement international ILC Consultants. Par exemple, la jurisprudence française tient le vendeur pour indéfiniment responsable en cas de vice caché (défaut non apparent), alors que dans la plupart des autres droits, cette responsabilité est limitée dans le temps. «Il est donc judicieux de se livrer à une étude comparée des différentes lois, propose Maître Henri Llacer, afin de déterminer laquelle sera la plus adaptée à la situation de votre entreprise.» D'ailleurs, si vous vous apercevez, au cours de cette étude, que la loi de votre cocontractant présente des avantages - ou du moins ne risque pas de vous nuire - il pourrait être pertinent de lui proposer de choisir celle-ci: ce sera une «faveur» qu'il vous revaudra certainement sur un éventuel point d'achoppement.
Autre question à régler: celle de la langue du contrat. Selon Martine Raynaud, juriste fiscaliste internationale chez Ubifrance (agence française pour le développement international des entreprises), «l'idéal est de choisir une langue maîtrisée par les deux parties, car une traduction risquerait de ne pas intégrer toutes les finesses du droit». Prenons l'exemple du mot «transaction», dont l'équivalent anglais est «gentleman agreement»: «Le premier signifie qu'ily a eu concessions réciproques des parties, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour le second», explique Maître Henri Llasser. Si toutefois le contrat a été rédigé en deux langues, celle du pays «client» et une langue utilisée couramment à l'international (anglais ou espagnol, en général), pensez à préciser laquelle prévaudra en cas de problème d'interprétation. «Utilisez alors la langue retenue pour toutes les correspondances et autres échanges susceptibles d'engager les parties», conseille Martine Raynaud.
A SAVOIR
Respectez la culture juridique de votre interlocuteur
Alors que, chez les Espagnols, une simple poignée de main peut tenir lieu d'engagement, les Anglo-Saxons, eux, ont tendance à établir des contrats dès la première entrevue. Ainsi, connaître les habitudes culturelles de votre interlocuteur vous évitera bien des impairs. Et même, une fois décidé à faire affaires, continuez à tenir compte des différences culturelles. En Chine, où la tradition juridique est plutôt orale, mieux vaut s'en tenir aux grandes lignes pour ne pas effrayer votre cocontractant. A l'inverse, au Japon, tout doit être mentionné par écrit. C'est au prix du respect de ces différences que vous parviendrez à faire exécuter votre contrat mais surtout à pérenniser les relations commerciales avec vos partenaires.
Qui tranchera en cas de litige?
D'autres clauses nécessitent également toute votre attention: les clauses attributives de juridiction. «C'est souvent le dernier point auquel on s'intéresse. Les cocontractants ont déjà plusieurs semaines de négociations derrière eux et ne s'y attardent donc pas», regrette Maître Henri Llacer. Or, en cas de problème, ce sont ces clauses qui, bien souvent, font la différence.» D'où l'importance de réfléchir en amont aux procédures de règlement des litiges. Martine Raynaud conseille de «rechercher une solution alternative au procès, du moins pour commencer». Plus rapide et moins onéreuse qu'un procès, la médiation permet souvent de trouver une solution rapide - surtout si le problème découle d'une simple incompréhension entre les deux parties. Il s'agit alors, grâce à l'intervention d'un tiers neutre, d'amener les parties à accepter un arrangement pour résoudre leur litige. Attention, par ailleurs, à ce que la juridiction compétente et la durée de la médiation soient indiquées dans le contrat.
En cas d'échec de cette procédure, la voie des tribunaux étatiques ou de l'arbitrage reste ouverte. S'il n'existe pas de recette pour choisir l'une ou l'autre de ces solutions, rappelons simplement qu'en dehors de l'Union européenne (UE), la reconnaissance et l'exécution des jugements des tribunaux ne sont garanties que par quelques conventions bilatérales. «En plus d'être rares, ces conventions s'appliquent au gré des relations diplomatiques entre les deux Etats signataires», souligne Martine Raynaud. Ainsi, si votre cocontractant a son siège en dehors de l'UE, il sera généralement préférable de choisir la voie de l'arbitrage. Car dans ce cas, l'exécution des sentences arbitrales est garantie par la convention de New York, ratifiée par plus de 130 pays. Il incombe alors aux parties de désigner contractuellement la cour. «Pensez à demander la liste des arbitres, de façon à vous assurer que l'arbitrage sera bel et bien international, ainsi que les honoraires des arbitres», recommande Martine Raynaud. De fait, l'arbitrage étant une justice privée, il revient aux parties de rétribuer les arbitres, de financer leurs déplacements... Si, a contrario, votre cocontractant possède son siège au sein de l'UE, alors vous emprunterez certainement la voie des tribunaux étatiques, car le règlement de Bruxelles prévoit qu'un jugement rendu par le tribunal d'un Etat membre soit automatiquement reconnu et exécuté dans tout autre pays de l'Union. Mais de quel tribunal étatique vous réclamer? D'un point de vue pratique, une entreprise française aura, certes, tendance à préférer que le litige soit tranché par un tribunal français. «Mais en réalité, tout dépend de la loi choisie, nuance Maître Henri Llasser. En effet, si le droit applicable au contrat est le droit germanique, il semble plus cohérent défaire appel à un tribunal allemand.»
L'éloignement rend l'exécution du contrat plus complexe.
Bien qu'essentielles, ces clauses n'ont pas trait à l'exécution proprement dite du contrat. Or, comme le rappelle Maître Henri Llacer, «ce qui intéresse en premier lieu le chef d'entreprise, c'est le contenu de l'accord». C'est-à- dire ce qu'il vend, ce qu'il achète, le prix, le lieu de livraison... Et sur ces différents points aussi, le cadre international présente quelques spécificités. En matière de paiement, tout d'abord. Evitez donc les monnaies à risques et pensez à fixer les modalités de paiement: encaissement simple, remise documentaire, crédit documentaire... Ce dernier étant le plus sécurisant dans le cadre d'un premier échange, dans la mesure où la banque de l'acheteur s'engage à régler la facture. Sur l'aspect du transport et des risques qui en découlent, il est également important de préciser les Incoterms (International Commercial Terms) qui déterminent qui, du vendeur ou de l'acheteur, prend en charge les frais de transport et les risques qu'il induit, le partage des coûts et la division des risques (voir encadré ci-dessus).
Enfin, sachez que bien d'autres spécificités inhérentes à chaque pays peuvent avoir une influence sur les différentes clauses liées à l'exécution du contrat. Dans le droit anglo- saxon, par exemple, la notion de force majeure n'existe pas. Les contrats détaillent alors généralement tout ce qui est considéré comme tel. «Attention, on y trouve de tout», prévient Martine Raynaud. Finalement, pour une connaissance approfondie de la législation de tel ou tel pays, vous ne pourrez pas faire l'économie de l'aide d'un avocat biculturel!
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MEMO
Quelques exemples d'Incoterms
Les Incoterms (International Commercial Terms) déterminent les obligations réciproques du vendeur et de l'acheteur dans le cadre d'un contrat d'achat/vente international. Plus concrètement, ils répartissent les frais de transport et définissent le lieu de transfert des risques. Voici les plus fréquemment utilisés.
1 EXW (EX WORKS)
Le vendeur doit mettre à disposition ses marchandises dans son établissement. L'acheteur supporte tous les frais et risques liés au transport de marchandises jusqu'à leur destination finale.
2 FCA (FREE CARRIER)
Le vendeur remet la marchandise, dédouanée à l'exportation, au transporteur désigné par l'acheteur, au point convenu. L'acheteur supporte les frais et risques liés au transport principal.
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3 CPT (CARRIAGE PAID TO)
Le vendeur paye le transport jusqu'à la destination convenue. En revanche, l'acheteur règle l'assurance et supporte les risques dès la remise de la marchandise au transporteur principal.
5 DDU (DEUVERED DUTY UNPAID)
Le vendeur paye le transport et en supporte les risques jusqu'à la destination convenue. L'acheteur s'occupe, à ses frais et risques, du déchargement, de l'accomplissement des formalités douanières d'importation et du paiement des droits et taxes d'importation.