Batir son reseau de prescripteurs
Architectes, maîtres d'oeuvre, agents immobiliers, notaires, cabinets de conseil ou même clients... Ils peuvent être amenés à préconiser votre entreprise, et donc vous apporter du business sur un plateau d'argent. Conseils pour vous faire référencer chez eux, puis pour entretenir avec eux des relations fécondes.
Je m'abonneQuel est le point commun entre un médecin, un architecte et un expert-comptable? Tous trois sont prescripteurs. Grâce a leur profession et à leur notoriété, ils sont susceptibles de recommander votre entreprise ou votre produit, et donc d'influencer le choix de leurs clients. Mais, contrairement à des apporteurs d'affaires, ils le font de façon désintéressée, en engageant leur crédibilité. Un conseil d'«expert» qui, même s'il n'est pas toujours suivi, a plus de poids que celui d'un commercial. D'où l'intérêt de vous faire connaître auprès de ces prescripteurs, qui constitueront votre meilleure carte de visite.
Quels prescripteurs? Pour entrer dans leur cercle de «prescrits», encore faut-il savoir les cibler. «Posez-vous la question: quelles professions ou entreprises ont des fonctions connexes à la mienne?», suggère Evelyne Platnic-Cohen, du cabinet de conseil et de formation en efficacité commerciale Mémento Conseil. C'est le cas d'un éditeur de logiciels et d'une société de services informatiques, d'un fabricant de chaussures pour bébés et d'un responsable de crèche ou d'un pédiatre, d'un laboratoire pharmaceutique et d'un médecin... Bioalliance Pharma l'a bien compris. Ce laboratoire de 70 salariés vient de lancer un produit pour combattre la candidose (mycose buccale). «Nous avons commencé par déterminer les professions qui traitent notre cible, les patients fragilisés: cancérologues, infectiologues, radiothérapeutes et ORL, explique la présidente du directoire, Dominique Costantini. Nous cherchons à identifier les services hospitaliers où les patients subissent des chimiothérapies ou radiothérapies fréquentes: ces derniers sont davantage exposés au risque de contracter cette pathologie.» Des outils peuvent vous aider dans ce travail d'identification, comme les annuaires sur Internet. Les PME du bâtiment trouvent, par exemple, surwww.batiliste.fr, une liste d'adresses de prescripteurs. «Pour choisir ceux que vous devez contacter, renseignez-vous sur leur compétence dans le domaine où vous intervenez: immeubles collectifs, maisons individuelles, bâtiments médicaux...», conseille Gabriel Degott, qui dirige Cimbat, coéditeur du site avec la société de banques de données Archiliste. Autrement dit, cernez leur spécialité à l'intérieur de leur profession.
Plus faciles à cibler, vos propres clients, utilisateurs quotidiens satisfaits du produit ou du service, peuvent également devenir prescripteurs. Un moyen exploité avec succès par Inès, éditeur de solutions CRM (gestion de la relation client). «Les prospects nous demandent souvent des références. Nous leur fournissons alors une liste de contacts d'entreprises clientes de la même taille et/ou du même secteur d'activité, ou ayant à faire face à une problématique similaire. Sans participer à l'entretien qui s'ensuit», précise Julien Duhaubois, responsable des ventes et du marketing chez Inès. L'entreprise recrute aussi des clients pour témoigner bénévolement sur des salons ou lors de conférences. Elle publie sur son site internet et sa newsletter des témoignages classés par métier pour susciter l'identification et propose en ligne une version gratuite de son logiciel pour attirer, notamment, des consultants, qui peuvent préconiser cette solution à leurs clients.
Rien de tel qu'une visite. Une fois les prescripteurs ciblés, il vous faut les aborder. «Le moyen le plus efficace et le plus rentable est la visite par un agent spécialisé», écrit Christian Fauconnet dans son livret intitulé La prescription dans le bâtiment en France, publié sur www.archiliste.fr/index-industriels.asp. Vous pouvez, à cette occasion, faire un descriptif synthétique de votre produit ou service, en trois ou quatre slides, en prenant soin de l'adapter à chaque interlocuteur. En complément, présenter les articles, la façon de les installer et les références sur un CD-Rom peut s'avérer payant.
«Fidélité, récurrence, amabilité» sont les clés du succès, selon Gabriel Degott, de Cimbat. «Il faut se montrer persévérant. C'est seulement après sept visites qu'un prescripteur se souvient de votre nom.» Le laboratoire Bioalliance Pharma, par exemple, compte envoyer au moins quatre fois par an auprès de ses prescripteurs privilégiés sa dizaine de commerciaux attachés scientifiques. A l'aise sur la pathologie, les traitements et le fonctionnement d'un hôpital, ces derniers les sensibilisent au dépistage de la maladie, c'est-à-dire qu'ils les invitent à encourager leurs patients à parler de leurs problèmes de bouche, avant de démontrer l'intérêt du produit. Ces attachés rencontrent aussi les médecins lors de congrès et de réunions hospitalières. Ce qui se rapproche d'une autre méthode: l'infiltration de réseaux. C'est la seule démarche valable pour Françoise Savès, expert-comptable girondine qui prescrit régulièrement une vingtaine d'entreprises (lire témoignage ci-dessous). Entre les syndicats professionnels et autres clubs, le choix est vaste. C'est un moyen de nouer des liens avec d'autres dirigeants qui pourront éventuellement prescrire vos produits.
Après avoir établi une relation de confiance, vous devez travailler la fidélité de vos prescripteurs. «L'élimination se fait rapidement. Cela peut aller très vite, dans un sens comme dans l'autre», prévient Françoise Savès. L'expert-comptable commence par organiser une réunion pendant laquelle le prescripteur, la société «prescrite» et le client se présentent. Puis, elle accompagne la démarche. «Je souhaite un compte-rendu régulier de la part de la personne que je prescris sans avoir besoin de le lui rappeler. Le pire, c'est de demander au client où en est le projet. A contrario, celui-ci adore savoir que l'on est au courant.»
Un contrat moral. Enfin, pour pérenniser la relation, sachez renvoyer l'ascenseur. Michel Gallou dirige Trottier Escribe, une entreprise de vente de combustible et d'installation de chauffage. Il travaille avec les chaudières Viessmann, son principal fournisseur, qui prescrivent sa prestation à chaque fois qu'un client le lui demande. «C'est un contrat moral. Je place leur matériel, eux m'offrent des conditions préférentielles.» Apporter du business à son prescripteur, donc le prescrire à son tour, lui rendre service - prendre son fils en stage, envoyer des documents en urgence... - ou offrir un cadeau valorisant. Ne restez pas centré sur votre entreprise, demandez à votre prescripteur ce que vous pouvez lui apporter. «Comme dans la relation commerciale, il s'agit de faire preuve d'empathie vis-à-vis de l'autre», résume Evelyne Platnic-Cohen, de Mémento Conseil. Pourquoi ne pas organiser des réunions informelles - des déjeuners, par exemple - réunissant entre eux plusieurs partenaires? «Cela renforce la relation que vous entretenez avec eux, car ils vont d'abord parler de vous et vous mettre au centre», poursuit la consultante. Dans le même ordre d'idées, vous pouvez intégrer vos prescripteurs dans les clubs que vous fréquentez. Enfin, les inviter à des manifestations ludiques en dehors du contexte de travail habituel permet aussi de tisser des liens plus forts. Comme le souligne Gabriel Degott, de Cimbat, «un prescripteur préférera recommander quelqu'un qu'il tutoie plutôt qu'une société anonyme».
CLAUDE BARTHES, consultant en stratégie de développement commercial par la prescription, spécialisé dans le bâtiment
AVIS D'EXPERT
Les visites coûtent cher, il faut les optimiser
«Déterminez la population influente sur l'utilisation du produit ou du service, puis prenez rendez-vous sur un sujet précis», conseille Claude Barthès. Ce consultant en stratégie de développement commercial, spécialisé dans le bâtiment préconise de vous renseigner précisément sur chaque contact et ses spécialités avant de vous lancer: «Les visites coûtent cher», rappelle-t-il. Il conseille aussi de préparer un descriptif personnalisé mettant en avant les qualités du produit ou du service. «Chacune des populations de prescripteurs devra recevoir un message adapté à l'usage qu'elle fera du produit.» Par exemple, vous aborderez l'aspect esthétique auprès du maître d'oeuvre et l'aspect technique pour le bureau d'études spécialisé. «Envoyez des représentants qui parlent le jargon du métier et maîtrisent le produit. Un visiteur doit susciter l'envie de l'utiliser, parler très peu de prix et surtout savoir écouter le prescripteur.» Ensuite, il devra le rencontrer régulièrement pour se rappeler à son bon souvenir. «Attention, c'est toujours le dernier qui passe qui a raison...»
JULIEN DUHAUBOIS, responsable des ventes et du marketing chez Inès
«Nous fournissons, à nos prospects qui nous demandent des références, une liste de contacts.»
FRANCOISE SAVES, expert-comptable, présidente du cabinet Hecsa, à Mérignac
TEMOIGNAGE
Je passe trois coups de fil et je trouve le bon prestataire
Lorsqu'elle a bâti son réseau de prestataires à destination de sa clientèle, Françoise Savès, expert-comptable, l'a fait avec beaucoup de précautions. «Ma crédibilité est en jeu, souligne-t-elle. Quand je prescris une société, mes clients doivent être vraiment contents de sa prestation.» Elle entretient une relation étroite avec une vingtaine de sociétés, qu'elle conseille à ses clients confrontés à des besoins en formation, gestion du patrimoine, marketing direct... Son canal de recrutement? Les réseaux et ses propres clients. «L'avantage avec ces derniers, c'est que nous les connaissons très bien. Nous savons qu'ils sont bons dans leur domaine et que leurs entreprises sont bien gérées.» Ceux-ci peuvent aussi parlera leur expert-comptable de sociétés dont ils ont testé les services et sont très satisfaits. «Nous côtoyons parfois des prestataires chez eux, que nous pouvons conseiller à d'autres clients.» Autre moyen de trouver des sociétés de qualité: les clubs d'entreprises. Françoise Savès appartient à celui de Mérignac. «J'y rencontre des sociétés d'horizons très différents.» En revanche, elle ne répond pas aux sollicitations des sociétés en quête de prescripteurs. «C'est une attitude commerciale qui m'agace. Je ne veux surtout pas que ma démarche prenne un caractère mercantile.»
HECSA - Repères
- ACTIVITE: Expertise-comptable
- VILLE: Mérignac (Gironde)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANTE: Françoise Savès, 53 ans
- ANNEE DE CREATION: 1987
- EFFECTIF: 32 salariés
- CA 2007: 2,5 M Euros
- RESULTAT NET: NC