Abeol ou l'histoire d'une liquidation
Nicolas Tillie fait partie de ces rares dirigeants qui osent parler de leurs insuccès. Sans tabou, ni pudeur mal placée, il revient sur son parcours, ponctué de hauts et de bas. De la liquidation judiciaire de son entreprise à la reprise réussie d'une menuiserie... Récit.
Je m'abonne« Aujourd'hui, j'ai conscience que cela peut arriver. » Nicolas Tillie a connu l'expérience la plus traumatisante qui soit pour un entrepreneur: la liquidation judiciaire. Abattu mais pas terrassé, il a repris, moins d'un an après, une menuiserie baptisée Ramus dont les affaires marchent bien. « Je n'ai pas honte de mon parcours », affirme-t-il.
Tout commence en 2003, en Savoie
Après une décennie à monter les échelons de l'entreprise familiale, le jeune homme décide de laisser son père seul aux commandes de sa PME spécialisée dans la sécurité incendie. Son ambition? Monter sa propre société. Il sait que de nouvelles normes, encadrant les dispositifs d'alerte des piscines domestiques, vont entrer en vigueur l'année suivante. Ce sera le créneau d'Abeol. Le marché n'existe pas encore, les produits non plus. L'entrepreneur passe un an à découvrir les acteurs du secteur, à chercher des fournisseurs puis des collaborateurs. Sur le premier semestre 2005, ses commerciaux génèrent un chiffre d'affaires de deux millions d'euros de précommandes. Il faut dire que le dirigeant suscite la demande grâce à une campagne de relations presse et à des publicités dans les magazines. « Nous étions bien structurés et tablions sur un volume de ventes de l'ordre de huit millions d'euros pour l'exercice en cours », se souvient Nicolas Tillie. De quoi atteindre l'équilibre dès l'exercice 2005.
Petit souci: les alarmes sont livrées avec trois mois de retard. Gros problème: elles ne fonctionnent pas correctement. Comme elles sont aux normes, son fournisseur ne veut rien entendre. Les lettres recommandées de clients mécontents qui refusent de payer affluent. La société Abeol manque de liquidités, mais n'est pas encore en cessation de paiements.
Il prend conseil auprès du tribunal
Nicolas Tillie sollicite un rendez-vous auprès du président du tribunal de commerce. Mais il est trop tard. Le magistrat lui suggère la liquidation. Il prend également conseil auprès d'experts du Centre des jeunes dirigeants (CJD), un juge et un avocat, qui lui recommandent eux aussi de ne pas réinjecter d'argent: la réalisation de nouvelles alarmes par un autre fournisseur prendrait trop de temps. Deux mois plus tard, la société ne peut plus faire face à ses dettes, le couperet tombe: une procédure de liquidation est entamée. Abeol cesse d'exister le mois suivant. Le matériel est vendu, les dix salariés licenciés. « N'avoir qu'un seul produit et un seul fournisseur était une faiblesse dont j'avais conscience, analyse-t-il. Mais je n'avais pas les moyens d'élargir ma gamme, ni mon partenariat. » Jamais à bout de ressources, Nicolas Tillie écrit un livre (lire l'encadré ci-contre) puis devient coach de dirigeants. Mais neuf mois après la mort d'Abeol, la gestion d'équipe lui manque. Il rachète Ramus, TPE spécialisée dans les métiers du bois, grâce à un emprunt familial. Et les affaires reprennent!
RAMUS - Repères
- ACTIVITÉ: Menuiserie
- VILLE: Aix-les-Bains (Savoie)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Nicolas Tillie, 43 ans
- ANNEE DE CREATION: 1930
- EFFECTIF: 19 salariés
- CA 2010: 1,6 MEuros
A LIRE
UN LIVRE EN GUISE DE THÉRAPIE
La semaine suivant la liquidation de son entreprise, Nicolas Tillie se lance dans la rédaction de J'avais imaginé le paradis. Le livre de 170 pages, qui retrace son expérience, est publié à compte d'auteur fin 2008.
« C'était ma psychothérapie à moi », explique-t-il. il n'a pas hésité à offrir quelques exemplaires aux salariés de sa nouvelle société, Ramus, pour qu'ils se rendent compte qu'il assume pleinement son parcours.