A 50 ans, Sophie la girafe est une star mondiale
A l'heure où la majorité des jouets vendus dans le monde sont fabriqués en Chine, Vulli, qui réalise 40 % de son chiffre d'affaires à l'export, continue de produire sa fameuse Sophie la girafe en Haute-Savoie. En tête des ventes de jouets bébé dans l'Hexagone, elle est, depuis peu, une star internationale.
Je m'abonneLa célèbre Sophie la girafe va faire des petits. C'est ce qu'annonce Serge Jacquemier, directeur général de la société Vulli. « Après avoir fêté son 50e anniversaire en 2011 à Paris, Sophie la girafe sera déclinée dans l'édition, le meuble et même l'habillement pour enfants, par le biais d'une société qui exploite la licence. » De quoi rester la star incontestée des bambins, d'autant que sa renommée est aujourd'hui planétaire. Distribuée dans plus de 50 pays, vendue à plus de 50 millions d'exemplaires depuis sa création et présente dans tous les magasins de puériculture et de jouets de France, Sophie la girafe a connu un succès que ses créateurs n'avaient pas imaginé.
Le 25 mai 1961, jour de la sainte Sophie, l'entreprise Delacoste, basée à Asnières-sur-Oise et spécialisée dans la fabrication d'animaux en caoutchouc, crée une girafe en latex pour changer des chevaux et des chiens. Une idée de génie.
« Lorsque je suis arrivé à la tête de l'entreprise, je me suis demandé pourquoi Sophie la girafe avait un tel succès depuis tant d'années, raconte Serge Jacquemier. C'est parce qu'elle est unique au monde de par ses caractéristiques et ses propriétés d'éveil. » Fabriqué en caoutchouc naturel issu de l'hévéa, ce jouet déformable, facile à prendre en main et à mettre dans la bouche, éveille tous les sens du bébé (lire l'encadré p. 26) et fait cesser ses pleurs lors des premières poussées dentaires. Un argument qui a fait le tour des maternités et qui a imposé la girafe en tête des ventes de jouets premier âge en France. Et comme la jeune maman se souvient en avoir eu une, bébé, elle en achète une pour son enfant, et ainsi de suite. Un produit vendu de génération en génération, sans publicité: le rêve de toute entreprise!
C'est en 1980 que la société Vulli, spécialisée à l'origine dans les jouets en métal, puis en plastique, avec le célèbre «arbre magique», rachète l'entreprise Delacoste, créatrice de Sophie la girafe. Sa production est délocalisée, au début des années quatre-vingt-dix, à Rumillly, en Haute-Savoie, peu après le rachat de Vulli par le groupe Alain Thirion (déjà présent dans l'univers du jouet avec Joustra). Le véritable tournant s'opère en 2006, lorsque Serge Jacquemier, qui a passé 20 ans à la tête de Smoby, reprend les rênes de Vulli. « Avant mon arrivée, Sophie la girafe était uniquement vendue en France, précise-t-il. Comme ce jouet s'est imposé dans notre pays par le bouche à oreille, il n'y avait pas de raison pour qu'il en soit autrement à l'étranger. »
Vulli
- Activité
Fabrication de jouets premier âge et d'articles de puériculture
- Ville
Rumilly (Haute-Savoie)
- Forme juridique
SAS
- Dirigeant
Serge Jacquemier, 67 ans
- Année de reprise
1989
- Effectif
72 salariés
- CA 2010
16 MEuros
- CA 2011
21 MEuros (dont 9 MEuros à l'export)
L'international, clé du développement
Décision est donc prise de lancer la girafe à l'export. Les distributeurs étrangers, plutôt de jeunes couples biculturels choisis pour leur motivation, signent un contrat d'utilisation du nom avec un objectif de ventes défini par rapport au nombre de naissances dans le pays. Il leur est surtout demandé de promouvoir le produit sur Internet, à l'heure où les «digitals mums» passent beaucoup de temps sur le Web.
Dès 2007, les packagings sont déclinés en sept langues et les ventes en ligne décollent rapidement aux Etats-Unis, où les qualités naturelles du produit sont un atout par rapport aux jouets «made in China». Suivent le Canada, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le reste de l'Europe, mais aussi le Japon, l'Australie ou encore la Nouvelle-Zélande. Cinq ans après ses débuts à l'export, Vulli y réalise plus de 40 % de son chiffre d'affaires!
Parallèlement, Vullilance une gamme complète d'articles de puériculture et de jouets premier âge avec un leitmotiv: répondre à un besoin quotidien de bébé en y associant une fonction d'éveil. Aujourd'hui, la gamme compte plus de 200 références: de l'anneau de dentition au hochet, en passant par la peluche, le boulier et le matelas d'éveil. A la collection Sophie la girafe et aux jouets Klorofil, articulés autour de «l'arbre magique», s'ajoute la gamme de produits bio logiques So'Pure. Mais la star reste bien la girafe fétiche, représentant un tiers du chiffre d'affaires de Vulli et vendue, l'an dernier en France, à 816 000 exemplaires pour 830 000 naissances!
ZOOM
Une entreprise qui protège les emplois...
C'est toujours à Rumilly en Haute-Savoie, que Vulli fabrique ses girafes, selon un procédé jalousement gardé, comportant pas moins de 14 opérations manuelles. La sève d'hévéa (latex) est d'abord contrôlée, puis coulée dans des moules en plâtre comportant dix empreintes, pour y être chauffée. La vulcanisation du latex se fait alors par rotomoulage, suivant un mouvement planétaire. Une fois démoulées, les girafes sont laissées au repos pour mûrissement des ébauches, avant que de petites mains s'occupent de leur finition: meulage, mise en place du sifflet, peinture des taches, des yeux et de la bouche. Au total, près de 70 personnes s'occupent de la production, et la transmission du savoir-faire est assurée par tutorat.
... Et l'environnement
Fabriquée à partir de sève d'hévéa et peinte avec des colorants alimentaires, Sophie la girafe est un jouet 100 % naturel, comme tous les produits de la gamme So'Pure réalisés en coton, caoutchouc ou fibre végétale de maïs. Avec la gamme Klorofil et son «arbre magique», Vulli entend également sensibiliser les enfants à l'écologie. Depuis quelques années, l'entreprise cherche à réduire son empreinte carbone en triant les emballages et les déchets, mais aussi le plâtre utilisé pour la fabrication des girafes, retourné chez les fournisseurs pour y être recyclé.
@ HARCOURT/VULLI
Sophie la girafe, star de Vulli, a été vendue à 816 000 exemplaires en France, l'an dernier, pour 830 000 naissances.
Un produit star «made in France»
A l'heure où 80 % des jouets sont fabriqués en Chine, Vulli continue de produire Sophie la girafe en HauteSavoie de manière artisanale (lire l'encadré p. 25), selon un savoir-faire complexe: la vulcanisation par rotomoulage du caoutchouc. « Le latex, de qualité médicale, est sélectionné auprès de producteurs de sève d'hévéa de Malaisie. Il est directement acheminé par bateau au Havre, explique Serge Jacquemier. Mais avec le développement international des ventes, nous envisageons de nous approvisionner aussi au Brésil et de produire sur place.» A cheval sur la qualité des matières premières comme de ses produits, Vulli est également sensible à la réduction de son empreinte carbone (lire l'encadré p. 25). « Quand on fabrique un produit naturel et bio, il faut que toute l'entreprise suive cette démarche de développement durable, du recyclage des déchets au traitement des effluents », indique le directeur général de la société Vulli.
Elevée au rang d'objet culte «made in France» aux côtés de la DS et du Concorde, Sophie la girafe a conquis les masses comme les stars, de Madonna à Sofia Coppola, en étant à la fois ludique et utile, bio et mondiale. Nul doute que cette cinquantenaire est loin d'être «has been»...
DATES-CLES
1945
Création des Etablissements Vullierme, spécialisés dans la fabrication de pièces métalliques et de jouets mécaniques.
1961
Création de Sophie la girafe le 25 mai au sein de la société Delacoste, à Paris.
1980
Création de la marque Vulli et rachat de la société Delacoste.
1989
Rachat de la société Vulli par le groupe Alain Thirion.
1991
Transfert de la fabrication de Sophie la girafe dans les locaux de Vulli à Rumilly.
2006
Nomination de Serge Jacquemier au poste de directeur général. Lancement à l'export de Sophie la girafe et des nouvelles collections.
2009
Sophie la girafe est élue produit de l'année aux Etats-Unis par une association de détaillants.
2011
Vulli célèbre les 50 ans de Sophie la girafe.
ZOOM
Vulli éveille les cinq sens de l'enfant
Son succès, Sophie la girafe le doit avant tout à ses propriétés d'éveil. Par ses couleurs contrastées, c'est un jouet qui attire l'oeil de l'enfant en bas âge, quand son sifflet stimule son ouïe et l'aide à comprendre la relation de cause à effet. Faite pour être mordillée et soulager les gencives, elle remplace la tétine du biberon ou les sucettes, et l'odeur particulière du caoutchouc naturel la singularise des autres jouets.
Par sa forme, enfin, et sa matière, elle facilite la préhension et rappelle le toucher de la peau maternelle.
Et lutte contre les maladies génétiques
Depuis plusieurs années, Vulli est engagée auprès de l'association VML (Vaincre les maladies lysosomales), qui lutte contre des maladies génétiques rares regroupant une cinquantaine d'affections handicapantes liées à un dysfonctionnement du lysosome (particules présentes dans le cytoplasme des cellules). Vulli a également participé à la création de Léo le lysosome, personnage porte-parole de l'association, et fabriqué de petites mascottes pour récolter des fonds.
En 2011, le produit de la vente aux enchères de créations d'artistes autour de Sophie la girafe est également reversé à l'Institut de cancérologie Gustave-Roussy.