Réforme des retraites : plaidoyer pour réinventer la courbe des âges en entreprise
Publié par Marie-Liesse Morgaut le | Mis à jour le
Le report de l'âge de la retraite a entraîné des conséquences individuelles fortes. Travailler plus longtemps pour répondre à une exigence démographique, on peut en comprendre la nécessité. Encore faut-il que le marché du travail le permette et que les entreprises jouent le jeu.
Là où certains se sentaient tout près de la ligne d'arrivée, la nouvelle règle les remet dans la course pour quelques trimestres supplémentaires. La réforme a également laissé des traces au sein de la société française, par les vifs débats qu'elle a occasionnés et la façon dont la loi a été passée. La place du travail au sein de nos vies et de notre société a été questionnée. Le rôle et la responsabilité de l'entreprise pour faire du travail une source d'épanouissement et non de souffrance ont été soulignés. Mais parmi les enjeux de cette réforme, c'est celui de l'employabilité des seniors qui a fait couler le plus d'encre.
Sur un benchmark international, la France est réputée pour être le pays des carrières courtes : on démarre plus tard et on termine plus tôt. Cette concentration de la vie active a eu tendance à générer une uniformisation des profils au travail qui ne reflète pas la démographie du pays, voire à créer des stéréotypes forts à l'égard des seniors, qui ne correspondent pas au candidat idéal attendu par les entreprises. Aujourd'hui, les entreprises ont compris qu'elles étaient en première ligne pour répondre aux enjeux de l'allongement de la durée de la vie professionnelle.
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Qui sont les gagnants et les perdants de la réforme ?
Cette réforme était appelée comme un impératif économique pour faire face au déficit des retraites et au vieillissement de la population. Cependant, dans sa volonté de passer en force, le gouvernement a provoqué un divorce entre une mesure, certes nécessaire, et une grande partie des Français.
Les perdants, ce sont indubitablement les Français qui ont une relation avec leur travail difficile. Ceux pour qui travailler, pour diverses raisons, ne peut être source d'épanouissement. Ceux qui exercent un métier physique, pénible, peu valorisé socialement et financièrement. Ceux qui arrivent en fin de carrière dans un état d'épuisement intense et qui se demandent s'il leur restera de l'énergie pour profiter de leur retraite. A proximité de la ligne d'arrivée, il faut rempiler.
De l'autre côté, l'entreprise est-elle gagnante ou perdante ?
Sans être perdante, l'entreprise a été placée devant sa responsabilité pour assurer le maintien en emploi des seniors. Pour responsabiliser les dirigeants sur ce sujet, un projet d'index senior, sur le même principe que l'index d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, a ainsi été envisagé. Bien que non retenu dans le cadre de la loi qui s'applique depuis le 1er septembre 2023, l'index senior reste un dispositif incitatif qui pourrait être mis en place dans les prochaines années.
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Qui seront les entreprises gagnantes ?
Celles qui auront réussi à s'adapter et repenser leur organisation pour intégrer une plus grande pyramide des âges de leurs employés. Ces dernières seront d'autant plus gagnantes que les entreprises font aujourd'hui face à une guerre des talents et à un enjeu clé d'attractivité.
Au moment même où une partie de la jeune génération discrédite le salariat et l'entreprise, les seniors heureux dans leur job, sans enfant à charge ou avec de grands enfants, ont une disponibilité plus grande à offrir.
Gagnantes seront les entreprises qui auront créé un climat de dialogue avec leurs seniors pour comprendre là où ils en sont, comment ils se projettent dans les prochaines années et comment ils ont envie d'offrir leur expérience, leur prise de recul, leur envie plus que jamais de se sentir utile alors que la fin de leur carrière approche.
Mais comment intégrer ce changement de paradigme et adopter l'intergénérationnel au sein de son entreprise ?
Ce n'est ni facile, ni systématique et nous avons tous le réflexe de nous rapprocher de ceux qui ont notre âge. Il y a donc un vrai enjeu d'accompagnement pour dépasser les stéréotypes, dont nous pourrions résumer les grandes étapes en trois points.
Et si les gagnants étaient les seniors eux-mêmes, dans la mesure où cette réforme a enfin mis fin à l'omerta sur leur employabilité et à leur faible désirabilité dans l'entreprise ? Et si cette réforme permettait de réduire la durée des transitions professionnelles, deux fois plus longues pour les seniors et sans relation avec le faible taux de chômage ? Là aussi, ce sujet est avalé dans l'actualité, faute de réponses possibles. Certaines entreprises se séparent encore de leurs cadres et cadres dirigeants seniors sans leur offrir d'accompagnement en outplacement.
Il est temps de prendre enfin la mesure de l'expérience des seniors, leur prise de recul, leur savoir-faire, leur connaissance des crises. Le succès du management de transition est d'ailleurs une parfaite illustration de leurs atouts face au besoin de l'entreprise de faire face à des crises de gouvernance et des déficits de compétences.
Les débats autour de la réforme des retraites ont permis la prise de conscience du fait que l'on ne peut pas continuer à recruter avec la même focale, et qu'il en va de la responsabilité sociétale de l'entreprise.
L'entreprise a un rôle à jouer pour accompagner ce changement culturel et renverser les paradigmes bien ancrés. La complémentarité des générations est une richesse dès lors que les uns et les autres apprennent à collaborer, à croiser leurs savoirs, à vivre des expériences apprenantes comme chaque fois qu'ils sont confrontés à leurs aînés ou aux plus jeunes.
Pour cela les entreprises peuvent se faire accompagner et choisir des projets motivants pour les équipes et la projection de l'entreprise.
Nous l'avons évoqué, la situation de chaque salarié et sa relation au travail est très personnelle.
Il est alors important de formaliser avec les ressources humaines un dispositif qui puisse déboucher sur un contrat d'engagement du salarié senior. Pouvoir l'écouter est le prérequis pour entendre comment il se projette dans les 5 prochaines années, entendre sa motivation, sa loyauté envers l'entreprise. Ce moment d'échange et cette relation qui s'instaure lui permettront de sortir d'une posture défensive parfois et de devenir réellement acteur de sa trajectoire professionnelle.
Marie-Liesse Morgaut, directrice générale de Nexmove.
Elle fait sienne la signature « For Leaders in motion » de Nexmove, cabinet qui accompagne les dirigeants et les équipes dirigeantes à toutes les étapes clés de leur trajectoire professionnelle, en conjuguant coaching individuel et dynamique collective afin de proposer une expérience immersive propice au développement du leadership et de l'employabilité de chacun.
L'enjeu de l'employabilité des seniors est un sujet qu'elle porte depuis longtemps, avec la frustration d'une problématique longtemps taboue qui revient aujourd'hui dans l'agenda des entreprises en recherche de compétences et d'expérience.
Dans le cadre de l'accompagnement en transition de carrière (dit Executive outplacement), Nexmove contribue directement à booster l'employabilité des seniors et à réduire le temps de transition de ces derniers.
Dans une première partie de carrière, après une formation initiale en Droit des affaires-fiscalité, Marie-Liesse Morgaut a accompagné les clients grands comptes dans leur stratégie immobilière chez JLL, puis chez Hammerson. A l'instar des coachs de Nexmove, c'est à l'issue d'une formation au coaching et à la médiation qu'elle a choisi d'endosser de nouvelles responsabilités dans le domaine du développement professionnel des décideurs en entreprise.