Holacratie, management constitutionnel : un nouveau modèle pour l'entreprise ?
Publié par Bernard Marie Chiquet, fondateur de l'institut iGi, et Matthieu Brunet, codirigeant d'Arcadie le | Mis à jour le
Réinventer son organisation et donner vie à une nouvelle forme de management : tel est le challenge que se donnent un nombre croissant d'entreprises. C'est à celui-ci que répond le management constitutionnel présenté par Bernard Marie Chiquet, son inventeur et Matthieu Brunet, chef d'entreprise.
Beaucoup d'entreprises et de dirigeants ressentent ce besoin prégnant de réinventer leur organisation. Pourquoi ? Pour donner vie à une entreprise résiliente, capable de faire face aux enjeux d'aujourd'hui et de demain et, surtout, pour en faire une organisation capable de survivre à ses patrons et ses actionnaires. Cela amène à une entreprise réinventée et libérée de ses entraves ; une entreprise qui rompt avec le modèle conventionnel et garantit autonomie et responsabilité à chacun. Une organisation bâtie sur un corpus de règles explicites regroupées dans une Constitution; une organisation qui s'appuie sur un management constitutionnel pour cheminer vers son but ultime : le self-management.
C'est à cet ambitieux challenge que l'holacratie permet de se frotter. A tous ces dirigeants qui cherchent à réinventer leur organisation, à structurer leur management, l'holacratie propose un nouveau paradigme pour le penser et le faire évoluer. Elle leur offre son infinie richesse.
Que deviennent les chefs ?
Sans doute parce que nos habitudes et nos schémas mentaux ne nous prédisposent pas à une vision totalement réinventée de l'organisation, beaucoup continuent d'associer l'holacratie à un système managérial sans chef et horizontal. Quelle erreur ! L'holacratie n'est pas une nouvelle théorie managériale. Elle n'est pas davantage une philosophie comme peut l'être l'entreprise libérée du professeur Isaac Getz, cette entreprise aux mains d'un " leader libérateur ". L'holacratie est avant tout une pratique fondée sur une Constitution, un faisceau de règles explicites qui s'appliquent et surtout s'adaptent à chaque organisation et à chacun en son sein.
Et si opter pour l'holacratie fait disparaître l'ascendant hiérarchique caractéristique du modèle conventionnel, elle n'est en rien un clap de fin pour le management puisqu'elle permet l'émergence d'un manager d'un nouveau genre. Avec l'holacratie, l'organisation a plus que jamais besoin de fonctions managériales et de managers. En réalité, l'holacratie est un outil, un cadre réinventé pour le management ayant le self-management comme finalité. En choisissant d'abandonner le modèle d'organisation conventionnel, l'entreprise et ses collaborateurs choisissent de rompre avec un modèle qui se définit au travers de son chef et de ses " petits-chefs ". Ils optent pour un système construit selon des règles écrites, une Constitution. Fini le fait du prince, ces " petits-chefs " incarnant une organisation " féodale ", source de frustrations et menace pour la pérennité de l'entreprise.
Progresser vers le self-management
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, opter pour un management constitutionnel en s'appuyant sur l'holacratie signifie que non seulement on a toujours besoin de managers mais qu'on en a encore plus besoin qu'avant. Pas ce manager qui dicte et impose ses choix du fait de son ascendant hiérarchique, de règles implicites que nul ne saurait contester. Un manager qui assoit dorénavant sa légitimité sur ses compétences dans les rôles que l'organisation et la Constitution lui ont confiés. Il définit et affecte les rôles. Il priorise. Surtout, il modèle cette nouvelle façon d'exercer le pouvoir selon les règles proposées par l'holacratie, et peut ainsi accompagner les collaborateurs vers plus d'autonomie et de responsabilités, vers le self-management.
Bien sûr, cela ne peut se décréter et reste le résultat d'un long cheminement. Lors de ce parcours, chaque collaborateur est en mesure de prendre du recul sur son travail, sur les rôles que l'organisation lui a confiés. Dans ces conditions, tous sont en capacité d'aller progressivement plus loin et d'incarner, pour les rôles qui leurs incombent, une forme de leadership c'est-à-dire d'assumer des responsabilités et des décisions.
Et, puisque la transmutation qui conduit vers le self-management est un processus long, que l'holacratie n'est pas un chemin que l'on peut parcourir seul, le management a, plus que jamais, un rôle fondamental. Et, en premier lieu, en montrant l'exemple, en donnant du sens, en expliquant et en réexpliquant, en accompagnant chaque collaborateur. Car, si l'holacratie est le meilleur allié des organisations sur la voie du management constitutionnel et du self-management, elle est aussi une innovation qui induit ses difficultés. Logiquement, elle implique une période de transition plus ou moins longue entre l'abandon du modèle conventionnel et une appropriation satisfaisante de l'holacratie et du management constitutionnel qui en émerge.
" Changer le monde "
Mais pourquoi s'infliger tant de difficultés nous direz-vous ? Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? La réponse est non si vous vous inscrivez dans une démarche " intéressée " et à court terme. La transmutation qu'induit le passage à un management constitutionnel implique que la raison d'être de l'entreprise soit au coeur de votre démarche, que l'innovation entrepreneuriale et sociale soit votre ADN, votre carburant. Car, s'il existe bien un point commun entre les organisations qui ont franchi le pas de l'holacratie, c'est bien cette volonté commune de " changer le monde " et de mettre l'entreprise et son organisation en accord avec cette ambition.
Dans ces conditions, l'holacratie est une réponse pour toutes les entreprises, pour tous les patrons qui ont une vision à long terme, une raison d'être qui les qualifie et les anime. Avec elle, l'organisation s'appuie sur un management et un self-management constitutionnel capable d'évoluer et de s'adapter à son environnement, conçu pour durer et survivre à son patron, à ses dirigeants et à ses actionnaires. L'entreprise réinventée avec l'holacratie prend les traits d'une organisation résiliente.
Faire route vers une organisation constitutionnelle débarrassée des jeux de pouvoirs et des règles implicites, tel est le sens de l'histoire. L'holacratie mène vers cette organisation " augmentée " par un management et un self-management constitutionnels, centrée sur sa raison d'être et animée par une vision à long terme. Elle apporte clarté et responsabilité à tous. Elle guide chacun à l'intérieur d'une organisation où il peut enfin s'épanouir et s'engager. De quoi justifier le long parcours qu'elle implique pour tendre vers le self-management.
Pour en savoir plus
Bernard Marie Chiquet, fondateur de l'institut iGi. Il est formateur et consultant en organisations, spécialisé sur l'évolution des modes de gouvernance. Il accompagne les entreprises à travers leur changement systémique. Son Twitter.
Matthieu Brunet. co dirigeant d'Arcadie