Comment mieux comprendre ses collaborateurs
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
Comment mieux percevoir le potentiel de vos équipes ? Un chapitre dédié à l'appréhension et la compréhension de l'autre en entreprise, dans ce nouvel extrait du livre L'esprit du leader de Rasmus Hougaard, Jacqueline Carter et Martial Vidaud.
Pour diriger vos collaborateurs, vous devez d'abord les comprendre. Comprendre ce qui est important pour eux, ce qu'ils pensent et ce qu'ils ressentent. Alors seulement vous pourrez les diriger vers plus de sens dans leur travail, plus de bonheur et plus de lien.
Mais, pour y parvenir, il vous faudra relever plusieurs défis. Le premier défi vient du fait que nous ne voyons pas les autres tels qu'ils sont, mais à travers le filtre de nos propres perceptions et préjugés inconscients. Par ailleurs, les autres eux-mêmes ne sont pas leurs paroles et leurs pensées, mais plutôt leurs expériences et leurs sentiments. Prenez un moment pour tester vos propres préjugés inconscients. Imaginez que vous recevez un message vous informant que votre entreprise vient d'engager un nouveau CTO (directeur technique).
Votre première réaction
Comment visualisez-vous cette personne ? Une Brésilienne, de petite taille, dans la soixantaine, conduisant une camionnette Ford ? Ou bien un homme blanc, de grande taille, jeune quadragénaire au volant d'une Tesla ? Nous avons tous des préjugés inconscients. Nos esprits créent constamment notre perception de la réalité. Pour des leaders, c'est un problème, parce que nous ne voyons pas les gens tels qu'ils sont, mais tels que nous sommes.
Or, pour diriger efficacement, nous devons nous ouvrir l'esprit, et éviter des jugements partiaux et une mentalité rigide. Pour relever le second défi, nous devons comprendre les émotions et apprendre à les gérer judicieusement. Un leadership efficace ne consiste pas à approcher les personnes que nous dirigeons et les membres de notre équipe par le canal de leur rationalité, mais à travers leurs émotions. Ce n'est qu'en apprenant à être en phase avec les émotions (à commencer par les nôtres) que nous deviendrons des leaders véritablement inspirants et motivants. Penchons nous sur l'un des principaux obstacles à notre compréhension des autres : nos préjugés inconscients.
Les préjugés inconscients
Nous avons tous des préjugés, des jugements et des idées préconçues qui influencent notre façon de voir les autres. Les préjugés inconscients sont un obstacle pour nous leaders parce qu'ils nous amènent inconsciemment à cataloguer nos collaborateurs, et nous empêchent de voir leur potentiel et leurs réelles motivations.
Voyez si vous vous identifiez à cette expérience vécue par une femme, haut cadre avec laquelle nous avons travaillé dans une société internationale de conseils financiers. Elle ressentait de la frustration à l'égard d'un membre de son équipe qui se plaignait souvent des autres départements, du temps qu'il faisait, d'informations manquantes, etc. Ses plaintes incessantes l'avaient amenée à considérer ce collègue comme un contestataire chronique, un pessimiste qui voyait systématiquement le verre à moitié vide et les aspects négatifs d'une situation
Un jour, au cours d'une réunion, cet individu a lancé une discussion sur le partage des informations au sein de l'équipe. Avant qu'il ait terminé sa phrase, la directrice a pensé : " Ça y est, ça recommence. " Elle lui a coupé la parole et lui a demandé de passer au point suivant de l'ordre du jour. Les autres membres de son équipe l'ont regardée abasourdis. Cette personne avait proposé une stratégie constructive qui pouvait résoudre un point important et problématique. Mais la directrice l'avait écartée de la discussion. Forte de ses idées préconçues, elle avait arrêté d'écouter dès qu'elle avait commencé à entendre la première plainte. Ce n'est qu'après que tout le monde eut fait part de ses objections au cours de la réunion qu'elle a réalisé les effets négatifs de son préjugé. Elle avait failli passer à côté d'une solution avantageuse en termes de temps et d'argent, bénéfique à l'équipe entière, parce qu'elle n'arrivait pas à voir au-delà de son jugement initial sur ce salarié.
Les préjugés inconscients nous empêchent de voir ce qui se trouve juste devant nos yeux. Par exemple, des études ont démontré l'impact des biais inconscients sur les décisions prises lors d'un recrutement. Dans l'une d'entre elles, des chercheurs ont élaboré des CV fictifs pour répondre à des offres d'emploi, dans lesquels ils ont assigné au hasard des noms à résonance afro-américaine ou blanche. Les CV associés à un nom laissant penser que la personne était blanche ont obtenu 50 % de plus de réponses leur proposant un entretien que les candidats afro-américains, et ces réponses faisaient davantage référence à la qualité du CV 1.
Les préjugés inconscients nous empêchent de voir les gens tels qu'ils sont et d'entendre ce qu'ils disent réellement. Ils nous amènent à voir le monde tel que nous sommes et non tel qu'il est. Ce point est important. En réalité, nous ne voyons pas les autres et le monde tels qu'ils sont. Notre esprit crée notre réalité.
D'un point de vue neurologique, lorsque nous voyons quelque chose pour la première fois, nous en créons une image mentale. Quand nous revoyons cette même chose, ou quelque chose de similaire, en une fraction de seconde, l'esprit rapporte cette image mentale, et c'est ce que nous voyons.
On appelle cela la" perception habituelle ". Notre esprit adore cataloguer les gens,les objets et les idées, les caser dans des catégories bien ordonnéesque nous comprenons instantanément. D'un côté, cette faculté peut être très utile. Elle nous permet d'évoluer efficacement au sein d'une réalité complexe. Nous serions submergés si nous ne pouvions pas organiser et catégoriser. Voyons les choses ainsi : vous ne pourriez pas accomplir grand-chose si, chaque fois que vous voyiez quelqu'un, vous deviez réfléchir pour vous rappeler son identité et la nature de votre relation.
De l'autre, cette tendance a ses inconvénients. La manière dont vous percevez vos collaborateurs est beaucoup moins déterminée par qui ils sont, et beaucoup plus par votre passé. En d'autres termes, votre esprit (tout comme celui de cette directrice) vous a programmé pour interpréter la réalité d'une certaine façon. Cela inclut les personnes qui occupent votre réalité. Clairement, une telle approche entrave votre capacité à comprendre véritablement vos collaborateurs. Si vous les percevez d'une seule et unique manière, vos attentes en seront limitées. Réfléchissez aux préjugés inconscients dont vous pourriez être victime au sujet de votre équipe et de vos collègues en général. Quelles idées préconçues agissent dans votre esprit lorsque vousles rencontrez ? Avez-vous tendance à écouter plus attentivement les hommes ou les femmes ? Êtes-vous plus ou moins attentif en fonction de leur âge ? Prenez un moment pour penser aux cinq personnes que vous fréquentez le plus et demandez-vous quels préjugés inconscients vous avez à leur sujet. Une fois ces préjugés admis et compris, vous commencerez à voir les individus et les problèmes à partir d'une perspective plus claire, appelée " l'esprit du débutant ". Il sera un atout pour vaincre ces préjugés et motiver efficacement vos collaborateurs.
L'esprit du débutant
L'esprit du débutant se définit par la capacité à éviter le piège des préjugés inconscients et de la perception habituelle. C'est l'aptitude à voir chaque personne et situation - y compris soi-même - avec un regard neuf. Il s'agit de voir ce qui est, et non ce que nous nous attendons à voir. Grâce à la pleine conscience,nous entraînons notre esprit à adopter ce regard neuf, à chaque moment. Nous nous entraînons littéralement à être pleinement conscients et alertes au sujet de tout ce que nous percevons, et à ne pas céder à nos préjugés inconscients.
Avoir un état d'esprit de débutant n'est facile pour personne, mais cela peut être particulièrement difficile pour les leaders. Victor Ottati, professeur en psychologie à l'université Loyola de Chicago, a découvert que les personnes qui se perçoivent elles-mêmes comme expertes dans un certain domaine font preuve d'un niveau plus élevé de fermeture d'esprit.