[La question] Peut-on être CEO en ayant le syndrome de l'imposteur ?
Publié par Alexandre des Isnards le - mis à jour à
Pourquoi se sent-on parfois mal à l'aise dans le costume de dirigeant ? A cause du syndrome de l'imposteur, cette fâcheuse tendance à remettre en cause ses qualités. Quelle erreur !
Ca y est, c'est acté : vous êtes à la tête de Veltis, un fabricant de cloisons amovibles de bureau. Une promotion naturelle : vous étiez déjà aux manettes, mais sans le titre. Une promotion méritée : la cloison connectée, c'est votre idée, ça a sauvé l'entreprise. Une promotion souhaitée : on vous adore en interne (sauf celui que vous remplacez).
Mais ce lundi matin, vous vous sentez bien seule en salle Jonquille. Vous tenez votre café en tremblant et relisez l'ordre du jour. Dans cinq minutes, les membres de votre premier Codir vont peupler la table que vous présidez. Maryse, Sacha, Philippe, Victor : l'équipée sauvage avec laquelle vous avez élaboré le projet " cloison intelligente " dans la sueur et les plateaux repas est désormais sous vos ordres. Vos potes de Teams et de café sont vos n-1 ! Et vous vous sentez exposée. On attend de vous des décisions et non plus des suggestions. Vous ne pouvez plus vous cacher derrière le groupe. Le problème est profond : en fait, vous avez le sentiment de ne pas mériter votre place. Petite, c'était votre grand frère qu'on écoutait toujours. Aujourd'hui vous pensez que ce n'est pas vous qu'on doit écouter. Pour compenser vos craintes, vous vous dopez au travail, mais vous vous dites qu'un jour vous serez démasquée. Ce week-end, vous avez passé en revue les dernières phases du projet en cours. Ça ne fait que légitimer votre sentiment d'illégitimité. Le cercle vicieux classique.
Vous êtes atteinte du " syndrome de l'imposteur ".
Deux psychologues américaines ont inventé ce syndrome en observant 150 femmes diplômées qui occupaient toutes des postes prestigieux et qui toutes attribuaient leur réussite au hasard ou à la chance. Toutes craignaient un jour d'être repérées comme des usurpatrices. Éclairant, mais pénible car stigmatisant. Un syndrome est un état pathologique. Virginie, la nouvelle boss de Veltis, n'est pas malade ou alors nous sommes tous malades. Se sentir impressionné quand on accède à de nouvelles responsabilités est banalement humain. Notre époque soufre du " syndrome des syndromes " . En qualifiant tout de syndrome, nous érigeons en diagnostic médical de simples comportements. Or, les vrais syndromes existent et correspondent à des réalités cliniques : syndrome d'asperger (trouble autistique sans déficience intellectuelle), de la Tourette (affection neurologique caractérisée par des tics moteurs) ... Le syndrome de l'imposteur est une imposture, au même titre que tous les syndromes inventés : du petit chef, de la dispersion...
Mais c'est dans l'air du temps. Pour exorciser notre quotidien, nous faisons tous notre soupe psychologique. " Patrick est dans le déni ", " Elle me saoule l'autre bipolaire là ! ", " Le ministre s'est montré autiste à nos demandes ", " Mais t'es complètement schizo ma pauvre ! "
Bipolaire, autiste, schizophrène ou borderline, des termes psy pro et précis, sont devenus des expressions usuelles. " Faire son deuil ", par exemple, est un processus de cicatrisation psychique par lequel nous passons pour accepter la réalité de la mort. Virginie, qui a perdu ses affaires au club de gym, confie ainsi à sa copine: " J'ai définitivement fait le deuil de mes chaussures. "