Restructurer son entreprise : quelle formule choisir ?
Publié par Aurélie Kamali-Dolatabadi, Marion Narran, cabinet Courtois Lebel le | Mis à jour le
Inquiétude, incompréhension, démobilisation... la restructuration a mauvaise réputation, alors que préparée et négociée, elle peut être réussie. Le dirigeant doit anticiper les difficultés économiques et sociales en faisant preuve de méthode et en déterminant l'outil juridique le mieux adapté.
APC ? RCC ? PSE ? PDV ? GPEC ? Ces acronymes ont de quoi faire tourner la tête à n'importe quel dirigeant... alors qu'il suffit d'établir le bon diagnostic, réaliser le meilleur arbitrage possible entre le panel d'outils juridiques mis à sa disposition, pour réussir la restructuration de son entreprise.
Un diagnostic à établir : viser le bon objectif
Pour choisir le mode de restructuration le plus adapté de son entreprise, le dirigeant doit exposer avec précision sa problématique et avoir une vision claire de l'objectif à atteindre.
Poser les bonnes questions
La suppression de postes est-elle l'objectif principal ou, au contraire, le dirigeant souhaite-t-il préserver ou développer l'emploi ? Si tel est le cas, il optera pour un accord de performance collective (APC), ou la mise en place de mesures visant à anticiper et adapter la structure des effectifs, des emplois et des métiers, par la négociation d'une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC). En revanche, si la suppression d'emplois est inéluctable, elle peut se faire à l'amiable, par le biais d'un plan de départs volontaires (PDV), d'une rupture conventionnelle collective (RCC) ou de licenciements (PSE).
Le dirigeant doit également s'interroger sur la durée de la restructuration : est-elle temporaire, le temps d'affronter une tempête économique comme le confinement (APC), ou définitive, en raison d'une situation déjà irréversible (PSE, RCC, PDV) ?
Anticiper les risques
Le dirigeant doit anticiper les risques et les dommages collatéraux spécifiques à la formule choisie. La plupart sont communs à la restructuration et sont le cauchemar de tout dirigeant : la grève ou le blocage du site. Outre l'indispensable connaissance du climat social de son entreprise, le chef d'entreprise peut également, en fonction de l'activité de son entreprise et de la restructuration à mener, avoir à connaître les représentants et le climat politique du territoire.
Il doit aussi pouvoir anticiper la capillarité avec les entreprises qui l'entourent, celles du même secteur d'activité, afin d'éviter une explosion sociale ou économique qui aurait des conséquences directes sur la clientèle, les sous-traitants et in fine l'image de l'entreprise.
En revanche, certains dommages collatéraux sont plus susceptibles de se produire avec une formule de restructuration plutôt qu'une autre. Cela nécessite donc une vigilance accrue lors du choix entre, un PSE plutôt qu'une RCC ou un PDV, ces deux dernières formules étant en principe socialement moins houleuses.
Pour un même outil comme le PSE, les moyens mis en oeuvre peuvent aussi se révéler plus ou moins risqués : la négociation d'un accord collectif majoritaire sera préférée à un acte unilatéral de l'employeur, à condition d'être dotée d'interlocuteurs disposés à dialoguer sereinement et efficacement. Le PDV, basé sur le volontariat, peut révéler des inconvénients, comme le départ des bons éléments, ou, au contraire, être un échec cuisant si le contexte économique bloque toutes velléités de départ des salariés. Un APC, instrument souple permettant une adaptation plus rapide et agile de l'entreprise à son environnement économique, peut devenir un véritable cauchemar social si aucune compensation n'est apportée aux sacrifices des salariés.
L'épreuve du feu : une mise en oeuvre apaisée
Une fois le diagnostic établi, le choix de la procédure s'impose : le dirigeant doit s'entourer pour connaître avec précision le régime juridique et les modalités de mise en oeuvre de la formule choisie.
Préparation et coût de l'opération projetée
Le dirigeant doit éliminer toutes difficultés inutiles pouvant survenir au cours de la restructuration. Rien n'est pire que de s'apercevoir en cours de procédure que les mandats des représentants du personnel ne sont pas conformes, que les délégations de pouvoirs sont inexistantes, que des dispositions conventionnelles spécifiques ont été oubliées, que des engagements antérieurs s'opposent à ceux à venir. Il devra également lister toutes protections spécifiques applicables à certains salariés.
Le coût de l'opération doit être chiffré, afin d'anticiper les concessions à venir dans le cadre des négociations. Qu'il soit externe ou interne, aucun coût ne doit être négligé, notamment dans le cadre d'un PSE ou d'un PDV.
Des processus clairs et sécurisés
La documentation juridique doit être préparée en amont avec sérieux pour être ensuite communiquée aux élus, aux salariés et à l'administration. Le Code du travail liste, pour la plupart des procédures de restructuration, les documents devant être communiqués, leur contenu, leur destinataire et les délais d'envoi. Néanmoins, l'entreprise doit s'assurer qu'aucun flou ne subsiste, dans son discours comme dans ses écrits. Les contours de la réorganisation doivent apparaître clairement aux tiers, sans qu'il n'y ait besoin de multiplier les réunions ou les discussions plus que nécessaire.
La stratégie de communication doit également avoir été pensée, pour atténuer les éventuels effets négatifs du mode de restructuration choisie. Même en l'absence de négociation, il est indispensable que le projet soit soutenu par les salariés, à commencer par le management de proximité. Si négociations il y a, elles doivent être transparentes et loyales. Le chef d'entreprise a un objectif et un calendrier : il doit s'y tenir, sous peine de décrédibiliser son projet et en perdre la maîtrise.
Enfin, le chef d'entreprise devra anticiper "l'après", tant dans le suivi des dernières formalités et l'application de sa restructuration, que dans la gestion du climat social issu de celle-ci.
Pour en savoir plus
Aurélie Kamali-Dolatabadi est avocat associée et dirige le département droit du travail du cabinet Courtois Lebel
Marion Narran-Finkelstein est avocate au sein du département droit du travail du cabinet Courtois Lebel