J'ai échoué et alors ?
Publié par Mallory Lalanne le - mis à jour à
À la tête de trois entreprises franchisées à 32 ans, Sébastien Branchu s'est planté 8 ans plus tard. S'il a longuement accusé le coup, il a appris de ses erreurs pour rebondir. Depuis 2014, il est à la tête d'une biscuiterie dont les produits sont diffusés dans les rayons des grandes surfaces.
Le sujet n'est plus vraiment tabou. Alors que la France a connu un record de défaillances d'entreprises en 2013, plus de 63 000 entrepreneurs ayant mis la clé selon un Baromètre Altares publié en janvier 2014, les initiatives se multiplient pour dédramatiser l'échec entrepreneurial. Conférence Failcon qui réunissait à Bercy le 17 avril les politiques et les entrepreneurs pour partager leurs expériences -et notamment leurs plantages-, suppression de l'indice 040 de la Banque de France, création en janvier du site Portaildurebond.com afin d'aider les dirigeants en proie à des difficultés, ou encore organisation d'"after fail" sur le même principe des "after work"... l'évolution culturelle du rapport à l'échec se fait ressentir.
Sébastien Branchu fait partie de ces dirigeants pour qui l'échec peut être le fondement de la réussite. Quand il se lance en franchise à 29 ans au côté du réseau de location de films Cinebank, il a tout pour réussir. Du moins, c'est ce qu'il pense. "En 2002, le métier était dans l'air du temps. La franchise, fraîchement créée, jouissait d'une très bonne image. Les gens souhaitaient louer des films 24h sur 24, sans déposer de chèque de caution", confie le dirigeant.
Très rapidement, en 2004 et 2005, il décide d'acquérir deux nouvelles franchises dans le Centre de la France, à Châteauroux et ses environs. Et de recruter deux personnes pour l'occasion. Deux ans après pourtant, le vent tourne. "En 2007, la démocratisation de l'ADSL et les téléchargements illégaux de films changent la donne. Les clients ne sont plus aussi nombreux", confie Sébastien Branchu. Le chiffre d'affaires de ses points de vente s'effondre, en moyenne de 20% par boutique la première année.
Se préparer à l'insuccès
Le compte en banque du dirigeant s'assèche. Les dettes s'amoncellent et atteignent rapidement 120 000 euros. Sébastien Branchu décide pourtant de ne pas jeter l'éponge. Il s'accroche huit longs mois, refusant de mettre la clé sous la porte et de licencier ses salariés. "Une erreur. Certainement la plus grande que j'ai commise. Je me suis entêté alors que j'aurai dû fermer deux boutiques dès les premiers mois de 2007 afin de limiter la casse", confesse Sébastien Branchu. Les choses s'accélèrent lorsque son conseiller bancaire décide en 2008 de ne pas reconduire son autorisation de découvert.
Quelques mois après, il est contraint de fermer deux de ses franchises. Son expert-comptable lui propose alors un plan de continuation de quatre ans (de 2009 à 2013) pour la troisième boutique. Le temps pour le chef d'éponger l'ensemble de ses dettes avant que la cessation de son activité ne soit définitivement prononcée en juin 2013. Le temps surtout pour ce jeune dirigeant de dresser un bilan de son expérience et de prendre de la hauteur sur sa situation. "Dans la mesure où je connaissais la date de cessation de mon activité, j'ai peu à peu dédramatisé mon échec pendant la durée du plan de continuation. Je commençais même à prévoir un plan B", confie l'entrepreneur.
Faire preuve de persévérance
C'est précisément en discutant avec des amis que le jeune homme parvient à trouver une bouée de sauvetage. Son entourage l'informe de l'existence d'un CAP de pâtisserie à Châteauroux, qui accueille des adultes en reconversion. "Difficile de reprendre ses études à 40 ans, d'apprendre des leçons par coeur, de se retrouver en cours avec des adolescents", confie Sébastien Branchu. Il relève pourtant le défi haut la main. La formation dure neuf mois. Une période pendant laquelle il mûrit son projet d'entreprise et met au point des recettes. En janvier 2014, il décide de plaquer la région Centre et de monter sa nouvelle affaire, la biscuiterie de Fort Boyard, en Charente-Maritime.
Il s'appuie alors sur les compétences en marketing et communication (création d'affiches, de prospectus, valorisation de l'offre) acquises lors de sa dernière expérience professionnelle. Quatre mois après, ses sablés, ses tuiles et ses croquants se retrouvent dans les rayons de grandes surfaces de Charente-Maritime (Leclerc, Super U) et dans plusieurs boutiques de produits régionaux de l'Île d'Oléron. "Je me suis battu pour décrocher des rendez-vous avec les grandes et moyennes surfaces. Ils ont été séduits par la qualité du produit et les recettes authentiques qui plaisent au plus grand nombre", se satisfait Sébastien Branchu. Il prévoit d'ici la fin de l'année un CA prévisionnel de 100 000 euros. Il n'a aujourd'hui plus peur du lendemain. Il espère rapidement inonder les supermarchés de la région Poitou-Charentes. Dans dix ans, il se projette même à la tête de plusieurs boutiques en propre. Un autre défi à relever et une farouche envie de se battre pour le concrétiser.