Sun Tzu, Porter et Jobs, qu'apprendre de ces trois stratèges?
Publié par Amélie Riberolle le - mis à jour à
Dans son ouvrage "De Sun Tzu à Steve Jobs, une histoire de la stratégie", Bruno Jarrosson dresse une fresque des grands stratèges de l'Histoire, des champs de bataille à la diplomatie en passant bien sûr par le business. Voici son podium.
Steve Jobs, le visionnaire
"Il n'y en a qu'un par génération. D'ailleurs, on est né la même année, s'amuse Bruno Jarrosson, je lui ai laissé la place!" Le consultant, qui appartient à l'école réaliste de la stratégie, s'intéresse néanmoins à la réussite de ce visionnaire. "Qui peut penser que les leaders de la vente d'ordinateurs, à commencer par IBM, n'étaient pas capables de faire la même chose que Jobs et sa petite équipe dans un garage? C'est une bonne illustration du biais stratégique de l'imitation: on fait tous pareil, aucun autre concurrent ne se lançant dans l'ordinateur domestique". Steve Jobs adopte l'attitude inverse et produit une innovation dont on ne peut plus se passer aujourd'hui. "Il n'y a pas de stratégie sans risque, martèle le consultant. Il ne connaissait pas l'avenir, mais s'est livré à une analyse de la réalité donnant des scenarii qui allaient plus vraisemblablement réussir". En l'occurrence, se différencier. Avec le succès que l'on sait.
Sun Tzu, le rusé
C'est le père de la stratégie militaire et de la stratégie tout court. Au VIe siècle avant JC, son point de vue va à l'encontre du fatalisme ambiant. Gagner ou perdre (une guerre) ne tient pas du hasard ni de l'intervention des dieux ou des esprits. "C'est une question de méthode", explique Bruno Jarrosson. Pour atteindre l'objectif --soumettre l'adversaire à sa volonté-- ne pas se focaliser seulement sur le résultat mais penser aussi aux ressources. "C'est le shi, qui renvoie à l'idée d'engagements de forces anodines pour faciliter la victoire, et repose sur la préparation, la connaissance du terrain..." C'est, déjà, l'effet de levier: une réflexion approfondie suivie d'une action légère. Et tant qu'à faire, plutôt que de contraindre l'action de l'autre par la force, mieux vaut l'amener à faire des erreurs en lui envoyant de fausses informations. C'est la ruse qui vise à détruire l'harmonie chez l'adversaire et/ou la renforcer chez soi. "Sun Tzu invite à prendre en compte un maximum d'éléments dans l'élaboration d'une stratégie, notamment l'organisation et la discipline, nous dirions aujourd'hui la clarté du management". Et au final, en réunissant la pensée et l'action, trouver une harmonie entre ce que l'on vit, ce que l'on veut, ce que l'on est et ce que l'on fait. "C'est ça la stratégie".
Michael Porter et l'avantage concurrentiel
C'est du côté d'Harvard que dans les années 1980, la stratégie s'est définie comme "l'art de se construire un avantage concurrentiel défendable". Comment? "Soit on fait la même chose que son concurrent, mais en moins cher. Une massification qui relève plutôt de l'approche directe. Ce low cost est plutôt destructeur de valeur dans l'absolu, mais cela peut fonctionner". Autre option, la différenciation, "qui relève plutôt de l'approche indirecte : au lieu d'aller frontalement à la concurrence, on la détourne et on innove". Troisième attitude, se mettre à l'abri de la concurrence, par des méthodes techniques ou réglementaires. "Les plus beaux exemples, ce sont Microsoft, le crime parfait de la stratégie ! (rires). Il y a aussi le champagne : à la fin du 19e siècle, le vignoble a été ravagé par le phylloxéra, tout comme celui de la Loire. Ce dernier a décidé de faire de tout, pour vendre plus, alors que la Champagne a décidé de ne faire que du pétillant, sous appellation, et de s'extraire ainsi de l'univers concurrentiel du vin".
Aller plus loin
L'ouvrage "De Sun Tzu à Steve Jobs, une histoire de la stratégie", signé par le consultant Bruno Jarrosson, est disponible aux Éditions Dunod.