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[Billet d'humeur] Dois-je m'équiper d'un babyfoot ?

Publié par Alexandre des Isnards le | Mis à jour le

Incontournable de la convivialité en entreprise, le babyfoot peut être un moyen de rapprocher les collègues entre eux. Est-ce indispensable d'en installer un dans ses locaux ?

Après un long tunnel de télétravail, retour au bercail. Pour ces retrouvailles en présentiel, vous avez aménagé un bel espace avec un frigo connecté, deux grands canapés et une belle machine à café. La nouvelle « zone conviviale » est prête, mais il y a comme un vide, au fond. Sylvain, votre bras droit, vous suggère : « Et pourquoi pas un baby ? »

Des souvenirs vous reviennent. 1998, pleine bulle Internet, c'était l'éclate. Vous travailliez alors pour une agence digitale où régnait « l'e-spirit ». A la cafet', on pouvait hurler « pissette ! » et manger des croissants avec son n+4. C'était bon pour le team building et pour le stress : en marquant des buts, on évacuait la pression et on revenait excité dans l'open space prêt à pondre du slide. Vous vous rappelez aussi qu'au BDE de Sup de Co Nantes, vous étiez un killer aux manettes. Finalement, coller quelques gamelles aux petits jeunes, ça vous dit bien aussi. Après tout, c'est qui le patron ?

OK Sylvain. Tu as mon go.

Sylvain ne s'y attendait pas. Votre équipe non plus. Le jour du retour au bureau, vous faites visiter la nouvelle zone conviviale. Quand ils voient le baby, vous devinez des réticences, voire du sarcasme. Vous vous en confiez à Carla, votre DRH, qui vous éclaire sans fard : « Patrick, le baby, c'est boloss... Je ne pense pas qu'ils sont contre, mais ce n'est pas ce qu'ils attendent. T'envoies pas le bon message. » La suite lui donne raison. Votre baby reste flambant neuf.


Mais qu'attendent-ils alors ? Quel message envoie un baby ?

Dans les années 2000, un tel appareil envoyait de la coolitude. Avec un babyfoot, un ping-pong et quelques poufs acidulés, on importait l'esprit start-up. Les Yahoo et Apple auraient démarré au fond d'un garage où on enchainait des lignes de code entre deux parties. Résultat, les entreprises ont voulu aussi attirer les jeunes et afficher un esprit innovant grâce à un baby. Même les banques et les mutuelles en ont ! Mais peu y jouent. Parfois, ils n'ont même plus de balles. Et le baby est devenu le cliché éculé des fausses start-up. Quand ils en voient un, les jeunes candidats flairent la manoeuvre de « wellness washing », qui désignerait l'écart entre la communication d'entreprise et la réalité des conditions de travail. « Regarde, on est comme une grande famille ! On a un baby, des smoothies et une Switch. Mais on ne compte pas nos heures... » Bref, le baby est devenu le symbole d'un paternaliste new age.

Vous n'aviez pas mesuré l'impact du symbole. Votre convivialité n'était pas préméditée. Au contraire, les jours suivants, Carla a organisé le télétravail avec vos équipes en toute transparence. Elle a aussi insisté sur l'importance du management à la confiance : inutile de rester tard le soir pour « faire présence ». Tout cela a plu. D'ailleurs, ce jeudi soir, vous sentez mieux l'ambiance, mais il vous reste du boulot. Vous descendez vous servir un macchiato en zone conviviale. Fred, Carla et Johan sont penchés sur le babyfoot et vous hèlent : « Francis ? Tu viens remplacer Sidonie ? »


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