Yannick Noah : de la méditation à l'action
Publié par Céline Tridon le - mis à jour à
Glorieux tennisman, chanteur à succès, Yannick Noah est aussi une personnalité engagée. Alors que l'urgence est à la sauvegarde de la planète, il estime que la crise sanitaire amènera chacun à croire en son pouvoir de changer les choses, sur fond de créativité et de solidarité.
Elle est l'une des victoires les plus importantes de l'histoire du tennis français. En 1983, Yannick Noah remporte le tournoi de Roland-Garros. Point culminant d'une carrière de tennisman, il y ajoute, en 1991 et 1996, la Coupe Davis, en tant que capitaine de l'équipe de France. En 1997, c'est à la tête de l'équipe féminine qu'il s'empare de la Fed Cup. Plus récemment, de 2015 à 2018, il a conduit à nouveau le staff français lors de la Coupe Davis, en tant que capitaine. Il remportera l'édition 2017.
Parmi les impératifs du sportif, celui de la composition de l'équipe. Qui choisir ? Quelle tactique adopter ? Ce genre de décision ne peut se prendre qu'avec une certaine forme de sérénité. "J'adopte chaque décision importante dans le calme. Pour certains, cela commence par la concentration, puis une forme de visualisation avec différentes techniques, développe-t-il. Pour moi, c'est une sorte de méditation volontaire car, de manière générale, je ne suis pas persuadé que le stress soit une bonne chose."
Un précepte qui s'applique aujourd'hui plus que jamais. Confinement oblige, Yannick Noah espère que ce temps au ralenti aura été bénéfique à tous : ou comment savoir l'appréhender pour en faire le meilleur usage. "Avec cette crise, nous avons tous été contraints à cette méditation plus ou moins intense, plus ou moins forcée", assure-t-il.
Grand optimiste, il faut selon lui essayer de voir les choses de la manière la plus positive possible. "On se plaint souvent de ne pas avoir assez de temps pour soi. On est toujours en train de courir, on est emporté par un courant. Certains même se retrouvent dans des vies qui ne leur correspondent pas. Il y a des enchaînements les uns après les autres et, à aucun moment, on ne s'interroge sur ce qu'on a vraiment envie de faire, au fond de soi-même...", explique-t-il.
Hymnes
Pour Yannick Noah, l'enchaînement de vie prend la forme d'une reconversion du sport à la chanson : un set gagnant qu'il a remporté haut la main. Tout commence en 1990 avec un titre d'abord pris pour un pari un peu farfelu : Saga Africa. La chanson devient le tube de l'été, au point que Yannick Noah envisage de faire de la musique son nouveau métier. Il ajoutera à cette chanson de nombreux autres titres, encore plus engagés et porteurs d'espoir.
Celui qui devient la personnalité préférée des Français durant plus de huit années consécutives, multiplie également les albums au fil des années. Le premier d'entre eux, Black and what , sort en 1991. Il est suivi de Urban Tribu en 1993. Très inspiré par John Lennon et Jimi Hendrix, cet opus chanté en anglais lui donne l'occasion de se produire sur scène. Un autre coup de foudre.
En 1997, Yannick sort un simple baptisé Oh rêve qui n'est autre qu'une version pacifiste de La Marseillaise de Rouget de Lisle. En septembre 2000, il revient avec un nouvel album éponyme et intimiste, enregistré entre Paris et Kribi au Cameroun. Puis il signe, en 2003, Pokhara, nom d'une ville au Népal : Yannick Noah vendra plus d'un million d'exemplaires de cet album.
À l'automne 2006, il propose Charango, aux sonorités d'Amérique latine et aux chansons dédiées à l'écologie, à l'instar de Aux arbres citoyens. Le message parle aux Français, puisque l'album s'écoule à quelque 1,3 million d'exemplaires et conforte ainsi Yannick Noah dans sa position de chanteur populaire. En août 2010, sort un autre opus aux valeurs humanistes, Frontières.
Ce nouveau succès commercial amène Yannick Noah jusque sur la scène du mythique Stade de France. En 2014, avec l'album Combats ordinaires , le plébiscite sera plus restreint : à peine 100 000 exemplaires vendus. Son dernier album, intitulé Indigo, est sorti en 2019. Une tournée devait bien sûr l'accompagner mais la crise sanitaire oblige le chanteur à reporter son show. À nouveau, il s'agit pour lui d'un temps imposé qu'il faut savoir mettre à profit.
"Le futur spectacle n'a plus rien à voir avec ce qu'il aurait dû être, indique-t-il. Il est entièrement repensé. En tout, j'ai réalisé douze albums, ce qui apporte une certaine matière dans laquelle puiser. Je préfère désormais mettre l'accent sur un autre choix de chansons, sur une autre direction artistique, bref sur un autre message. Pourquoi ? Car les gens sont désormais plus réceptifs", estime-t-il.
Yannick Noah en est persuadé : cet épisode aura marqué les Français dans leur démarche écoresponsable. D'ailleurs, à ce jour, tous les acteurs sont concernés.
Avant/après
Le chanteur estime que c'est l'occasion de prendre du recul pour voir les choses autrement, tout en s'adaptant aux voeux des Français. Sur les réseaux sociaux, il prend toujours en compte les retours des internautes qui le suivent. Certains évoquent des chansons plus anciennes, parfois oubliées car non mises en avant par un clip. Il choisit alors de les remettre en lumière, car il sait que l'attente est présente.
Le message sera entendu. Le timing est important : ces mots, qui ressortent aujourd'hui mais existent depuis longtemps, possèdent désormais une résonance différente. Exactement au même titre que des consommateurs deviennent plus attentifs à leur choix d'achat ou à la préférence qu'ils vont porter à une marque plutôt qu'une autre. "Il y a une évolution positive. Je sais qu'il y a des choses sur lesquelles il faut que je travaille davantage, confirme Yannick Noah. J'ai mis le doigt sur des choses que je pouvais vraiment améliorer."
Face à cette prise de conscience générale, cet avant/après Covid-19 pourrait être porteur de nouvelles manières de faire, d'acheter ou de travailler. "Trop souvent, l'être humain a besoin de se prendre un mur pour réagir. Beaucoup vont s'interroger : est-ce vraiment dans cette voie que je veux m'engager ?, soulève l'ancien tennisman. Souvent ce genre d'expérience permet de savoir qu'il faut faire quelque chose qui nous passionne, quelque chose en lequel nous croyons, voire qui est écoresponsable pour que cela ait véritablement un sens."
Parallèlement, en accord avec son image de personnalité engagée, Yannick Noah s'est énormément investi dans des causes humanitaires et plus spécialement dans l'association "Les enfants de la terre". Il l'a créée en 1988 avec sa mère, Marie-Claire, pour offrir des foyers d'accueil aux enfants en difficulté. Il participe également à diverses actions de "Fête le Mur", autre association dont il est le parrain.
Présente dans quatre-vingt-sept Quartiers Prioritaires de la Ville, elle met des équipements sportifs à la disposition des jeunes défavorisés. Durant le confinement, "Fête le Mur" a lancé un concours via Instagram. Avec le hashtag #Entre4Murs, les participants sont invités à montrer leur manière de manier la raquette, en intérieur. D'une façon ou d'une autre, il s'agit de s'amuser et de garder le lien avec sa communauté, malgré le temps de la distanciation. Et comme le rappelle justement Yannick Noah, "le contact est important car il va y avoir aussi de grandes solitudes."
Global
Impliqué auprès des plus jeunes, Yannick Noah croit en l'énergie de la nouvelle génération, qu'il faut accompagner et écouter. "Elle est consciente des problématiques écologiques ou sociétales actuelles, c'est pourquoi beaucoup de jeunes prennent la parole et agissent pour améliorer la situation. Après tout, il s'agit de leur avenir personnel et encore plus celui de leurs enfants. L'une d'entre eux, Greta Thunberg, est incroyable : à 17 ans, elle suit un vrai projet et elle amène des gens plus âgés à se remettre en cause", estime celui qui considère l'avenir de la planète comme une urgence.
Habitué à voyager à travers le globe, il a malheureusement été le témoin d'une situation qui se dégrade de manière incroyable. L'heure est donc à la défense d'une pensée globale, où le profit n'est pas la seule et unique priorité. L'artiste rappelle que le confinement a permis de réduire la pollution à travers différents pays. Le ralentissement des modes de vie a amélioré la qualité des eaux et de l'air, le tout en un temps très court.
Pour lui, cela prouve l'influence de chacun sur la bonne santé de la planète. "Ce sont des éléments dont il faudra forcément tenir compte à l'avenir, souligne l'ex-tennisman professionnel. Face au réchauffement climatique, la situation souffre d'un manque d'action de la part des décideurs. Avec cette pandémie, on ne peut plus penser chacun pour soi, il faut penser de manière collective. Beaucoup tirent la sonnette d'alarme depuis un certain temps. Ils n'étaient pas entendus. Or, on voit bien que la planète est malade, qu'il y a des injustices environnementales et sociales importantes."
Au-delà des petits gestes du quotidien (comme, par exemple, réduire son usage du plastique), il faut aller encore beaucoup plus loin. Selon Yannick Noah, l'être humain minimise ses forces. "Il ne se rend pas compte de sa capacité d'adaptation, assure-t-il. Cet épisode de confinement aura aussi été source d'inspiration. Il aura conduit à une évolution des échanges, plus vrais. Il y a beaucoup moins de bashing ou de négativité." Il est donc désormais temps de multiplier les propositions pour améliorer l'impact positif sur la planète.