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[Billet d'humeur] Dois-je virer un collaborateur climatosceptique ?

Publié par Alexandre des Isnards le | Mis à jour le

14h. 35°C dans l'open space. Pas de clim', pas d'air et aucun espoir d'après la météo. Chacun dégouline en silence derrière son ordinateur en mode torpeur digestive. Jusqu'à ce que Camille déclenche les hostilités.

- Il fait trop chauuuuud !

- Oui, et dans six mois, il fera froid, répond Nicolas. On appelle ça les saisons.

- Ah non ! La ritournelle des climatosceptiques, je supporte plus. Il fait chaud l'été et froid l'hiver, gnagnagna ... Tu les vois pas les glaciers qui tombent et les forêts qui brûlent ! Même un môme de CM1...

- Je te sens bien énervée.

- Non, juste fatiguée d'entendre ces inepties.

Et Camille d'agiter son éventail en guise de fin de discussion. Mais Nicolas relance.

- À l'époque des dinosaures, il faisait 5° de plus.

- Ouais, bah ils en sont morts. Ça montre bien qu'il faut qu'on fasse quelque chose.

- Et ton billet d'avion Paris-Nice, on en parle ?

Touché. Camille se tait. Vous êtes au fond de la salle l'air concentré, mais la tournure de l'échange ne vous a pas plu. Votre petite boîte carbure à la bonne humeur et l'entente de vos équipes. Les réparties y sont franches et cordiales. Mais là, le ton est différent. Il vous faut intervenir. Or, comme Camille, vous êtes mal en point. Votre ventilo est éteint car la gorge vous gratte. Un moustique vous a piqué cette nuit et vos nerfs sont en bouillie. Et surtout, pour arbitrer, il vous faut être impartial. Or, comme Camille, les provocations climatosceptiques vous paraissent indécentes. Mais vous vous forcez. Les histoires infantiles braquent les équipes, ralentissent les projets et pourrissent l'ambiance. Vous convoquez Nicolas à la cafet' sur Slack.

- Écoute, Nico, fais un effort. Tu vois bien que c'est difficile en ce moment.

Vous offrez habilement à Nicolas la possibilité de céder sans perdre la face en étant le mec « au-dessus de ça ». Plus tard dans la journée, vous prenez Camille à part et lui jouez le couplet sur la difficulté de ceux qui déplacent des colis, cuisent des pizzas ou creusent des trous. Eux, sont à plaindre, pas nous, derrière nos ordis. Camille semble acquiescer. Le soufflé est retombé.

Avant le manager traditionnel recadrait de façon autoritaire, aujourd'hui le néo-manager participatif recadre de façon empathique. L'ère des petits chefs qui donnent des ordres et font respecter des consignes est révolue, aujourd'hui les managers animent, supervisent et fédèrent les énergies. Mais ce n'est pas facile. Pour calmer votre open space, vous avez dû ravaler vos convictions profondes. Et surtout, le contexte a changé. Climat, metoo, vax/antivax, les sujets touchy - pour ne pas dire clivants - s'immiscent et multiplient les prises de bec potentielles. À la cafet', on avait la météo comme terrain neutre de conversation. Maintenant, dire qu'il fait beau est déjà une prise de position. Un dessin de vos études d'histoire, paru dans Le Figaro en 1898, vous revient. Il est intitulé « Un dîner en famille ». Première case : les convives à table sourient et se tiennent bien. Première légende : « Surtout ne parlons pas de l'affaire Dreyfus ! » Seconde case, les mêmes convives se déchirent autour de la table renversée. Seconde légende : « Ils en ont parlé... ».

Savoir ne pas rentrer dans le débat est la clé.

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