Rupture conventionnelle : comment la sécuriser ?
Publié par Xavier Berjot, avocat chez Sancy-Avocats le | Mis à jour le
427 000 ruptures conventionnelles ont fait l'objet d'une homologation dans le secteur privé en 2020. Si ce chiffre est en légère baisse par rapport à 2019 (- 3,6%), la rupture conventionnelle demeure un mode de rupture du contrat de travail privilégié.
La rupture conventionnelle intervient d'un commun accord entre les parties. Toutefois, il s'agit d'une procédure très formaliste et le chef d'entreprise doit s'entourer de précautions particulières afin qu'elle ne soit pas remise en cause.
1. L'invitation du salarié à un entretien préalable
Selon l'article L. 1237-12 du Code du travail, les parties au contrat de travail conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou de plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
- soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
- soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié " choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative ".
Ces règles sont calquées sur celles applicables à l'entretien préalable au licenciement, codifiées aux articles L. 1232-4 et suivants du Code du travail.
Toutefois, contrairement au licenciement, aucune disposition légale n'impose à l'employeur d'inviter le salarié par écrit, préalablement à l'entretien portant sur la rupture conventionnelle.
Cela étant, il est parfois opportun de procéder à une invitation formelle, notamment quand la rupture conventionnelle est conclue dans un contexte sensible, afin de conserver une preuve.
En effet, le formulaire Cerfa sur lequel doit être matérialisée la rupture conventionnelle mentionne qu'il convient de " rappeler au salarié la possibilité qu'il a de contacter les services, notamment le service public de l'emploi, qui pourront l'aider à prendre sa décision en parfaite connaissance de ses droits. "
Pour être pertinente, la convocation écrite, quand elle existe, doit rappeler au salarié les règles d'assistance visées ci-dessus.
Il est également opportun d'indiquer au salarié qu'il peut se renseigner sur ses droits sur certains sites officiels tels que www.pole-emploi.fr , www.urssaf.fr , www.impots.gouv.fr ou encore www.service-public.fr .
2. La conclusion d'une convention annexe au formulaire Cerfa
Le formulaire Cerfa relatif à la rupture conventionnelle permet de renseigner des éléments de nature administrative (identité des parties, convention collective applicable, moyenne des salaires, indemnité de rupture, date de rupture,...).
Ces informations sont nécessaires à l'administration, qui a pour mission d'homologuer ou d'autoriser la rupture conventionnelle, selon que le salarié est protégé ou pas.
Cela étant, il résulte de l'article L. 1237-13, alinéa 1er du Code du travail que la rupture conventionnelle doit régler les conséquences de la rupture du contrat et il est donc essentiel de statuer sur celles-ci (sort d'une clause de non-concurrence, portabilité des garanties complémentaires santé et prévoyance, restitution du matériel professionnel,...).
Très vite, une pratique est donc apparue : établir un protocole distinct entre les parties, s'ajoutant au formulaire Cerfa (mais ne pouvant s'y substituer).
La convention annexe présente un intérêt tout particulier pour sécuriser la rupture conventionnelle dans un tel contexte délicat ou potentiellement litigieux.
A titre d'exemple, il est possible de rappeler que le salarié est à l'initiative de la rupture conventionnelle, afin de limiter le risque de remise en cause de la rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, la convention annexe permet de récapituler le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle ainsi que les délais de carence Pôle Emploi ou, au moins, de rappeler que le salarié a reçu toutes les informations utiles sur ces sujets.
3. La preuve de la remise d'un exemplaire de la rupture conventionnelle au salarié
La rupture conventionnelle doit être établie en trois exemplaires : un pour l'employeur, pour le salarié et un pour l'administration du travail (la Drieets).
La remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention et pour garantir le libre consentement du salarié en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause.
La Cour de cassation en déduit que, si cette formalité n'est pas remplie, la convention de rupture est atteinte de nullité (Cass. soc. 6-2-2013 n° 11-27.000).
Dans un arrêt postérieur, la Cour de cassation a jugé que c'est à l'employeur de prouver qu'il a remis un exemplaire de la rupture conventionnelle au salarié (Cass. soc. 23-9-2020 n° 18-25.770).
Il est donc absolument impératif que le chef d'entreprise demande au salarié de certifier par écrit qu'un exemplaire du Cerfa et, le cas échéant, de la convention de rupture annexe, lui a été remis.
À défaut, le salarié est fondé à prétendre que la rupture conventionnelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.