[Tribune] Les scale-up face au défi du recrutement
Publié par Celia DÖRR - Chief People Officer chez ContentSquare le - mis à jour à
Toutes les fées de la Tech et de la finance se bousculent au-dessus du berceau des start-up. Mais qui s'intéresse aux scale-up, ces jeunes entreprises dont le business model est établi et qui partent à la conquête de nouveaux marchés ?
Arrivées à un stade critique de leur développement, elles doivent affronter de grands défis. À commencer par la gestion de leur politique de recrutement et de ressources humaines.
La French Tech face au défi de l'hyper croissance
Avec le lancement de la " French Tech ", le gouvernement français semble avoir pris conscience de l'importance de favoriser la croissance des start-up en France et de les aider à conquérir des parts de marché à l'international. La création de ce mouvement a permis de favoriser la venue de profils internationaux en France, en leur accordant notamment des facilités sur l'obtention des visas.
Quand la taille de l'entreprise double tous les ans, avec la nécessité d'accueillir parfois entre 15 et 20 nouveaux collaborateurs chaque mois, l'enjeu d'organisation et de structuration des équipes devient vital. La tentation peut alors être grande de se tourner vers les États-Unis pour recruter des profils techs, ou bien vers l'Inde et les pays d'Europe de l'Est où les salaires restent accessibles. Mais pour les scale-up qui font le choix de conserver leur développement produit en France et donc de recruter localement, le défi peut vite se transformer en gageure. C'est pourtant le prix à payer pour garder et entretenir une culture de l'excellence.
La French Tech investit donc dans la promotion et le renforcement de la formation dans les nouveaux métiers du digital : une nécessité pour maintenir la compétitivité de notre pays sur la scène Tech internationale.
Développer une culture forte, promouvoir une expérience unique
Si les profils de qualité ne manquent pas en France et en Europe, la demande y est aussi très forte, notamment sur le digital : Data Engineer, Customer Success Manager, Product Manager... Cette situation génère souvent une surenchère salariale. Pour franchir régulièrement de nouveaux paliers RH, les scale-up doivent donc être solides sur leurs valeurs et la culture du changement.
Dans ce contexte, elles doivent impérativement jouer la carte de la différenciation. Au-delà de l'attractivité de sa " stack technique ", c'est autour des notions de passion, d'entrepreneuriat et d'aventure qu'une scale-up peut faire la différence. Autrement dit, en s'appuyant sur sa culture d'entreprise.
Les profils recherchés dans les start-up ont des attentes nouvelles. Ce sont souvent des millenials, qui privilégient des environnements collaboratifs, une grande flexibilité dans la façon de travailler, une recherche de sens et une attente forte en termes d'équilibre vie professionnelle/vie personnelle. Pour attirer et garder cette nouvelle génération de talents, il est primordial de questionner régulièrement ses salariés sur ce qui est important pour eux. Il faut savoir prendre du recul et interroger sans cesse son agilité et son efficacité. Il est également nécessaire de développer et de valoriser une culture de la responsabilisation, en donnant aux collaborateurs une réelle autonomie dans leur façon de gérer leur temps et leurs missions.
Enfin, la création d'expériences de vie fortes au sein de l'entreprise va permettre de créer du lien entre les équipes et de générer une ambiance de travail épanouissante, favorable à la cooptation, à l'intégration et à la fidélisation des talents. On l'oublie parfois, mais la culture du partage et de la création de lien social peut se révéler un investissement très productif ! Ainsi accepter de prendre le temps d'un café avec ses collègues sera parfois bien plus efficace qu'un mail ou une réunion.
Le recrutement : une aventure commune
Toutefois, la culture propre à chaque start-up n'a de réalité que si elle est portée par ses managers et ses collaborateurs, qui doivent prendre pleinement leur part dans la détection et l'intégration de nouveaux talents. Développer une forme de " candidate experience " en interne peut ainsi être une démarche intéressante pour identifier les leviers de motivation auprès des profils à engager. En tant qu'ambassadeurs de leur société, les collaborateurs sont en effet les mieux placés pour gérer le recrutement de leurs équipes. Les managers seront notamment interlocuteurs privilégiés pour les profils R&D. En effet, ces derniers sont généralement des passionnés, à la recherche de " mentors ", avides de défis à relever. Dans cette optique, la cooptation, inscrite dans une démarche collective, est un gage de confiance, mais aussi de valeurs partagées.
Par ailleurs, dans une scale-up, le " time to hire " est souvent inférieur à un mois. En 48h parfois, il faut être capable de prendre une décision sur un candidat. L'implication de tous dans le process de recrutement va favoriser cette réactivité. Avec des techniques traditionnelles complètement disruptées et certains profils sursollicités, c'est en effet la cooptation et la création de lien qui vont désormais faire la différence.
Cela peut, notamment, passer par la création d'un pool de talents sans cesse renouvelé, par exemple en entretenant des liens étroits avec des communautés métiers et en étant en alerte sur le terrain : organisation d'évènements, de meet-up, d'hackathons... On voit également se développer une forme de solidarité entre start-up, qui acceptent de se partager d'excellents profils n'ayant finalement pas été retenus pour diverses raisons.
L'e-réputation, moteur de la marque employeur
Cependant, tout ce travail ne vaut que si la scale-up a su se construire une réputation sur le marché et une marque employeur attractive. Pour cela, elle peut s'appuyer sur des plates-formes comme " Welcome to the jungle " ou " Glassdoor ", mais aussi sur des sites dédiés aux développeurs tels que Github ou Stack Overflow. Un recruteur pensera également à utiliser les réseaux sociaux dans une logique marketing pour identifier les personnes qui s'intéressent à son entreprise. Aussi, il aura tout intérêt à réaliser une veille technique, afin de rester pertinent sur les problématiques qui passionnent ses cibles. Ce suivi donnera parfois lieu à des invitations de la part des développeurs eux-mêmes sur des forums et meet-up : l'opportunité pour le recruteur d'engager alors d'autres discussions avec de potentiels candidats.
Cependant, une scale-up ne doit jamais transiger sur ses valeurs. La quête de profils très rares ne doit pas entraîner l'entreprise dans une spirale de la surenchère ou la pousser à revoir ses attentes à la baisse. Il faut rester authentique, ne pas se survendre et être honnête dans les process pour savoir dire non à un recrutement qui pourrait vite se solder par un échec. Là encore, l'importance de la culture est centrale. Ce qui importe ce n'est pas seulement le fait que la personne recrutée s'intègre à celle-ci, mais qu'elle vienne l'enrichir pour faire avancer l'ensemble de l'équipe.
Pour en savoir plus
Celia DÖRR, Après une formation en droit du travail, le domaine des ressources humaines lui ont permis d'élargir ses compétences et d'allier l'approche juridique et économique des relations sociales. Après des expériences chez Canal + et Deezer, Célia travaille depuis 2017 chez ContentSquare en tant que Chief People Officer.