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[Interview] ZeratoR « Je travaille de 13h à 5h du matin »

Publié par Julien van der Feer le - mis à jour à

Des millions de personnes le suivent au quotidien. Il rythme les aventures vidéoludiques d'une communauté grandissante et, pourtant, si vous avez plus de 40 ans, vous ne le connaissez sûrement pas. Rencontre avec ZeratoR.

1,4 million d'abonnés sur Twitch, 820 000 sur YouTube. Vous êtes l'un des streamers phares en France, mais nos lecteurs vous connaissent sans doute assez mal...

Je me présente souvent comme un entrepreneur d'internet mais mon premier métier, c'est celui de streamer Twitch. Je produis et réalise des vidéos diffusées en direct sur le web.

Pourquoi un pseudonyme comme ZeratoR plutôt que votre véritable identité ?

Je ne me suis jamais vraiment posé la question en fait ! À la base, je suis un joueur de jeux vidéo. Lorsque j'ai commencé, il me fallait un pseudonyme parce que c'était la pratique habituelle dans cet univers. J'ai choisi un nom qui faisait référence à un personnage de jeu vidéo que j'aimais. J'ai modifié quelques lettres et ZeratoR s'est imposé.

Ce pseudonyme, ce ne serait pas aussi un moyen de se protéger car, sur Twitch, les interactions sont directes et sans filtre ?

Pas vraiment, toute ma vie est sur Internet. Faites le test, tapez ZeratoR dans un moteur de recherche et, instantanément, ma véritable identité apparaît. En revanche, cela permet de mettre une première distance avec les audiences et cela peut être sécurisant lors des premiers contacts.

Donc, Adrien Nougaret et ZeratoR sont deux personnalités qui se confondent ?

Pas vraiment. Au début, j'ai créé un personnage. ZeratoR était la version vaniteuse et ultra-extravertie de moi-même, un peu comme un double maléfique. Je me glissais dans une peau différente. C'était amusant. Je me mettais dans ma bulle et cela me libérait. Cela dit, ce personnage m'a permis de savoir où je voulais emmener les gens. Au départ, je ne faisais que du commentaire de jeux vidéo, à la manière d'un animateur espagnol. Je parlais beaucoup, je criais, j'étais très exubérant. Avec l'âge, je me suis un peu calmé, mes contenus se sont diversifiés, il m'arrive d'être plus sérieux... ZeratoR est devenu plus proche de qui je suis vraiment.


En résumé, pour durer dans le milieu, il faut quand même "se bouger un peu le cul"

Vous êtes aujourd'hui un entrepreneur d'internet. était-ce votre ambition dès le début ?

Je suis d'abord un passionné de jeux vidéo. Je me suis lancé parce que j'ai vu un Français commenter avec quatre abonnés sur Twitch. Ça manquait cruellement d'énergie ! Pendant près d'un an et demi je n'ai pas gagné un euro. Je le faisais en plus de mes études et je n'imaginais même pas que cela puisse un jour représenter un revenu. C'était un peu comme aller jouer au tennis le dimanche avec des potes. De fil en aiguille, j'ai eu mes premiers contrats, puis des sponsors et enfin ma propre chaîne, mais rien n'était prémédité. C'est d'ailleurs ce qui a changé aujourd'hui. Désormais, ceux qui se lancent, savent déjà que l'aspect financier existe.
À l'époque, ça ne m'avait même pas effleuré !

D'une passion à un job. Quel a été le tremplin ?

Dès la fin 2010, une entreprise qui s'appelait Millenium m'a contacté. Elle cherchait à lancer une WebTV. J'étais étudiant et je n'envisageais pas un instant d'arrêter mes études. J'ai terminé mon année, puis j'ai rejoint l'entreprise en CDI. J'y suis resté en tant que directeur de la WebTV. Un titre plus honorifique qu'opérationnel ! J'ai emménagé à Marseille près des locaux de Millenium et c'est là que tout a vraiment commencé.

Au-delà de Twitch et YouTube, vous dénombrez 162 000 abonnés sur Facebook, 200 000 sur Instagram, plus d'un million sur Twitter... Votre audience est considérable ! Comment expliquez-vous ce succès ?

La première explication, c'est que j'étais là au début. C'est quand même un avantage ! (rires) Ensuite, je n'ai jamais lâché. Beaucoup ont abandonné, moi pas ! Ce qui me permet d'être encore là aujourd'hui, c'est cette remise en question permanente entre ce que j'ai envie de faire, à titre personnel, et ce que l'audience veut. L'essentiel, c'est de bien placer le curseur. Twitch est une arène implacable. Il y a énormément de streamers et il n'y a pas d'audience pour tout le monde. En résumé, pour durer dans le milieu, il faut quand même "se bouger un peu le cul" (rires).

Sponsoring, organisation d'événements, vente de goodies, abonnés payants, comment se ventilent vos revenus ?

Les abonnés payants, le merchandising et les chaînes YouTube, pour le replay, constituent la base du revenu d'un streamer. Parallèlement, il y a les "opés" que les éditeurs financent pour que nous mettions en avant leur contenu. Le sponsoring s'entend sur la durée, les "opés" sont ponctuelles. Elles peuvent représenter jusqu'à 60 à 70 % des revenus d'un streamer. Dans mon cas, c'est un peu moins, car les abonnements représentent environ 50 % de mon activité.

Streamer en direct, c'est une sacrée pression ?

Elle est énorme. Chaque personne a un droit de réponse instantané sur le chat. On dit souvent qu'on a la communauté qu'on mérite. Je pense que c'est vrai, en partie. Il faut se rappeler qu'on influence des gens. C'est une responsabilité colossale. Il faut faire attention à ce qu'on dit, être mesuré, éviter les sujets qui clivent. Mon domaine d'expertise, c'est le divertissement, j'essaie de ne pas en sortir. Alors le direct et l'audience, est-ce que ça met la pression ? Oui, aucun doute !

Aujourd'hui, ZeratoR n'est plus seul, c'est une vraie entreprise. Vous êtes combien ?

ZT Production compte cinq personnes, moi y compris. Dans les entités qui composent l'écosystème ZT Production, nous sommes une quinzaine. Mais je suis également accompagné par une entreprise qui s'appelle ZQSD Productions qui compte une cinquantaine de personnes. Ce ne sont pas mes salariés mais ils sont indispensables à notre activité, notamment événementielle.

Et justement, sur la partie événementielle ?

Pour l'organisation du Z Event, nous sommes deux avec Dach (Alexandre Dachary, ndlr). Mais nous sommes très épaulés par ZQSD. Pour la Trackmania Cup ou encore Z Lan, c'est ZQSD Production qui coordonne l'organisation, nous sommes davantage des donneurs d'ordres.

Ces événements peuvent réunir combien de participants ?

Pour la Trackmania Cup 2022, l'événement qui s'est déroulé à la Paris Accor Arena, près de 180 personnes étaient mobilisées pour accueillir 15 000 fans. Au Zénith de Toulouse, nous avions reçu 5 500 personnes et 7 500 au Zénith de Strasbourg. Les événements se développent progressivement.

Vous êtes connu pour avoir créé le Z Event qui est un projet caritatif qui fédère d'autres streamers. C'est quoi l'idée ?

J'ai été très inspiré par des streamers américains qui avaient pris ce genre d'initiatives en 2011/2012. Mon premier événement caritatif remonte à 2013 en partenariat avec un streamer anglophone. Il s'agissait de commenter une émission pendant deux heures. Pendant ces deux heures, nous levions des fonds pour des associations. Ce streamer avait créé un collectif appelé Projet Avengers qui avait vocation à se mobiliser si une crise humanitaire non médiatisée intervenait. C'était un peu comme un "Bat Signal" (rires). C'est ainsi que ça a démarré. Avec Dach, nous avons eu envie de rééditer ce genre d'initiative et, en 2017, le premier Z Event a eu lieu. En 2022, nous avons collecté plus de 10 millions d'euros.

Du business, des engagements caritatifs, des événements... Avez-vous le temps de prendre des vacances ?

Il y a deux aspects négatifs dans mon métier : la peur de l'oubli et la vie en décalé. Je travaille de 13h à 5h du matin, et je vis à ce rythme depuis dix ans. Je suis face à mon audience de 18h à minuit. Avant et après, on gère la boîte. Le seul moment où je coupe, c'est entre Noël et le Jour de l'an mais, en dix ans, je n'ai quasiment jamais pris plus de dix jours de vacances. Après, il faut être honnête, je n'en ai ni vraiment envie, ni vraiment besoin.

Vous avez la trentaine... Streamer, c'est pour toujours ?

Je me projette un peu, mais le streamer est tributaire de deux choses : le support (le jeu vidéo), ainsi que l'audience. De fait, on ne peut pas contrôler ce qui va intéresser les gens. Quand vous êtes streamer et qu'un jeu devient un phénomène, soit vous suivez, soit vous ne suivez pas. Entrer ou non dans la vague... C'est un choix qui amène des carrières sinusoïdales. Pour ce qui concerne l'avenir, oui j'y pense. J'ai monté un studio de jeux vidéo, une boîte de merchandising... J'imagine faire du streaming toute ma vie, mais il est possible que d'ici cinq à six ans, ce ne soit plus mon activité principale. J'aime toucher à tout, me diversifier pour toujours garder l'envie.


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