Le contrôle du CSE sur la politique environnementale de l'entreprise
Publié par Benoît Sevillia, membre d'AvoSial, avocat associé, Drouot avocat et Andréa Jacquier, Drouot avocats le - mis à jour à
Pour l'Insee, l'entreprise est une " unité économique, juridiquement autonome, dont la fonction principale est de produire des biens ou des services pour le marché ". La loi Climat ajoute qu'elle doit désormais mesurer l'impact environnemental de son activité, sous contrôle du CSE.
La loi Climat et résilience, entrée en vigueur le dimanche 22 août 2021, oblige les entreprises à intégrer les conséquences environnementales de leur activité notamment dans les consultations du CSE et dans la base de données économiques et sociales.
Un titre III dénommé " Produire et travailler " prévoit de nouvelles obligations à l'endroit des entreprises, dans le but notamment " d'adapter l'emploi à la transition écologique " (Chapitre 2).
D'une BDES à une BDESE !
L'ancienne base de données économique et sociale (BDES) revêt désormais le nom de Base de données économique, sociale et environnementale (BDESE). Derrière cette simple modification de patronyme, se cache un véritable changement aux multiples conséquences pour les acteurs du monde de l'entreprise.
La BDES comportait déjà un ensemble d'informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes du CSE, notamment des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle, à la rémunération des salariés et dirigeants ou aux flux financiers à destination de l'entreprise.
Désormais, cette base de données s'est vue modifiée et doit accueillir des informations relatives à l'impact de l'activité de l'entreprise sur l'environnement (L 2312-18 du Code du travail).
Le volet environnemental est intégré aux dispositions d'ordre public, un accord d'entreprise ne pourra donc pas exclure cette information du champ des trois consultations obligatoires récurrentes.
Les conséquences environnementales deviennent donc un thème d'information obligatoire dans l'entreprise, sur le même pied d'égalité que les autres consultations. L'entreprise n'est plus qu'une entité créatrice de valeur ajoutée, elle devient acteur de la transition écologique.
Quels changements en pratique pour les représentants du personnel ?
Pour mener à bien ce changement ambitieux, la loi élargit la mission générale des CSE dans les entreprises d'au moins 50 salariés en modifiant l'article L. 2312-8 du Code du travail.
En effet, l'article 40 de la loi intègre la question écologique figurant désormais parmi les attributions générales du CSE.
Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, ce thème doit faire partie intégrante des consultations récurrentes du CSE : chaque thématique faisant l'objet d'une procédure d'information et de consultation du CSE doit prendre en compte les conséquences environnementales des activités de l'entreprise.
Les experts-comptables ont d'ailleurs vu leurs attributions s'étendre à l'occasion de la demande d'expertises dans le cadre des informations-consultations du CSE (L. 2315-87-1 et L. 2315-91-1 du Code du travail).
Ils doivent à cet effet observer les conséquences environnementales nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l'entreprise, mais aussi de la politique sociale, des conditions de travail et de l'emploi.
De nouvelles obligations à la charge de l'employeur ?
C'est à l'employeur qu'incombe la charge d'informer les membres du CSE à l'occasion des consultations. Parallèlement, si le champ de compétences du CSE est à l'évidence élargi, les obligations des entreprises le sont aussi.
Les employeurs doivent par ailleurs ajouter aux informations communiquées au CSE l'ensemble des conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise, ce qui implique pour eux d'appréhender cet aspect, de placer des indicateurs et d'être au fait de ce sujet pour donner au CSE toutes les clés pour qu'il puisse donner un avis éclairé en temps utile.
A défaut de consultation et de communication sur les aspects environnementaux, l'employeur peut être condamné pour délit d'entrave.
Ce changement intègre désormais une forme de responsabilité sociétale des entreprise (RSE) contraignante, jusqu'alors cantonnée à une démarche volontaire.
Même s'il y aura probablement des entreprises qui feindront de prendre en compte des contraintes environnementales à des fins opportunistes, on peut espérer qu'un tel contrôle par le CSE en conduira d'autres à adopter des pratiques plus vertueuses en matière environnementale.
Andréa Jacquier, élève avocat en droit du travail, stagiaire au sein du cabinet Drouot avocat