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Restructurations post-ordonnances Macron : où en est-on ?

Publié par Angéline Duffour, Anna Milleret-Godet, Avosial le | Mis à jour le

Plus de deux ans après les ordonnances Macron, l'heure est au bilan des outils de performance offerts aux entreprises. Dialogue social de qualité, droit du travail construit avec les partenaires sociaux : l'objectif est de préserver et d'adapter l'emploi. Explications point par point.

L'accord de performance collective : véritable outil d'anticipation

L'APC (Accord de Performance Collective) remplace les anciens Accords de Maintien de l'Emploi (AME), de Préservation ou de Développement de l'Emploi (APDE) et de Mobilité Interne (AMI). Après une phase d'observation de quelques mois, le succès est au rendez-vous puisqu'en 2018, pas moins de 214 APC ont été conclus dont 79 dans des PME et 10 dans des TPE(1). En 2019, le chiffre serait de l'ordre de 400 APC. Cet outil séduit les entreprises puisqu'il allie à la fois flexibilité et sécurité juridique pour l'employeur.

Flexibilité

L'APC permet de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou à la volonté de l'entreprise de préserver ou développer l'emploi. Il peut comporter des dispositions en matière de (i) durée du travail (réduction, modulation, etc.), (ii) rémunération (de base ou complémentaire), (iii) mobilité interne (tant géographique que professionnelle) et ce, sans passer par la " case " plan de sauvegarde de l'emploi. A la différence des anciens dispositifs, l'APC peut être conclu en dehors de toutes difficultés économiques.

Sécurité

Les dispositions de l'APC se substituent de plein droit aux dispositions contractuelles contraires. L'opposition du salarié constitue à elle-seule une cause réelle et sérieuse de licenciement (le licenciement est dit sui generis) , ce qu'a d'ailleurs confirmé en juin 2019 le ministère du Travail, saisi d'un recours hiérarchique contre une décision de refus d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, qui s'était opposé à la modification de son contrat de travail pourtant en ligne avec un APC régulièrement négocié et signé(2). Force est d'ailleurs de constater que les contentieux sont à ce jour très limités en la matière.

Garde-fous efficaces

L'APC est soumis à la règle de l'accord d'entreprise majoritaire. Il peut également être conclu dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. L'APC implique dans tous les cas de négocier des contreparties, notamment en termes d'investissements ou de garantie d'emploi, aux modifications contractuelles auxquelles devront se plier les salariés, comme cela a été le cas pour l'APC Kairos(3) chez Schneider Electric, identifié comme une réussite sociale par le ministère du Travail.

La rupture conventionnelle collective (RCC) : outil de restructuration " à froid "

Avantages

La RCC permet de réduire les effectifs en l'absence de tout motif économique, à condition qu'aucun licenciement n'intervienne pour atteindre l'objectif fixé en termes de suppressions d'emplois. Le candidat concerné par la RCC et volontaire au départ, verra son contrat de travail rompu d'un commun accord. Outre l'absence de motif économique nécessaire, la RCC a l'avantage de ne faire l'objet que d'un contrôle limité de la part de la Direccte.

Limites

A défaut de départs suffisants, l'employeur ne peut procéder à des licenciements en vue de supprimer des postes supplémentaires. Par ailleurs, les partenaires sociaux étant assez frileux à l'idée de recourir à cet accord collectif, qui est également soumis à la règle de l'accord majoritaire, la quasi-totalité des RCC signées à ce jour prévoient des mesures d'accompagnement importantes telles que des congés-senior, congés longue durée ou mobilités extérieures sécurisées comme cela a été le cas chez PSA Automobile(4). Une RCC sans mesures d'accompagnement intéressantes n'a aucune chance d'aboutir.

Que reste-t-il des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ?

Confronté à une nécessité de se réorganiser, l'employeur devra analyser, suffisamment tôt, ses besoins précis en termes d'organisation cible bien sûr, mais également de délai de mise en oeuvre puisque les négociations de l'APC ou de la RCC ne sont pas encadrées dans des délais légaux à l'inverse du PSE.

A cet égard, la conclusion d'un accord de méthode préalable aux négociations est vivement recommandée. En outre, un dialogue social de qualité dans l'entreprise et de substantielles contreparties ou garanties sont les conditions sine qua none de succès des APC ou RCC, avec le risque malgré tout de ne pas parvenir à un accord. Enfin, une RCC ne devrait pas être utilisée dans un contexte de réduction d'effectif indispensable, sauf à prendre le risque de ne pas atteindre l'organisation cible. Le PSE conserve donc encore quelques atouts.

Pour en savoir plus

Angéline Duffour, avocat associé et Anna Milleret-Godet, counsel au sein du cabinet Cohen & Gresser sont spécialisées en matière de restructurations, réorganisations, RCC et PSE. Elles sont membres d'AvoSial, premier syndicat des avocats en droit social, regroupant plus de 500 membres à travers la France.

(1) " La négociation collective en 2018 ", éd. 2019, p.404

[2] Décision du ministère du Travail en date du 13 juin 2019

[3] Accords d'établissement des 11 juillet 2018 (Carros), 17 décembre 2018 (Dinel), 11 juin 2019 (Dijon)

[4] Accord en date du 19 janvier 2018

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