Comité social et économique (CSE) : ce qui change par rapport aux IRP
Publié par Philippe Despres et Vincent Roulet le | Mis à jour le
Créé par les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, le Comité Social et Economique (CSE) remplacera l'ensemble des institutions représentatives du personnel de l'entreprise (CE, CHSCT, DP). Moyens, nombre d'élus, heures de délégation... voici une liste (non exhaustive) de ce qui change.
Au 1er janvier 2020 au plus tard, les entreprises d'au moins 11 salariés seront tenues d'avoir mis en place un "comité social et économique" (CSE), à moins qu'elles optent pour un "conseil d'entreprise", tous deux créés par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et ayant vocation à regrouper les institutions représentatives du personnel (IRP) existantes à savoir le comité d'entreprise (CE), le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel (DP). Le décret relatif au fonctionnement du CSE a été publié samedi 30 décembre 2017, dans les délais annoncés par le Gouvernement.
Le Gouvernement n'a pas fait table rase du passé pour autant. Les compétences des nouvelles instances sont construites en miroir des anciennes institutions, mais les modalités de fonctionnement sensiblement modifiées augurent d'un nouveau droit des IRP.
Compétences du CSE
Les attributions du CSE sont définies en fonction de l'effectif de l'entreprise. Une grande distinction s'articule autour du seuil de 50 salariés. En-deçà, l'instance se voit reconnue les missions incombant autrefois aux délégués du personnel (DP) auxquelles est expressément ajoutée la promotion de la santé, de la sécurité et des conditions de travail.
À y regarder de plus près, et dans l'attente de la loi de ratification, il faut bien constater que certaines prérogatives se sont évanouies. A notamment disparu le droit d'alerte (sous réserve de sa réintroduction probable, totale ou partielle, par la loi de ratification des ordonnances). Au-delà de 50 salariés, le CSE acquiert la personnalité morale et s'approprie, outre les compétences des DP, celles du CE et du CHSCT. Ce dernier survit a minima dans les entreprises de plus de 300 salariés ou à haut risque, sous la forme d'une commission santé, sécurité et conditions de travail intégrée au CSE.
Fonctionnement du CSE
La réforme ne se limite pas au regroupement des instances. Le législateur renforce les libertés reconnues à chaque entreprise d'organiser le fonctionnement de l'institution représentative du personnel. La loi organise les consultations du CSE, mais reconnaît à l'employeur la faculté de fixer par accord collectif (ou, en cas d'absence de délégué syndical, par accord avec le CSE) outre le nombre de réunions annuelles (minimum 6 par an), les modalités des consultations récurrentes, leur contenu et leur périodicité (maximum 3 ans). La loi autorise encore le CSE à rendre un avis unique portant sur les trois thèmes que sont "les orientations stratégiques", "la situation économique et financière de l'entreprise" et "la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi".
D'autres évolutions sont à chercher du côté des finances du CSE. D'une part, la séparation du budget de fonctionnement et du budget des ASC demeure, mais la frontière n'est plus si étanche : le législateur autorise, certes sous des conditions restrictives, le transfert des "excédents" d'un budget vers l'autre. D'autre part, les modalités de calcul du budget de fonctionnement sont toilettées. Outre que, pour les entreprises de plus de 2 000 salariés, le taux s'élève désormais à 0,22%, l'assiette est maintenant constituée de la masse salariale soumise à cotisations sociales. C'en est donc fini du contentieux relatif au compte 641 du plan comptable général.
Composition et moyens du CSE
La composition du CSE est proche de celle du comité d'entreprise (CE). Le législateur conserve le système connu de l'élection, à savoir un scrutin de listes à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. En revanche, est modifiée l'appellation des élus tous devenus "membres de la délégation du personnel du CSE".
Autre modification : le décret du 30 décembre 2017 réduit le nombre d'élus. Il fixe l'échelle d'1 siège pour une entreprise de 11 salariés à 24 salariés à 35 sièges pour les entreprises occupant plus de 10 000 salariés. Le nombre de titulaires prévus au CSE est donc inférieur au nombre de titulaires prévus pour les deux instances précédentes cumulées (DP/CE). Le barème applicable aujourd'hui n'est plus égal à la somme des deux instances (ex : hier 7 DP et 5 élus au CE pour une société de 250 salariés, demain 11 membres de la délégation du personnel au CSE et non 12). Une réduction du nombre d'élus, qui selon la configuration actuelle des entreprises, peut réduire ou accroître le nombre total d'heures de délégation.
Autre changement qui concerne la façon dont les heures de délégation peuvent être utilisées : les membres titulaires du CSE peuvent répartir le crédit d'heures avec les suppléants et, surtout, peuvent l'utiliser sur une période annuelle, et non plus seulement mensuelle. En revanche, les modalités pratiques d'utilisation des heures de délégation - paiement, contrôle et contestation - demeurent inchangées.
Entrée en vigueur du CSE
Lorsque le mandat des IRP arrive à échéance au cours de l'année 2018, l'entreprise peut, soit par accord soit par décision unilatérale, décider de leur prorogation pour une durée d'un an maximum, ou opter pour la création immédiate du CSE. Lorsque l'échéance intervient au cours de l'année 2019, la création du CSE est obligatoire. Enfin, lorsque l'échéance est postérieure au 31 décembre 2019, la durée des mandats est réduite afin que les élections pour le CSE se tiennent avant cette date.
Attention cependant, ces modalités d'entrée en vigueur ont retenu l'attention des parlementaires. La loi de ratification les modifiera peut-être.
Les auteurs
Philippe Desprès est avocat Associé en charge du département Droit social du bureau de Paris - Eversheds Sutherland. Il accompagne principalement des groupes internationaux dans le cadre de leurs opérations de restructuration en France, notamment à l'occasion de fermetures de sites et plus généralement de plans de licenciements collectifs, ainsi qu'en matière de négociation collective. Il les assiste également dans le cadre de leurs contentieux et dans leur gestion quotidienne des relations sociales individuelles et collectives.
Docteur en droit de l'université Paris II Panthéon-Assas, Vincent Roulet est spécialisé en protection sociale complémentaire notamment dans les regimes de prévoyance et de frais santé, les regimes de retraite et les dispositifs d'épargne salariale. Il conseille également ses clients en droit de la sécurité sociale.