Le PGE : un dispositif prudemment utilisé par les entreprises ?
Publié par Frédéric Maillard, expert-comptable et commissaire aux comptes chez Exco le - mis à jour à
Le dispositif des Prêts Garantis par l'Etat a permis à un grand nombre d'entreprises de faire face à une situation sanitaire et économique sans précédent. Après une reprise de l'activité cet été, les entreprises se focalisent aujourd'hui sur " l'après ".
Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreuses mesures ont été mises en place pour soutenir les entreprises françaises dans leur trésorerie et leur activité. Le dispositif du Prêt Garanti par l'Etat (PGE), mis en place pour les aider à faire face à la crise économique résultant de la pandémie et des mesures de confinement, offre aux entreprises un prêt à moindre coût, à l'accès facilité, avec un remboursement qui peut être étalé sur un à six ans.
Si un bon nombre d'entre elles ont fait appel au PGE, d'autres entreprises ont été plus réticentes à s'engager sur ce terrain, préférant se diriger vers d'autres dispositifs ou évaluer leur situation sur un plus long terme.
Un dispositif indispensable mais pas automatique
Depuis le 25 mars 2020, près de 120 milliards d'euros ont été accordé à plus de 570 000 entreprises (dont 95 % d'entre elles sont des TPE et PME) à travers les Prêts Garantis par l'Etat. Ce dispositif a permis à de nombreuses entreprises de faire face à un arrêt total ou partiel de leur activité sur de longs mois. Cependant, seulement un tiers de l'enveloppe prévue par le gouvernement de 300 milliards d'euros a jusqu'ici été mobilisé.
Pour expliquer cette utilisation, il faut discerner les différentes positions adoptées par les entreprises. Sur toutes les entreprises qui ont souscrit à un PGE, certaines ont dû revoir le montant demandé à la baisse, à l'injonction des banques. D'autres entreprises, notamment des grands groupes, ont fait le choix de ne tout simplement pas y recourir, préférant se reposer sur leur trésorerie en l'état. Enfin, un dernier groupe d'entreprises a préféré attendre de voir comment l'été et la rentrée se dérouleraient en termes d'activité, et pourrait souscrire à un PGE d'ici la fin de l'année. Il ne faut en effet pas oublier que d'autres mesures, tels que le chômage partiel et le report des remboursements de crédit, ont également été des leviers conséquents d'aide aux entreprises. Ces dernières ont, de manière globale, été plutôt prudentes, déterminées à évaluer leurs besoins réels, avant de souscrire à un prêt. Car elles l'ont bien compris : un prêt a vocation à être remboursé et, avant même d'y souscrire, beaucoup d'entre elles se demandent encore si elles pourront l'assumer.
Un remboursement pas si inquiétant ?
Les modalités de remboursement des Prêts Garantis par l'Etat annoncées à la rentrée prévoient un étalement sur une période maximale de six ans, et une possibilité de remboursement dans l'année 2021 à 0,25 %, soit le coût de la garantie de l'Etat. Les entreprises en mesure de rembourser leur prêt entre 2022 et 2023 bénéficieront d'un taux de 1 à 1,5 %, et de 2 à 2,5 % pour un remboursement entre 2024 et 2026. Il est difficile de se projeter cependant, les négociations autour de ces taux pouvant encore évoluer. Le coût du PGE reste toutefois raisonnable, surtout pour un prêt garanti à 90 %, l'essentiel de son coût étant d'ailleurs le coût de cette garantie. Le PGE semble être le dispositif le plus adapté pour permettre aux entreprises les plus vulnérables de relancer leur activité sereinement afin de se projeter sur le premier semestre 2021.
Car pour un bon nombre d'entre elles, l'enjeu est là : le début d'année 2021. Aujourd'hui, l'activité a repris, la Banque de France prévoit une récession moins importante que prévue, et une majorité (74 % selon l'Ifop) des patrons sont optimistes pour leur activité. De fait, ils se concentrent davantage sur les nouvelles stratégies à adopter, en termes de modèle économique et d'offre, afin de rééquilibrer leurs comptes. L'objectif actuel est de tenir jusqu'à la fin de l'année et d'évaluer en 2021 leurs besoins et possibilités. Il est évident que les entreprises qui ne dépendent pas de leur trésorerie et celles qui auront réussi à redresser leurs comptes seront aptes à rembourser leur prêt sur l'année et bénéficieront d'un taux de 0,25 %.
Mais d'autres entreprises restent en revanche vulnérables, notamment dans le secteur du tourisme. Absorber le coût de leur emprunt sera un challenge conséquent. Malgré des signaux encourageants, l'ampleur de la crise économique et sanitaire n'a pas été entièrement évalué : il faut s'attendre à une augmentation des sollicitations aux Tribunaux de Commerce au premier semestre 2021.
Le prêt garanti par l'Etat était incontestablement un dispositif indispensable pour soutenir les entreprises dans cette situation inédite, notamment pour les TPE et PME, et pour des secteurs spécifiques tel que le tourisme. Il était nécessaire, pendant et après le confinement, de fournir de la trésorerie aux entreprises afin qu'elles puissent relancer leur activité. Le gouvernement a su s'adapter à la situation, mais il faudra continuer à mettre en place des dispositifs et actions ciblées au fur et à mesure que la crise économique et sanitaire se développe en s'adaptant aux différents secteurs touchés.
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En savoir plus
Frédéric Maillard est expert-comptable et commissaire aux comptes chez Exco. Il intervient auprès de TPE et PME. Il accompagne au quotidien de nombreux dirigeants dans leurs opérations de pilotage, de développement et de transmission de leurs entreprises, et intervient également sur des missions d'externalisation comptable auprès de filiales technologiques de grands groupes français.