Dans quels cas pouvez-vous consulter la correspondance et les documents de vos collaborateurs ?
Publié par Carine Guicheteau le | Mis à jour le
La Cour de cassation précise que le dossier informatique "Mes documents" n'est pas considéré comme "personnel" et qu'il peut être librement consulté par l'employeur. L'occasion de faire le point sur ce que peut faire ou non l'employeur en termes de consultation de correspondance et de documents.
Tout document (e-mail, fichier informatique, …) clairement identifié par la mention “personnel” ne peut être consulté par l'employeur sans l'autorisation ou la présence du salarié. Mais ce principe vaut-il pour le dossier “Mes documents” ? Non, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 10 mai 2012. La dénomination automatique par certains systèmes d'exploitation du dossier "Mes documents" est donc trompeuse puisque l'employeur peut y avoir accès sans que cela constitue une atteinte à l'intimité de la vie privée du collaborateur.
« Cette décision ne fait que confirmer qu’un fichier doit être qualifié de personnel pour échapper à la présomption de professionnalité des fichiers informatiques, explique Christiane Féral-Schuhl, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris et avocat associé au sein du cabinet Féral-Schuhl Sainte-Marie. Cependant, il est souhaitable, au regard de cette jurisprudence, de faire un effort de construction et de concertation pour que chaque partie sache où se situe la frontière entre vie privée et vie professionnelle. C’est un sujet bizarrement absent des négociations entre organisations syndicales et patronales, alors que la négociation paritaire y a toute sa place. Que ce soit par la loi ou par l’accord, l’utilisation des nouvelles technologies au travail a besoin d’un “new deal”, partagé et connu de tous. »
Pour rappel, c'est l'article 9 du Code civil qui garantit à chacun le respect de sa vie privée. C'est de cette notion que découle la protection des fichiers détenus par un collaborateur sur son ordinateur professionnel. Par ailleurs, il est interdit pour un employeur de prendre connaissance des messages personnels émis et reçus par ses employés, il s'agit alors du secret des correspondances.
Pour éviter que son employeur ne consulte ni ses documents, ni sa correspondance, le salarié peut prendre le soin d'y apposer clairement la mention “personnel”. Néanmoins, l'employeur peut quand même y avoir accès en sa présence ou après avoir obtenu son accord par téléphone, voire en son absence en cas de risque ou d'événement particulier. « Cette notion de risque ou d'événement particulier est floue car non définie par la jurisprudence », souligne Me Christiane Féral-Schuhl.
Mais, attention. La consultation de documents personnels doit être justifiée. « L’accès doit être motivé par une considération légitime qui conduit l’employeur à devoir s’assurer du contenu d’un fichier ou d’un courriel personnel, indique l'experte. Par exemple, si l’employeur soupçonne que sous couvert d’une identification "personnel" le salarié stocke des contenus illicites ou préjudiciables sur son poste de travail ou si l’employeur constate des délais de connexion anormalement longs. Si l’employeur n’a pas à faire part de ses motivations au salarié, dans la perspective d’un éventuel contentieux, il doit être en mesure de justifier ce qui l’a conduit à devoir accéder à un contenu identifié comme personnel. »
« Le caractère personnel d’un fichier ou d'un courriel résulte, d’une part, de l’apposition de cette mention dans le nom du fichier, dans le nom du dossier qui contient le ou les fichiers ou dans l’objet du courriel adressé ou reçu, résume Me Christiane Féral-Schuhl. S’agissant des noms de fichier, de dossier ou de l'objet de courriel faisant ressortir le caractère manifestement personnel de son contenu, ils doivent être traités comme s’ils étaient identifiés par la mention “personnel”. »