[Tribune] Pivoter l'entreprise vers un modèle durable
Publié par Gwendal Bihan, CEO d'Axionable le - mis à jour à
La décision d'un pivot de l'entreprise vers le durable apparaît comme une évidence tant intellectuelle que morale mais aussi stratégique. Et si les opportunités d'affaire à saisir sont nombreuses, c'est à ce moment précis que le défi commence...
Par raison ou par conviction, pivoter, c'est abandonner une voie compromise pour une voie porteuse d'avenir. Or, quelle voie plus compromise que notre modèle actuel de développement ? Et quelle voie plus porteuse d'avenir qu'une approche positive pour l'humain et l'environnement ?
Au coeur de la stratégie d'entreprise
Bien que l'urgence sociale et climatique invite à agir au plus vite, pivoter ne peut se faire dans la précipitation. C'est une transformation fondamentale pour l'entreprise et il faut tout d'abord apprendre et comprendre ce dans quoi on s'engage.
Faire du développement durable le coeur de sa stratégie dépasse de très loin le périmètre et les ambitions des politiques RSE usuelles, trop souvent cantonnées à la périphérie du modèle d'affaires. Il ne s'agit pas de mener une série d'actions certes louables, mais limitées et cloisonnées.
Il faut tout revoir - la raison d'être, l'offre et le modèle économique, la production, le pilotage de l'activité, l'organisation, le leadership et les compétences... - à l'aune d'une ambition refondatrice qu'il est donc nécessaire avant toute chose d'expliciter.
Pas une simple " lubie "
En ce qui nous concerne, chez Axionable, nous avons choisi de devenir spécialiste du conseil et des solutions en Intelligence Artificielle durable, qui concilient résultat économique et impact sociétal et environnemental. Concrètement, cela signifie, par exemple, oeuvrer à réduire la consommation énergétique d'un processus industriel, à favoriser des services bancaires plus inclusifs ou à orienter l'assurance vers des modèles préventifs afin de réduire les risques pour les personnes et la nature.
Aussi, l'un de nos chantiers prioritaires est de renforcer la R&D afin de capitaliser sur l'expertise propre à ce positionnement original.
C'est donc un vrai projet d'entreprise, qui doit être abordé comme tel. Il faut avant tout lui allouer des ressources significatives, jauger les risques, établir une feuille de route pour avancer sans sacrifier l'activité en cours et piloter la transition tant du point vue business qu'humain. Ce dernier aspect est capital.
Le pivot ne doit pas être perçu en interne comme une " lubie des patrons ", mais il doit impérativement embarquer et rassembler toute l'équipe. Outre les actions de sensibilisation, de formation et d'information, le processus doit être très participatif et impliquer toutes les composantes de l'organisation afin de tenir compte des sensibilités, des inquiétudes et des suggestions de chacun.
Des renoncements
Tout choix implique des renoncements et pivoter vers un modèle durable donne un aperçu de ceux qui attendent nos sociétés et de leur difficulté. Dans notre cas, c'est d'abord avoir le courage de tourner le dos à une activité en pleine expansion pour se (re)lancer dans l'inconnu. Cela signifie aussi apprendre à dire non à certains projets ou à certains clients qui ne contribueront pas à l'objectif fixé.
Plus prosaïquement, cela signifie aussi réduire drastiquement quelques habitudes confortables comme le transport aérien.
Ce dernier exemple illustre bien la transformation culturelle qui doit accompagner la transformation stratégique. Prendre le tournant du développement durable signifie que l'on sera scruté dans ses moindres faits et gestes.
Un impact véritable
Le pivot ne sera donc tenable que s'il devient partie intégrante de l'ADN de l'entreprise qui, plus que quiconque, devra être en mesure de démontrer la réalité de son engagement. Le reporting devra inclure des indicateurs extra-financiers irréfutables et contraignants. La politique RSE devra être exemplaire, notamment sur des sujets comme l'égalité homme/femme, l'inclusion dans l'emploi et l'empreinte carbone. Enfin, il faudra se tenir à l'écart des modes, des fausses bonnes idées et des mesures d'affichage qui, à l'image de la compensation carbone, parasitent la communication et nuisent aux résultats.
Le pivot vers un modèle durable procède d'une prise de conscience de notre responsabilité en tant qu'entrepreneur, mais ce n'est pas une démarche à prendre à la légère. C'est une transformation difficile, dont les maîtres mots sont cohérence, rigueur et authenticité. Ce qui est un engagement pour le long terme devient une exigence de chaque instant. Mais ce n'est qu'à ce prix que notre engagement ne restera pas de papier et aura un véritable impact.