Ne cherchez plus à motiver vos collaborateurs, engagez-les !
Publié par Emeric Lebreton, enseignant-chercheur en psychologie le - mis à jour à
La « grande démission » et la « démission silencieuse » sont deux syndromes du monde du travail qui inquiètent particulièrement les managers, les chefs d'entreprise et les responsables RH. Un salarié moins engagé, c'est un salarié moins productif et moins performant, mais c'est aussi un salarié moins heureux.
Il est dans l'intérêt du salarié et de l'employeur de construire un cadre propice à l'épanouissement du salarié, à son engagement personnel et à la performance. La question qui se pose alors est comment créer ce cadre ? Sur quelles bases y réfléchir et le définir ?
90 % des pratiques managériales sont basées sur la motivation
Selon les théories de la motivation enseignées de toutes parts, les salariés sont engagés et travaillent dur quand ils sont motivés. Mais par quoi le sont-ils ? Le salaire bien sûr, mais pas seulement. Abraham Maslow (Psychologue, 1908-1970) explique que les salariés sont aussi motivés par avoir le sentiment d'appartenir à une équipe, relever des défis ou se réaliser dans des missions qui sont utiles et qui ont du sens. D'après ces théories de la motivation, les salariés sont engagés et travaillent dur parce qu'ils recherchent des récompenses.
Voilà pourquoi tant d'efforts sont déployés pour mettre en place :
Et si 90 % des comportements humains s'expliquaient autrement ?
Un constat d'abord : il existe des entreprises dans lesquelles aucun de ces points n'est mis en place et, pour autant, les salariés sont extrêmement engagés, voire beaucoup plus engagés que dans des entreprises qui offrent tout cela. Pourquoi ? Peut-être parce que les salariés n'agissent pas uniquement quand ils sont motivés, en quête de récompenses ?
Ce constat va dans le sens d'une des plus grandes théories scientifiques jamais élaborées en psychologie sociale : la théorie de l'engagement selon laquelle les humains agissent parce qu'ils s'engagent et sont engagés dans certains comportements. Ils n'agissent pas pour rechercher une récompense, mais simplement parce qu'ils ont pris des habitudes. Ce qui veut dire que les salariés ne travaillent pas dur pour obtenir des récompenses, mais par habitude.
Selon cette théorie, plus vous le salarié reçoit des récompenses et moins il est engagé dans ses comportements. Un raisonnement perturbant qui explique (en partie) son impopularité alors même qu'il est scientifiquement démontré.
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Par quel mécanisme peut-on expliquer cela ?
Le cerveau humain associe toujours un comportement à une cause. Quand il s'agit d'une récompense, la cause est externe. « Je travaille dur pour avoir un bon salaire » ? Quand la récompense ou sa promesse disparaît, le comportement disparaît lui aussi. Mais quand il n'y a pas de récompense, le cerveau se met alors à chercher une cause à l'intérieur. « Je travaille dur, parce que... j'aime mon travail, parce qu'il a du sens pour moi, parce que je suis passionné par ce que je fais, parce que je suis travailleur... » Le cerveau associe le comportement à une cause interne.
C'est exactement ce qui est observé chez les indépendants ou les chefs d'entreprise. Pendant les premiers mois (années) de leur activité, ils ne gagnent presque pas d'argent. Il n'y a pas de récompenses. Cela crée un engagement extrêmement fort dans leur travail. Ils prennent l'habitude de travailler dur. Ils finissent par prendre plaisir à cette situation. Le simple fait de travailler devient pour eux une récompense en soi et le fait d'être rémunéré n'est plus une cause, mais une conséquence.
C'est exactement cet état d'engagement que l'on peut chercher à développer chez les salariés.
Qu'est-ce que l'engagement ?
L'engagement est un état de connexion et d'harmonie entre ce que l'on fait, ce que l'on pense et ce que l'on ressent. Appliqué au travail, l'engagement est un état où l'on se sent à sa place, où les actions que l'on doit réaliser ne génèrent pas de conflit. Une personne non-engagée dans son travail va souffrir de conflits internes. Elle va réaliser les tâches qui sont liées à son poste parce qu'elle est contrainte de le faire ou parce qu'elle espère une récompense pour les faire, mais pas parce qu'elle est convaincue qu'il est utile et important de les faire.
Dans l'état de non-engagement, il y a résistance entre l'action et la cognition, entre l'acte et la pensée. Cette résistance se traduit par une moindre performance et une moindre efficacité, mais elle est aussi fortement consommatrice d'énergie mentale et se traduit donc par une forme d'inconfort, de mal-être ou de souffrance. Un inconfort se traduira par des plaintes
La prochaine étape consisterait à explorer les différentes manières de créer de l'engagement en entreprise, tant au moment du recrutement qu'à l'intégration, mais aussi auprès de ses différents publics et à ne plus réfléchir seulement sous l'angle de la motivation.
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