[Tribune] 3 conseils pour réussir son pacte d'associés
Publié par Romain Luciani et Sylvain Tillon le - mis à jour à
Entreprendre seul ou s'associer ? Tout entrepreneur doit répondre à cette question. Une fois trouvé l'associé idéal, reste à établir le fonctionnement de l'association et ses modalités. C'est le rôle du pacte d'associés. Voici comment l'optimiser pour parer à toutes les éventualités.
Le pacte d'associés est un contrat confidentiel conclu entre toutes ou certaines parties présentes au capital de la société concernée. Il définit les associés, les différents engagements opérationnels financiers, capitalistiques et de gouvernance de chacun des associés et les modalités de rupture. Il est recommandé qu'il colle au plus près à la réalité du projet d'entreprise.
Il n'est pas très connu par les néo-entrepreneurs et certains pourraient même penser qu'il est facultatif, dans la mesure où aucune loi ne l'impose, pour l'instant. Pourtant, il est indispensable pour construire votre entreprise de façon sereine. Si le pacte ne vous garantit pas un mariage heureux avec votre associé, il vous simplifiera le divorce en cas de souci.
1. Anticiper les (possibles) conflits
Les conflits peuvent intervenir sur des sujets lourds (stratégie de l'entreprise, rémunération des dirigeants...) comme sur des sujets beaucoup plus futiles (remboursement des notes de frais, nombre de jours de congés payés...). Mais le résultat est le même : la confiance entre les associés se détériore, le projet d'entreprise est déstabilisé et vous vous retrouvez dans une situation de blocage. Dès lors, voici quelques exemples de sujets à discuter impérativement :
- Répartition des tâches et attribution des responsabilités
- Engagement d'exclusivité
- Clause de non-concurrence
- Engagement de présence
- Congés payés
- Lieu de travail (ou télétravail)
- Accidents de la vie
- Cession des droits de propriété intellectuelle
- Obligation de communication
- Rémunérations et engagements conditionnels d'augmentation
- Capacité à renflouer la société
- Signature et droit de regard sur les notes de frais
- Distribution des dividendes
- Modèle de SCI pour les locaux
-...
[C'est du vécu] Comment la question des congés payés peut occasionner des difficultés
J'ai déjà rencontré des entrepreneurs qui étaient dans une situation de blocage à cause de cette question des congés payés. En effet, en tant que dirigeants majoritaires de SARL, aucun des deux n'avait de contrat de travail. Donc le sujet des congés payés n'avait pas été traité. Or, pour l'un des deux associés fondateurs, il n'était pas imaginable de prendre plus de deux semaines de congés payés par an au démarrage de l'entreprise. L'autre associé, en couple, souhaitait pouvoir prendre cinq semaines comme son/sa conjoint(e).
De longues négociations se sont mises en place (semaines payées double pour l'associé restant, congés sans soldes au-delà de deux semaines...) et ont mis en difficulté l'entreprise en faisant ressortir d'autres petits soucis dans l'association. Tout ceci aurait pu être évité en étant indiqué dans le pacte. Les règles auraient été claires pour les deux associés dès le début !
2. Prévoir une (probable) séparation
Si malgré tous vos efforts et un pacte d'associé mitonné aux petits oignons, votre associé et vous n'arrivez plus à vous entendre, il faut se résoudre à se séparer. Dans un divorce, on peut se quitter en bonne intelligence ou se déchirer pour la répartition des petites cuillères de tante Jeanine...
Lorsqu'une association prend fin, c'est un peu la même chose. Sauf que, si vous avez tout "bordé" dans votre pacte d'associés, la répartition des petites cuillères - le montant avec lequel part celui qui quitte la boîte - aura déjà été prévue. Et cela évitera bien des discussions envenimées !
[C'est du vécu] Comment rembourser, après zéro vente, un associé qui souhaite partir
Dans ma première entreprise, six mois après le démarrage de l'activité, mon associé m'annonce qu'il souhaite quitter l'aventure. Nous avions déposé un brevet sur le système d'attache de nos bijoux pour cheveux. Mais nous n'avions pas encore trouvé de fournisseur... et encore moins de clients. Or nous avions déposé nos statuts et enregistré un capital social de 15 000 euros (et chacun en avait mis la moitié). Il n'y avait pas encore de chiffre d'affaires mais un très beau business plan qui avait gagné de nombreux concours.
C'est sur les prévisions de ce business plan que mon associé a évalué ses parts sociales. A 75 000 euros ! Autant vous dire qu'il m'était impossible de lui racheter ses parts à ce montant. Comme il m'était inconcevable de le garder avec 50% du capital sans qu'il soit opérationnel, cela s'est très mal terminé. J'ai perdu un ami et beaucoup de temps. Heureusement, un avocat m'a aidé et j'ai pu lui racheter ses parts pour 12 000 euros. Cela fait 15 ans que nous ne nous sommes pas revus...
3. Soyez honnête !
Ce n'est pas toujours évident de TOUT se dire et d'être totalement honnête sur ses rêves et ses objectifs personnels et professionnels. Alors, avec mon associé, on a toujours discuté de ces éléments autour d'une bouteille de bon whisky - consommée forcément avec modération. Au fur et à mesure que la soirée avançait, nos langues se déliaient. Mais c'est un conseil qui n'est pas très politiquement correct... Alors à chacun de trouver sa technique !
Les auteurs
Romain Luciani est avocat et fondateur du cabinet Lexplus Avocats, spécialisé dans le droit des affaires et des sociétés pour les entreprises de toute taille et basé à Lyon.
Sylvain Tillon est entrepreneur. Fondateur de Lucyf'hair (accessoires de mode et de coiffure) puis de Sydo (conseil en formation), il est aujourd'hui à la tête de Tilkee, éditeur de logiciels de tracking de documents numériques.
Ensemble, ils ont écrit "Acceptez-vous de prendre pour associé...?", un ouvrage visant à donner des clés et des conseils sur la façon, pour les entrepreneurs, de réussir une collaboration sur le long terme.
Le livre porte sur trois questions principales : bien choisir ses associés, les probables conflits entre associés opérationnels et leur résolution par le pacte d'associés, bien négocier son pacte d'associés avec des investisseurs (Eyrolles, mars 2018, 20 euros).