Secret des affaires : une protection qui n'est pas sans limites
Publié par Xavier Henry & André Bricogne, avocats, cabinet Henry & Bricogne le - mis à jour à
En 2018, ont été introduites dans le code de commerce des règles visant à protéger le secret des affaires. Certaines informations commerciales détenues par les entreprises peuvent bénéficier de cette protection qui n'est cependant pas absolue.
Jusqu'en 2018, l'information commerciale détenue par les entreprises ne faisait pas l'objet d'une protection spécifique, sauf exceptions ciblées comme celles résultants des droits de propriété intellectuelle (brevets, marques, dessins et modèles, droits d'auteur). Notamment, le savoir-faire d'une entreprise ne bénéficiait d'aucune protection particulière. En 2018, la loi a entendu remédier à cette carence et a institué un secret des affaires. Pour autant, ce secret ne s'applique pas à toutes les informations détenues par une entreprise et, lorsqu'il s'applique, il n'est pas illimité.
Quelles sont les informations qui peuvent bénéficier du secret des affaires ?
Toutes les informations détenues par une entreprise ne sont pas protégées par le secret des affaires. Certaines conditions doivent être remplies pour en bénéficier.
Selon l'article L. 151-1 du code de commerce, pour être protégée par le secret des affaires, une information ne doit pas être généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations. Par ailleurs, l'information doit avoir une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret. Enfin, elle doit faire l'objet par celui qui la détient légitimement de mesures de protection raisonnables pour en conserver le caractère secret.
En conséquence, pour être protégée par le secret des affaires, une information doit être secrète et d'une certaine valeur commerciale. Il peut s'agir d'un savoir-faire, d'une liste de clients, d'informations financières, d'une stratégie commerciale, .... La protection ne dispense pas le détenteur de l'information privilégiée de prendre ses précautions. En effet, les mesures de sécurité prises par le détenteur sont un critère pour déterminer si l'information peut bénéficier au pas du secret des affaires.
A qui ne peut pas être opposé le secret des affaires ?
Le secret des affaires n'est pas absolu. La loi prévoit en effet des exceptions à ce secret.
Il n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret sont requises ou autorisées par la loi. Notamment, il n'est pas opposable aux juridictions ou aux autorités administratives dans l'exercice de leurs pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction. Il n'est par exemple pas opposable à l'Autorité de la concurrence, à la direction de la concurrence (DGCCRF) ou encore aux services fiscaux.
Par ailleurs, le secret des affaires ne peut pas limiter le droit à la liberté d'expression et de communication, ce qui comprend le respect de la liberté de la presse et de la liberté d'information. Il ne peut pas davantage couvrir une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible et en particulier limiter l'exercice du droit d'alerte, ni l'exercice du droit à l'information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants.
Quand y a-t-il violation du secret des affaires ?
La violation du secret des affaires peut résider dans son obtention, sa divulgation ou son utilisation illicite.
L'obtention d'un secret des affaires est illicite si elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et si elle résulte d'un accès non autorisé par exemple à un document, un fichier informatique ou un produit ou encore d'un comportement déloyal. Quant à la divulgation ou l'utilisation du secret, celles-ci sont illicites si elles résultent d'une obtention illicite de l'information secrète ou encore si elles sont réalisées en violation d'une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation.
L'utilisation d'une information couverte par le secret des affaires est encore illicite lorsque la personne qui l'utilise (production, offre, mise sur le marché, ...) savait, ou aurait dû savoir que ce secret était utilisé de façon illicite.
Inversement, l'observation, l'étude, le démontage ou le test d'un produit licitement obtenu est un mode d'acquisition licite d'une information, pour autant qu'aucun engagement contractuel contraire ait été souscrit.
Comment le secret des affaires peut-il être protégé ?
La loi a prévu une procédure judiciaire pour prévenir ou faire cesser une atteinte au secret des affaires.
Ainsi, le juge (au fond ou en référé) peut être saisi afin d'ordonner des mesures visant à interdire sous astreinte la réalisation ou la poursuite de l'utilisation ou de la divulgation d'un secret des affaires : interdiction de production, d'offre, de mise sur le marché ou d'utilisation des produits résultant de l'atteinte au secret des affaires, destruction totale ou partielle de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires, ...).
Quelles sont les sanctions en cas de violation du secret des affaires ?
L'article L. 152-1 du code de commerce dispose que la violation du secret des affaires engage la responsabilité civile de son auteur. Ce dernier s'expose donc à devoir verser des dommages et intérêts au détenteur légitime de l'information secrète. La loi précise que ces dommages et intérêts doivent tenir compte du manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, du préjudice moral et des bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte au secret des affaires.
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