Les congés illimités dans l'entreprise : quatre conseils pratiques
Publié par Anne Leleu-Eté du cabinet ALE Avocats le | Mis à jour le
Les annonces d'emploi mettant en avant une politique de congés illimités sont en nombre croissant. Inspiré d'une pratique née aux Etats-Unis, le phénomène tend à se développer en France depuis quelques années, notamment dans les start-up. Un concept qui suscite beaucoup d'interrogations.
Vous êtes dirigeant et vous avez peut-être déjà pensé à instaurer des congés illimités au sein de votre organisation, afin de permettre à vos collaborateurs de poser des congés selon leurs besoins et sans contrôle ?
Est-il vraiment possible ou opportun de mettre en place un tel système ? Voici quelques conseils pratiques pour alimenter votre réflexion.
Favoriser l'attractivité de l'entreprise auprès des nouvelles générations
Il est vrai que ce concept, sur le papier, présente certains atouts.
D'une part, les générations qui entrent actuellement sur le marché du travail sont en demande de ce type d'avantage. La flexibilité et l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle représentent des points souvent cruciaux dans le choix de l'emploi. Le nombre de jours de congés peut alors être vu comme un argument incontournable de recrutement. D'autre part, une telle politique pourrait séduire des salariés qui ne seraient pas, par ailleurs, éligibles à une rémunération variable.
La mise en place des congés payés illimités peut donc avoir un impact sur l'attractivité de l'entreprise.
Néanmoins, cet atout est à relativiser. En France, le nombre de congés est déjà relativement élevé et certaines études démontrent que le délai de recrutement n'est pas forcément plus rapide sur des annonces proposant les congés illimités que sur les autres.
Une flexibilité à concilier avec d'autres intérêts
Les obligations légales de l'employeur
Le système français n'est pas parfaitement adapté à ce type de concept.
Certaines règles relatives à la prise des congés doivent être aménagées si aucun contrôle de la prise des congés n'est réalisé par l'employeur. Pour être cohérente avec une politique de congés illimités, la période de prise du congé principal de quatre semaines, devra être étendue à 12 mois et ne plus être limitée au 1er mai - 31 octobre.
Le risque le plus important réside cependant dans l'obligation qu'a l'employeur d'assurer la prise, par le salarié, de l'ensemble de ses congés payés annuels. Or, les retours d'expérience de nos clients démontrent qu'en réalité, les situations d'abus sont peu courantes et que les collaborateurs ont même tendance à s'autolimiter, sans prendre les cinq semaines de congés auxquelles ils ont droit au cours de l'année.
A mettre en oeuvre un système qu'il croit plus avantageux que le système légal, l'employeur risque ainsi d'engager sa responsabilité au regard de son obligation de santé et de sécurité. Il s'expose à un certain nombre de condamnations à ce titre.
Les nécessités de bon fonctionnement de l'entreprise
L'instauration d'une politique de congés payés illimités doit en tout état de cause être réfléchie au niveau organisationnel. L'impact de congés additionnels peut être important sur l'exécution des tâches et il est exclu que le fonctionnement d'un service pâtisse d'un avantage supplémentaire accordé aux collaborateurs.
Comment concilier l'ensemble des intérêts en jeu ?
La mise en place d'une politique globale adaptée peut permettre de concilier bonne organisation des départs et bon fonctionnement du service.
S'assurer de la prise des cinq semaines de congés payés
Flexibilité ne veut pas dire absence de contrôle. Relances, alertes, compteur individuel : les outils visant à assurer de la prise effective par le salarié d'au moins cinq semaines de congés par an devront être mis en place.
Assurer un équilibre dans l'octroi des jours de congés payés supplémentaires
Un salarié qui aurait pris moins de congés qu'un autre ou qui se serait vu refuser la prise de congés supplémentaires pourrait tenter de se retourner contre son employeur. La politique globale devra prévoir des outils visant à garantir une certaine harmonie entre les collaborateurs.
Responsabiliser les collaborateurs et actualiser les méthodes d'évaluation
Pour assurer l'effectivité d'une politique de congés payés illimités, les salariés doivent être responsabilisés. Bien prioriser les missions, manager sur la base de la confiance : un changement de philosophie doit être opéré en interne. Dans cette optique, les objectifs annuels et les critères d'évaluation doivent être revus (...exit le critère du temps de présence).
Envisager des solutions intermédiaires... et chiffrer le coût !
Au risque de perdre un peu de la flexibilité promise, un process avec autorisation préalable du manager et répartition de la charge du travail entre les autres membres de l'équipe permettra d'éviter les impacts négatifs sur l'activité. D'autres garde-fous peuvent être prévus comme par exemple un délai incompressible avant la prise de jours supplémentaires ou la limitation du nombre de jours pris en une seule fois.
Pour les plus réfractaires, il sera toujours possible d'opter pour d'autres solutions, comme par exemple d'augmenter limitativement le nombre de jours supplémentaires de congés. En tout état de cause, avant de se précipiter, il ne faudra pas oublier de chiffrer le coût de la mise en oeuvre d'une politique plus avantageuse en matière de congés payés, quelle qu'elle soit.
En savoir plus
Anne Leleu-Eté du cabinet Ale Avocats est avocat en droit du travail et de la sécurité sociale. Elle conseille notamment des entreprises et des entrepreneurs individuels en matière de gestion du personnel et de représentants du personnel et intervient sur des dossiers plus ponctuels tels que restructurations, audits, contrôles Urssaf, détachement/expatriation, sous-traitance, etc. Le cabinet assiste également ses clients en matière contentieuse.